Vies miniscules

Note :  1 /10 / 2019
Le chapitre 5 est utilisé ici pendant la lecture et un synopsis en préparation pour l’étude de ce sujet.

~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~

UNIVERSITÉ DU QUÉBEC À MONTRÉAL
VIES ET ŒUVRE DE PIERRE MICHON.

DE L’ABSENCE PATERNELLE AUX FILIATIONS LITTÉRAIRES
MÉMOIRE – PRÉSENTÉ COMME EXIGENCE PARTIELLE DE LA MAÎTRISE EN ÉTUDES LITTÉRAIRES
PAR DAVID FAUST NOVEMBRE 2006
UNIVERSITÉ DU QUÉBEC À MONTRÉAL Service des bibliothèques

Avertissement
La diffusion de ce mémoire se fait dans le respect des droits de son auteur, qui a signé le
formulaire Autorisation de reproduire et de diffuser un travail de recherche de cycles
supérieurs (SOU-522 -Rév.01-2006). Cette autorisation stipule que «conformément à J’article
11 du Règlement no 8 des études de cycles supérieurs, [l’auteur] concéde à l’Université du
Québec à Montréal une licence non exclusive d’utilisation et de publication de la totalité ou
d’une partie importante de [son] travail de recherche pour des fins pédagogiques et non
commerciales. Plus précisément, [l’auteur] autorise l’Université du Québec à Montréal à
reproduire, diffuser, prêter, distribuer ou vendre des copies de [son] travail de recherche à
des fins non commerciales sur quelque support que ce soit, y compris l’Internet. Cette licence
et cette autorisation n’entraînent pas une renonciation de [la] part [de l’auteur] à [ses] droits
moraux ni à [ses] droits de propriété intellectuelle. Sauf entente contraire, [l’auteur] conserve
la liberté de diffuser et de commercialiser ou non ce travail dont [il] possède un exemplaire.»

~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~

 

CHAPITRE V
L’INVENTION GÉNÉRIQUE ET L’INTERTEXTE RELIGIEUX
5.1 Michon et ses archives: entre histoire et fiction
Les Vies minuscules ne sont pas une biographie au sens traditionnel du terme. Il
s’agit davantage d’une autobiographie articulée dans une suite de huit « nouvelles
biographiques» dont le ton, et avant tout le titre, évoquent les hagiographies, ou Vies de
saints, en vogue au Moyen-Âge. Quoi qu’il en soit, biographie et autobiographie s’appuient
nécessairement sur un matériau archivistique pour mettre en récit une existence individuelle
(ou, comme dans le cas des prosopographies, pour mettre en parallèle la vie d’individus qui
ont vécu à la même époque afin d’offrir au lecteur une vision de ce que pouvait être, par
exemple, la vie dans les campagnes françaises au dix-huitième siècle). Le cas qui nous
occupe est plus complexe. En effet, la dissolution des frontières génériques dans les Vies
minuscules semble n’avoir d’égale que celle des sources à partir desquelles compose le
narrateur. Au sujet de l’archive chez Michon, Dominique Viart écrit:
69
Pas de notes infrapaginales mais tout un matériel documentaire sous-jacent, qu i
nourrit véritablement le récit et ses perplexités: textes, œuvres critiques, glose de la
« vulgate» rimbaldienne, documents historiques sur les Postes et la Peinture au temps de Van
Gogh et de Roulin, photographies, archives d’époque … Il Y a là le matériel nécessaire à la
mise en œuvre de ce « travail de restitution» auquel déjà s’était attelé Claude Simon à propos
de sa propre famille dans Les Géorgiques ou à ce que l’on a appelé les « romans» ou
« récits» d’archives l
.
Dans les Vies, ce fatras d’archives que relève Vialt apparaît au hasard des pages et
des exigences du moment de l’écriture. Déjà, dans la « Vie d’André Dufourneau», le
narrateur pose l’une des nombreuses dichotomies qui fondent en partie l’édifice de son
œuvre, comme si l’écriture obéissait, comme Dufourneau lui-même, « au dieu hautain et
sommaire du “tout ou rien” »2. Il s’agit en fait de la contradiction qui scinde en deux parts
(inégales ?) la totalité du réel: d’une part, le monde sensible demeure ce lieu où des destins
se trament dans le silence du verbe et, d’autre part, il y a cette écriture, ce dire par lesquels
l’écrivain s’emploie à mettre de l’ordre dans le chaos de l’existence, dans l’imprévisibilité et
l’insignifiance d’une vie. Il y a en somme l’humain jeté dans le monde sensible et, en
parallèle, l’écrivain confiné au « continent» de la mémoire:
… je ne savais pas que l’écriture était un continent plus aguicheur et plus ténébreux
que l’Afrique, J’écrivain une espèce plus avide de se perdre que J’explorateur; et, quoiqu’il
explorât la mémoire et les bibliothèques mémorieuses en lieu de dunes et forêts, qu’en revenir
cousu de mots comme d’autres le sont d’or ou y mourir plus pauvre que devant – en
mourir – était l’alternative offerte aussi au scribe3

Quoique l’écrivain explore, donc, ses pérégrinations se font du côté de la mémoire où
l’encre s’est substituée au sang qui bat dans le cœur des manants. La conscience de la mort,
qui apparaît dans la citation précédente, est au centre des Vies comme peut-être de toute
entreprise autobiographique. De quelque nature que soient les archives dont il fait usage, le
narrateur travaille dans le voisinage de la mémoire. Cette dernière, au sens large, est sa
1 Domique Viart, « Les “fictions critiques” de Pierre Michon », in Coll., Pierre Michon, l’écriture

absolue, Agnès Castiglione (dir.), Actes du premier colloque international Pierre Michon, Musée d’art

moderne de Saint-Étienne, 8, 9, 10 mars 200 l, p. 204.

2 Vies minuscules, p. J9.

3 Ibid., p. 22.

70
bibliothèque ou sa salle d’archives: elle se prolonge dans la mémoire de toute personne
vivante comme dans les artéfacts laissés par les défunts.
Par artéfact, nous n’entendons pas seulement les kilomètres d’archives écrites dont
parle notamment Arlette Farge dans Le goût de l’archive, mais tout produit humain. Il peut
s’agir, comme le souligne Viart, à la fois de photographies, de représentations picturales
comme de gloses ou de textes critiques légués par des scribes d’époques antérieures.
Pour définir l’archive Arlette Farge, citant J. André, écrit:
Ensemble de documents, quels que soient leurs formes ou leur support matériel, dont
l’accroissement s’est effectué d’une manière organique, automatique, dans l’exercice des
activités d’une personne physique ou morale, privée ou publique, et dont la conservation
respecte cet accroissement sans jamais le démembrer4

Selon cette définition scientifique, nous voyons que l’archive ne saurait être réduite à
de J’écrit ou à du texte. Et l’un des procédés originaux de Michon consiste justement en
l’utilisation de plusieurs formes et sources d’archives. D’abord, en ce qui a trait à la « Vie
d’André Dufourneau », mentionnons l’existence de lettres envoyées par le voyageur à Élise,
la grand-mère matemelle du narrateur: « D’autres lettres vinrent, annuelles ou bisannuelles,
retraçant d’une vie ce qu’en voulait dire son protagoniste, et que sans doute il croyait avoir
vécu: il avait été employé forestier, “coupeur de bois”, planteur enfin; il était riches. » Nous
pouvons voir ici l’un des procédés spécifiques du narrateur qui consiste à nommer l’archive
d’abord, pour ensuite la déco11iquer au gré de ses rêveries, de ses hypothèses de lecture et des
besoins de l’œuvre en cours: « Je pense aussi à ce qu’il ne disait pas: quelque insignifiant
secret jamais dévoilé [… ] quelque débauche de l’esprit autour d’un dérisoire appareil, une
délectation honteuse en tout ce qui lui manquait6
. »
Ce type d’intervention du narrateur dans son œuvre n’est pas sans rappeler le
troisième paradigme biographique mentionné par Madelénat dans La biographie, à savoir le
paradigme moderne dans lequel le biographe commence à s’impliquer, à prendre la parole.
4 Arlette Farge, Le goût de l’archive, Paris, Seuil, coll. « La librairie du XX” siècle », 1989, p. Il.

S Vies minuscules, p. 25.

6 Ibid., p. 25-26.

71
Flaubert voulait que l’écrivain soit à son œuvre ce que Dieu est au monde, un démiurge
omniscient. Dans les Vies minuscules, il faudrait parler d’un dieu modeste, conscient de ses
limites, les exagérant même jusqu’à qu’au pathos et au sentiment d’impuissance, mais
s’impliquant corps et âme dans son processus d’écriture. C’est dans cette perspective
d’ailleurs que Viart note avec acuité:
Michon est un écrivain qui fait entendre l’instance énonciative: son œuvre est un
théâtre dont on montre les coulisses. Toutes les fonctions narratives s’y exhibent: qu’il
s’agisse de la fonction de « régie» qui organise le récit, de la fonction « idéologique» qui en
commente l’éthique et l’axiologie, de la fonction « métalittéraire» qui discute de la mise en
forme poétique, « narrative» qui exhibe ses procédures d’énonciation ou encore de la
fonction de communication qui interpelle le lecteur, tout ce que les analyses canoniques de la
narratologie distinguent est ici exemplairement manifesté par le texte7
À ces fonctions que répertorie Dominique Viart, nous pourrions ajouter, au sens d’un
Gaston Bachelard8
, la fonction de rêverie (ou defantasme) sur laquelle nous reviendrons, et
qui est sans doute celle qui conditionne ici toutes les autres. Quoi qu’il en soit, ce qui nous
intéresse ici est de constater comment les archives épistolaires (nous parlions à l’instant des
lettres de Dufourneau) constituent une sorte de « fil d’or» au sens d’Yvan Lamonde9
, et
comment, par conséquent, eu égard à la rareté de ces archives, le narrateur doit sans cesse
s’en remettre au « fil blanc », c’est-à-dire à sa propre capacité de formuler des hypothèses
afin de calfeutrer les fissures archivistiques pour conférer à son récit – comme à l’existence
qu’il dépeint – une unité de ton et de style, afortiori la puissance d’évocation nécessaire à la
résurrection des morts que l’écriture a pour mission de déterrer.
Il en va de même pour les autres types d’archives ici en Jeu. Pensons à la
photographie, qui apparaît fréquemment dans le texte comme support au travail scripturaire.
Si les archives écrites du narrateur sont rarissimes, phénomène entre autres imputable au
7 « Les “fictions critiques” de Pierre Michon », lac. cit, p. 213.

8 Cf. Gaston Bachelard, La poétique de la rêverie, Paris, PUF, coll. « Quadrige », 2005, ]83 p.

9 Yvan Lamonde, d’après une riche intervention prononcée dans le cadre d’un séminaire de maîtrise­

doctorat dirigé par Bernard Andrès, Biographie et imaginaire de l’archive, qui s’est déroulé à

!’UQAM à l’automne 2003, distingue deux types de « fils» dont peut être cousu, à partir de l’archive,

le texte biographique: le premier, le « fil blanc », constitue la ressource primaire du biographe, qui

l’utilise pour remédier aux failles archivistiques. Il est par conséquent moins persuasif que le second,

« le fil d’or », qui procède et témoigne d’archives inespérées, « extraordinaires », fondées en crédibilité

et, partant, dotées du pouvoir de remettre en question la connaissance actuelle de son sujet.

72
silence de ses ancêtres, le « musée familial» compte bien quelques photographies qu’il saura
faire parler:
L’occasion est belle [notons la subordination au présent de l’écriture] pour tracer de
lui [Dufourneau] le portrait physique que j’ai différé: le musée familial en a conservé un, où
il est photographié en pied, dans le bleu horizon de l’infanterie; les bandes molletières qui le
guêtrent m’ont permis tout à l’heure de l’imaginer en bas Louis XV [… ]. […] Allons, c’est
bien à un écrivain qu’il ressemble: il existe un portrait du jeune Faulkner, qui comme lui était
petit, où je reconnais cet air hautain à la fois et ensommeillé … 10
Dans ce passage, nous voyons bien comment des traits de caractère du personnage
naissent de la mise en parallèle d’une photographie unique de celui-ci et d’un portrait de
Faulkner dont le narrateur se souvient. La fonction de rêverie mentionnée plus haut devient
manifeste. Sans le « fil blanc» de la rêverie ou du fantasme, il n’y a qu’un daguerréotype
figurant un personnage ordinaire. Toutefois, dans le présent de l’écriture surgit une
comparaison avec l’écrivain américain et, par conséquent, le sens attribué au portrait de
l’ancêtre, de même qu’une vérité de l’ancêtre lui-même, se font jour et se fixent, se
cristallisent dans J’écriture pour restituer le personnage minuscule à la mémoire des hommes:
« … qui, si je n’en prenais ici acte, se souviendrait d’André Dufoumeau, faux noble et paysan
. [ ] Il ? pervertI … .»
5.2 De la biographie à 1’« autobiographie oblique»: l’invention générique chez Michon
Des « nouvelles biographiques» où prédomine le travail sur l’archive, la transition
vers J’autobiographie devient de plus en plus perceptible au fil du récit. D’ailleurs,
contrairement à Claude Simon que mentionnait Viart dans une citation antérieure, le narrateur
michonien n’a pas les archives sous les yeux au moment de la mise en récit. En fait, il
travaille à partir de sa propre mémoire, de ses propres souvenirs des photographies, des
10 Vies minuscules, p. 23.
11 1bid,p.31-32.
73
lettres, des colifichets et des palabres de sa grand-mère. Dans cette perspective, la
défonnation fantasmatique et phénoménologique du réel s’en trouve hypertrophiée.
Toutefois, comme l’œuvre de Michon « est un théâtre dont on montre les coulisses »12, ce
caractère hypothétique de l’interprétation scripturaire est toujours mentionné dans le texte.
Tout comme l’archive qui est montrée, le fantasme et l’imagination, le « fil blanc» et
la part de fiction sont expressément assumés: « Il faut alors imaginer qu’un jour, Toussaint
perçut dans le fils (…] quelque chose, geste, parole ou plus vraisemblablement silence, qui
lui déplut13 … » Dans cet extrait, le narrateur affirme imaginer la scène. Plus loin, il admet
traverser la frontière qu’Arlette Farge proscrit à l’historien l4 : « … l’observateur fictif, épars
avec le soir dans l’odeur du grand sureau face à la porte, les voit entrer, même silhouette et
casquette ensuée, nuques mêmement brûlées, vaguement mythologiques comme toujours le
sont père et fils, double temps se chevauchant dans l’espace ici-bas l5 . »
Si les deux premières « Vies» donnaient lieu à une narration plutôt biographique, à
partir des « Vies d’Eugène et de Clara» l’écriture tend davantage vers le genre
autobiographique. En fait, si chaque « Vie» constitue un système autotélique et peut être lue
indépendamment, elle fait surtout partie d’une composition d’ensemble qui comporte une très
forte cohésion interne.
Pour entamer la première « Vie», celle d’André Dufourneau déjà évoquée, le
narrateur écrit: « Avançons dans la genèse de mes prétentions. » Puis il se demande aussitôt:
« Ai-je quelque ascendant qui fut beau capitaine, jeune enseigne insolent ou négrier
farouchement taciturne 16 ? » L’incipit, détaillé au chapitre l, lève alors le rideau sur ce qui
sera d’abord un travail d’archéologie familiale. Après avoir composé la biographie de
Dufourneau, qui d’ailleurs ne fut pas son ancêtre biologique (le personnage fut adopté par ses
arrière-grands-parents maternels), il remonte les générations jusqu’à Antoine Peluchet. Par la
suite, il en revient à des êtres qu’il a lui-même côtoyés pour faire la relation des « Vies
d’Eugène et de Clara », ses grands-parents paternels.
12 «Les “fictions critiques” de Pierre Michon », lac. cit., p. 213.

13 Vies minuscules, p. 42.

14 « En histoire, les vies ne sont pas des romans, et pour ceux qui ont choisi l’archive comme lieu où

peut s’écrire le passé, l’enjeu n’est pas dans la fiction. »Le goût de l’archive, op. cit., p. 95.

5 Vies minuscules, p. 43.
16 Ibid.,p.13.
74
C’est dans cette section que sera révélée la faille paternelle, «défaut
autobiographique »17 fantasmé comme la cause d’un sentiment de culpabilité héréditaire
auquel seule J’écriture pourra porter secours. À défaut d’avoir connu ce père absent, le
narrateur – nous l’avons vu déjà – doit s’en remettre à ses grands-parents: « À mon père,
inaccessible et caché comme un dieu, je ne saurais directement penser. Comme à un fidèle
[… ], il me faut le secours de ses truchements, anges ou clergé; et me vient d’abord à l’esprit
la visite annuelle […] que me rendaient, enfant, mes grands-parents paternels 18 ••. » Ce
procédé, qui consiste à faire la biographie des grands-parents pour découvrir le visage caché
de son père, immerge le lecteur dans ce que Geneviève Noiray, reprenant l’expression
introduite par Jean-Pierre Richard dans un article consacré à l’auteur I9, appelle la « poétique
oblique de la nouvelle autobiographique» :
Dans cette entreprise aux marges de la nouvelle et de l’autobiographie, Michon se
saisit et se construit de biais; il multiplie les miroirs pour peindre son infirmité à écrire et se
poste à l’oblique des traditions, peut-être par angoisse de s’y confronter, par indifférence à des
formes établies, par besoin congénital de l’arrachement. Il est à l’oblique de la tradition des
Vies parce qu’il choisit des vies minuscules et non des vies d’hommes illustres; cependant il
n’opère ni parodie, ni dérision, ni réduction de ce genre apologétique; il montre au contraire
la gloire de l’humble et du presque rien 20.
Pour se trouver « de biais », le narrateur doit d’abord à la fois découvrir et créer ses
ancêtres. Nous savons que, pour les psychanalystes, Je sujet ne peut se former que par des
jeux d’identification. Or, dans le cas des Vies minuscules, le problème vient du fait que ces
représentations sont, a priori, soit défaillantes, soit carrément absentes. Pour se construire, le
narrateur doit donc d’abord élaborer ces représentations identificatoires. Et, pour poursuivre
17 Nous empruntons l’expression au sous-titre d’un ouvrage de Simon HareJ, L’écriture réparatrice: le

défaut autobiographique (Leiris, Crevel, Artaud), Montréal, XYZ, coll. « Théories et littérature »,

1994,231 p.

18 Vies minuscules, p. 71.

19 Cf. Jean-Pierre Richard, « Pour lire Rimbaud le fils », in Compagnies de Pierre Michol1, Lagrasse,

Verdier, 1993, p. 117-140.

20 Geneviève Noiray, « Vies minuscules: une poétique oblique de la nouvelle autobiographique », in

La nouvelle de langue française aux frontières des autres genres du Moyen Âge à nos jours, Vincent

Engel et Michel Guissard (dir.), Actes du colloque de Metz, 1996, p. 298.

75
la métaphore de l’oblique, pour restituer par l’écriture la figure paternelle vacante, il est forcé
de s’en remettre au souvenir de ses grands-parents.
Pour résumer ce procédé fondamental, nous dirons simplement que la « poétique de
l’autobiographie oblique» consiste à faire la biographie des autres pour en venir à parler de
soi. Nous avons dit que, dans les épisodes précédents, le narrateur s’en remet à des sources
extérieures: en fait, les souvenirs d’Élise et les archives variées qui lui fournissent matière à
narrativisation sont ceux qui émergent dans sa propre conscience au moment même de
l’écriture et selon les exigences de celle-ci.
Dans les « Vies d’Eugène et de Clara », le narrateur travaille plus librement, si l’on
peut dire; il se dégage de plus en plus du « musée familial» pour se mettre à l’écoute de sa
propre mémoire. Il troque ainsi progressivement ses oripeaux de biographe pour ceux, plus
hypothétiques et moins sûrs (bien que, nous l’avons vu, les précédents ne l’étaient pas bien
davantage) de l’autobiographe. Le métissage et l’éclatement génériques se manifestent ainsi
dès les Vies minuscules, où l’écriture, oscillant entre des perspectives variables et très souvent
antinomiques – l’illettrisme du père Foucault et le verbe de l’abbé Bandy, les tournures
patoises et les déclinaisons dix-septiémistes du narrateur, l’oralité revêche de l’arrière-pays et
la langue des anges -, brouille certains genres fondamentaux en les faisant cohabiter dans
une œuvre composite. En campant des « vies minuscules» dans la forme des Vies de Saints;
en cherchant à mettre en lumière, de la biographie d’aïeux enterrés ou de simples mortels qui
ont bouleversé son existence, la singularité de son propre visage, Michon repense – et nous
invite à reconsidérer – à la fois la biographie et l’écriture de soi, les possibilités offertes par
)’archive et la palt de fiction inévitable à la mise en récit d’une existence humaine.
76
5.3 L’intertexte religieux et la « rhétorique de l’hésitation»
C’est qu’if est difficile de ne pas douter!
FLAUBERT
Bouvard et Pécuchet
Nous venons d’observer deux éléments essentiels de la poétique michonienne telle
qu’elle s’élabore dans les Vies: le recours à l’archive et le double détournement des genres
biographique et autobiographique au profit de ce qui pourrait être considéré comme un genre
inédit: 1’« autobiographie oblique ». L’appropriation des modèles canoniques en vue d’un
usage personnel traduit, chez l’auteur-narrateur, le désir hésitant de s’intégrer à un ensemble
référentiel sans y être englouti. Ce jeu d’hésitation – entre les genres, les procédés narratifs
traditionnels, les filiations revendiquées – se manifeste aussi dans une façon très désinvolte
de recourir à un intertexte religieux afin, entre autres, de conférer à son monde paysan une
dimension mythologique. Avant de questionner les raisons de cet intertexte religieux, il
convient d’explorer a priori la manière dont celui-ci se manifeste au décours du récit.
Comme l’étudie Agnès Castiglione dans un alticle intitulé « Les béatitudes de Pierre
Michon »21, l’auteur creusois se réfère à la fois aux Écritures judéo-chrétiennes et aux
traditions paysannes (magie, voire sorcellerie de l’arrière-pays, superstitions, etc.) afin
d’élaborer son œuvre. La théologie michonienne, indique Castiglione, repose d’abord sur
l’utilisation (appropriation ou assimilation) d’un discours religieux qui oscille toujours entre
culte et outrage, en sorte que la parole du narrateur semble ne pouvoir se fixer qu’au sein
d’un doute fondamental. Quiconque d’ailleurs a lu le troisième texte du recueil Abbés, paru
en 2002 au même moment que Corps du roi, se souviendra de cette formule litanique, pour
ne pas dire liturgique, qui revient tout au long du récit: « Toutes choses sont muables et
proches de l’inceltain22 . »
21 Cf. Agnès Castiglione, « Les béatitudes de Pierre Michon », in Le discours religieux, son sérieux, sa

parodie en théologie et en littérature, Le Cerf-Université de Metz, juin 2001, p. 313-329.

22 Pierre Michon, Abbés, Lagrasse, Verdier, 2002, p. 52.

77
Héritière de Flaubert comme en témoigne un texte de Corps du roi, fille des
protagonistes de Bouvard et Pécuchet 23 , J’écriture de Michon traduit le besoin impérieux de
croire, l’aspiration angoissée à une foi inébranlable qui puisse faire contrepoids au vide dont
elle procède. « Le désert que j’étais, affirme le narrateur des Vies, j’eusse voulu le peupler de
mots, tisser un voile d’écriture pour dérober les orbites creuses de ma face 24 . }} L’écriture
michonienne, depuis le rien qui l’articule, depuis la Creuse où l’homme est tel qu’il a
toujours été, traque le sens des choses sous les voiles qui les travestissent, doutant des objets
auxquels elle s’attache, de son énonciation, de tout enfin, à commencer par sa propre raison
d’être. Et si de ce travail du doute subsiste quelque vérité recevable, J’on ne saurait la
formuler que par la négative, à savoir: rien n’est sûr. C’est en ce sens, quoique dans un autre
registre, que les héros du roman de Flaubert, et que le romancier lui-même par son esthétique
singulière, préfigurent ce que nous pourrions appeler la postmodernité de Pierre Michon.
Bouvard et Pécuchet, dans J’ambiguïté où les maintient Flaubert, succombent à une rage de
savoir qui opère à rebours dans la mesure où, plutôt qu’à des conclusions lénifiantes, leurs
recherches forcenées ne font que les embrouiller davantage dans un fatras de paradoxes et de
failles épistémologiques. On les voit ainsi s’encombrer de toutes les disciplines, se frotter à
l’agriculture, à la géologie, à l’archéologie, puis à l’Histoire, à la médecine, etc., jusqu’à ce
que, peu à peu, les refroidissent non pas tant leurs échecs répétés (et Dieu sait qu’ils en
vivent) que le caractère par trop relatif, intéressé, subjectif, arbitraire, intentionnel de tout ce
qui peuple la Création. Ainsi les deux compères font-il, au même titre que les Abbés de
Michon, une expérience terrible que résume la sentence: « Toutes choses sont muables et
proches de l’ incertain25 . »
Au sujet de la croyance, où pour l’auteur se résorbe le cOliège des vérités plurielles
et, en un sens, muables, incertaines, voire sujettes à caution, nous pouvons rapporter, du
même texte d’Abbés, l’intrigue de la dent de Saint-Jean Baptiste volée par Théodelin à des
confrères. En possession – ou plus précisément dans le secret – de cette relique, un jeune
moine pusillanime et renfermé, peu loquace, benêt peut-être, Hugues, de l’abbaye de SaintMichel, se voit tout à coup habiter par un verbe fulgurant, d’une chaleur, d’un pathos qui
23 Cf Gustave Flaubert, Bouvard el Pécuchel, Paris, Gallimard, coll. « Folio classique », 1979,572 p.

24 Vies minuscules, p. 89.

25 Abbés, op. cil., p. 52.

78
évoque celui de Georges Bandy dans les Vies minuscules. Surpris d’abord, pUIS bientôt
ébahis, gagnés à la puissance de cette voix touchée par la Grâce, les homologues de la
fervente recrue la choisissent comme nouvel abbé. Hugues porte alors quelque temps le Sens
Universel, jusqu’au jour où la fraude est démasquée, la dent du saint se révélant fausse. La foi
de l’abbé est aussitôt rompue, au même titre que son verbe qui ne résonnera plus jamais entre
les murs de l’abbaye. Il restera claustré dans sa cellule, muet à tout jamais.
Cette fable illustre bien ce doute fondamental qui loge au cœur de 1’œuvre
michonienne et qui, peut-être, en stimule l’écriture. D’ailleurs, l’auteur se dit lui-même
« rhétoricien de 1’hésitation ». Au lendemain de l’ère du soupçon, il élabore une véritable
poétique de l’incertitude amorcée déjà dans les Vies, lesquelles fourmillent de formules qui
en rendent compte: « je doute que … », « j’ignore si … », « sans doute … », etc. S’il cherche
une vérité, il sait ne pouvoir la trouver que dans l’enceinte de la littérature, laquelle, comme
l’affirme Milan Kundera en parlant du roman, est « sagesse de l’incertitude »26. Et en ceci la
prose contemporaine de Pierre Michon rejoint la sagesse des Anciens, comme en témoigne
cette citation tirée d’un ouvrage de Daniel Madelénat : « Le scepticisme moderne doit ici
rejoindre l’antique sagesse de Xénophane: “La vérité certaine, personne ne la connut ni ne la
connaîtra jamais (… ). Quelqu’un pourrait bien, par hasard, proférer la vérité ultime, il n’en
saurait rien lui-même. En toutes choses règne la conjecture,,27. »
26 Cf. Milan Kundera, L’art du roman, Paris, Gallimard, 1986, 199 p.

27 Daniel Madelénat, La biographie, Paris, PUF, coll. « Littératures modernes », 1984, p. 208.

79
5.4 Entre culte et outrage
Après tout, il pouvait en revenir croyant,
ne
com
refusait
plaisance.
pas de l’être, et céda par
FLAUBERT
Bouvard et Pécuchet
Pour en revenir aux Vies, il faut dire que ce doute articule la représentation ironique
des références religieuses par rapport auxquel les l’auteur-narrateur entretient, sans solution
de continuité, une relation d’ambivalence. En fait, comme au sujet de la littérature, la volonté
– ou le désir – de croire ne se manifeste jamais, dans l’œuvre de Michon, qu’accompagné
de sa propre impossibilité. La mise à distance ironique de l’intertexte religieux semble de
même avoir pour fonction d’insister sur le caractère déficient ou inutilisable, voire obsolète et
primitif, de la foi judéo-chrétienne.
À ce propos, Agnès Castiglione ajoute:
Il faut encore noter qu’allusions ou citations religieuses interviennent chez Michon
de façon très ironique, dans un écart maximal avec un contexte qui les dément
souverainemenes .
Ce jeu d’oscillation entre culte et outrage, lequel évoque l’ambivalence du narrateur à
l’égard de ses propres origines, a pour centre de gravité ce doute inextinguible, cette manière
de douter dont l’auteur parle, nous l’avons dit, comme d’une « rhétorique de l’hésitation ».
Cette fascination du doute apparaît d’ailleurs jusque dans le choix de la couverture de
J’édition de poche des Vies, pour laquelle J’auteur a opté pour une photographie de L’apôtre
saint Thomas de Vélasquez. À cet égard, Michon s’explique ainsi:
28 « Les béatitudes de Pierre Michon », loc. cit., p. 319.
80
– Pourquoi avez-vous choisi le saint Thomas de Vélasquez pour la couverture?
– Parce que saint Thomas est la figure du doute. Et son doute n’est pas le doute
méthodique, mais un doute beaucoup plus retors, qui creuse un individu en massacrant en lui
ce qu’il a de plus cher. Et s’il y a une chose dont je doute, c’est de ce qui me fonde, c’est-àdire la littérature 29 …
Ce doute fondamental apparaît donc comme le pivot entre les deux mouvements
antagonistes que sont le culte et l’outrage, qui de nouveau évoquent ceux de la théorie de
Melanie Klein, laquelle voit dans le besoin de réparation la contrepartie des attaques
fantasmatiques du nourrisson contre le ventre maternel. C’est d’un tel mouvement, d’une telle
tension entre des pôles contraires que s’articule l’écriture de Vies minuscules. D’abord, le
poids des origines (et de la dette qui en procède) suscite, nous en avons amplement discuté
dans la première partie, un vif « désir de dégagement », lequel s’exprime entre autres dans le
reniement et l’outrage, voire dans la profanation du terroir natal. En l’occurrence, 1’hostilité
manifestée à l’égard du milieu d’origine semble à peu de choses près identique à celle par
laquelle le narrateur profane ironiquement le fourre-tout de croyances qui lui est inhérent.
Quant à la profanation des aïeux, de la mémoire et des lieux ancestraux, celle-ci sera suivie
du désir de les restaurer dans le fantasme d’une « écriture réparatrice », omnipotente, voirepour citer un passage de La Grande Beune – au moyen de cette « lourde phrase sans
réplique [… ], jubilante, suffocante, noire, J’écriture absolue »30.
Au demeurant, les imprécations proférées à l’endroit de la religion – comme à
l’endroit de l’œuvre qui intègre celle-ci – semblent aboutir à l’un des cercles vicieux
observés plus tôt: la profanation des Textes sacrés correspond à une tentative d’en détruire
l’autorité, la valeur établie et, comme les attaques fantasmatiques du nourrisson à l’égard du
ventre maternel (Klein), elle est inévitablement suivie par le sentiment de culpabilité et le
besoin de réparation qui, chez Pierre Michon, comme nous le verrons plus loin, s’articule
dans les termes d’une justification écrite.
29 Thierry Bayle, « Pierre Michon : un auteur majuscule)), Le Magazine littéraire, N° 353, avril 1997,
p.98.

30 Pierre Michon, La Grande Beul1e, Lagrasse, Verdier, 1996, p. 50.

81
À cette posture ambivalente de l’auteur à l’égard des Écritures comme de son propre
intertexte religieux, Castiglione – toujours – prête une attention particulière dans l’article
essentiel où elle note:
Cette pratique, dont on voit la fréquence, qui consiste à insérer ironiquement une
citation des Textes sacrés dans un contexte qui en administre l’exact démenti, est au vrai un
sacrilège, un « vol d’objets sacrés» [… ], c’est-à-dire un déplacement et des plus
irrévérencieux. En ce détournement qui emprunte encore les voies du rabaissement grotesque,
du burlesque ou de la théâtralisation, Michon pratique les « mésall iances» au sens entendu
par Bakhtine, lesquelles consistent en un rapprochement du haut et du bas, du sublime et de
l’insignifiant, du sacré et du profane et entre dans les prouesses de ce qu’il nomme
carnavalisation31 .
Cette pratique de la « mésalliance» apparaît très clairement dans la dichotomie entre
la petitesse, l’humilité des biographés du récit – et l’épithète « minuscule» par laquelle est
désignée leur « vie» -, et l’emphase ou le ton hyperbolique de la prose qui s’emploie à les
sanctifier à la manière (détournée certes) des hagiographies médiévales.
Dans Vies minuscules, des personnages a priori médiocres sont restitués (réparés) par
une langue qui se veut divine, sacrée. En dépit de la distance ironique du narrateur par rapport
à son discours théologal, la langue du Père, cet « impassible Dispensateur de toute Parole »,
ne se trouve pas moins encensée dans un élan paradoxal du sujet écrivant qui lui fait dire
(bien que l’on puisse, encore ici, percevoir l’ironie): « Rien ne m’entiche comme le
miracle 32 . »
L’ambivalence entre l’outrage et le culte (réparateur) apparaît plus clairement dans Je
rapport qu’entretient le narrateur avec ses biographés. En effet, la volonté avouée de les
ressusciter par l’écriture contraste avec leur profanation préalable, laquelle survient à de
multiples occurrences dans le texte, et dans laquelle nous pourrions lire une tentative de
destruction du ventre maternel (Terre-Mère mais aussi corps du père) et de liquidation de ce
que nous considérerons plus loin comme une dette généalogique.
Peut-être est-ce dans la relation des « Vies d’Eugène et de Clara» qu’apparaît le plus
clairement ce motif de la profanation des origines. Les grands-parents paternels, peut-être par
31 « Les béatitudes de Pierre Michon », loc. cil., p. 120.
32 Vies minuscules, p. 247.
82
identification avec le père fautif, subissent en effet, parfois de manière indirecte, les foudres
du narrateur. Aussi aux dernières heures de Clara le narrateur refuse-t-il de 1ui rendre une
ultime visite, comme mû par un désir vindicatif:
… j’avais dédaigné de suivre les cendres d’Eugène, je la laissais mourir et me taisais.
Je reniais alors mon enfance, j’étais impatient de combler le creux qu’y avaient imprimé tant
d’absences et, m’autorisant de sottes théories à la mode, j’en faisais grief à ceux qui plus que
moi en avaient souffert33 .
Quelques pages plus tôt, se remémorant son enfance, il évoque l’envie de rire que
provoquait en lui l’aspect grotesque, la nullité bouffonne d’Eugène (qui rappelle celle du
professeur Achille dans les « Vies des frères Bakroot »). Or, sitôt après, il se repend:
Cette secrète envie de rire, je me la reprochais; porter un œil dubitatif, ironique
même, sur « quelqu’un que je devais aimer », cacher cette pensée scabreuse: mon grand-père
est bien laid, me semblait une faute de la plus haute gravité (…) ; j’étais donc un monstre?
Aussitôt, je me promettais de mieux l’aimer34 …
Ce passage vient étayer notre hypothèse selon laquelle le reniement et la profanation
des origines sont, dans une perspective kleinienne, suivis d’un vif besoin de réparation, lequel
s’exprime ici dans la promesse que se fait le narrateur d’aimer son grand-père davantage. Il
va de soi que cette promesse est le fruit d’un sentiment de culpabilité (<< …j’étais donc un
monstre? »), comme du besoin de réparation qui en découle. Il n’en va pas autrement de la
nécessité relatée par le narrateur d’être bénéficiaire de la « Grâce de l’Écrit », don céleste qui
le rachètera de son avilissement de « monstre ». D’ailleurs, ce sentiment de culpabilité n’est
pas sans évoquer celui de l’exilé volontaire qui, loin du pays natal, en vient à concevoir, dans
ses accès de nostalgie, une angoisse dépressive suscitée par la conscience douloureuse
d’avoir trahi les siens. Chez Pierre Michon, c’est la Littérature qui tient lieu de pays
d’accueil. Aussi est-ce sur le flirt avec les Grands Auteurs, les gens de lettres, la
« Référence », que repose cette trahison.
33 Ibid., p. 89.
34 Ibid., p. 76.
83
Dans les Vies minuscules, il s’agit pour le narrateur de reprendre là où ses ancêtres
ont échoué (ce qu’évoquent clairement les « Vies» de Dufourneau et d’Antoine Peluchet).
L’écriture s’impose donc comme la tentative de restaurer ses ancêtres, héréditairement exclus
des lieux du discours et du pouvoir, subordonnés à une indifférenciation primordiale qui fait
d’eux des .êtres primitifs isolés du procès de la Culture et de [‘Histoire – et, par conséquent,
demeurés (c’est là de nouveau le motif de l’ embourbement) à un stade archaïque de
développement symbolique.
Afin d’expier la trahison des siens pour s’être, comme Dufourneau, pris au piège du
désir d’être élu, autrement dit: de s’être cru lui aussi un « appelé en secret» par une destinée
éclatante (compensatoire), il s’en remet à l’écriture et élabore entre autres, à travers elle, le
fantasme de la résurrection des corps, notion centrale de la doctrine chrétienne. À ce sujet
enfin, Michon confie: « Avec quelques autres concepts de la grande panoplie catholique,
celui de la résurrection des corps est un de ceux qui me sont le plus chers, et j’essaye de la
mimer en littérature, peut-être de l’appeler, de le faire venir35 . »
5.5 La honte des origines et le sacre de la Lettre
C’est dans la « Vie du père Foucault» que l’Écrit – la Lettre – est posé dans une
dimension religieuse. Dans l’hôpital de Clermont-Ferrand où le narrateur se remet de ses
blessures infligées par le « don Juan avili» de la Brasserie de Strasbourg, le personnage du
père Foucault laisse planer une aura de mystère, un secret intrigant qui fait écrire au
narrateur:
Celui-ci m’avait attiré dès le premier jour, sans que j’osasse lui adresser la parole: sa
douce taciturnité m’ intimidait36 .
Quelques pages plus loin, dans un sommet de tension dramatique, le vieillard
accomplit sa révélation bouleversante: « Je suis illettré37
.» À la suite de cet aveu, le
35 « Pierre Michon : un auteur majuscu le », loc. cil., p. ]02-103.
36 Vies minuscules, p. 149.
84
narrateur conçoit une paradoxale filiation avec le vieil analphabète. Foucault, atteint d’un
cancer à la gorge, se voit offrir de miraculeux traitements à Paris, dans cette métropole du
progrès « où les murs mêmes étaient lettrés, historiques les ponts [… ], cette capitale où les
hôpitaux étaient des parlements, les médecins de plus savants aux yeux des médecins d’ici, la
moindre infirmière Marie Curie »38. La métropole parisienne, du reste, peut-être par
opposition à la maison de Mazirat, agit ici en tant que métaphore géographique en incarnant
le lieu même de la « Référence », terme emprunté – rappelons-le – à Pierre Legendre,
juriste, disciple de Freud et de Lacan ainsi que fondateur de l’anthropologie dogmatique.
Quant au vieillard égrotant, conscient qu’une telle guérison ne pourrait se faire qu’ « au prix
de sa honte »39, çelui-ci s’obstine à rester dans cet hôpital de province pour y finir ses jours
afin d’expier « le crime de ne pas savoir »40.
Cette honte de l’ignorance, portée par le biographé comme le chrétien porte son
fardeau pour accéder à la délivrance promise, n’est pas sans évoquer la honte des origines qui
écrase le narrateur comme une somme de péchés à expier (celui de sa naissance, d’abord,
puis celui, par le truchement des identifications que nous connaissons, de son père disparu,
voire de tout le versant masculin de sa donne généalogique).
Cette honte participe de l’embourbement dans ce monde primitif d’où est issu le
narrateur. Dès la première « Vie », celle d’André Dufourneau, apparaît ce motif qui pousse
André en s’enfuir pour l’Afrique. Ignorant la vérité quant aux conditions exactes de la
naissance de Dufourneau, Élise, sans doute dans le but inconscient d’épargner ce fardeau au
jeune orphelin, lui invente une parenté avec des hobereaux locaux. Hélas, cette fiction bien
intentionnée causera plutôt le malheur du jeune homme. En effet, le biographé en concevra
un orgueil qui ne fera que décupler sa conscience honteuse, qu’une sorte de fantasme
d’élection pourra compenser: celui qui consiste à se croire l’ « appelé en secret », « l’élu
calmement crispé d’un destin plus grand que la femme »41.
37 Ibid, p. 155.
38 Ibid, p. 157.
39 Ibid, p. 157.
40 Ibid., p. 157.
41 Ibid, p. 17.
85
Pour Dufourneau, l’Afrique représente la terre promise. Dans la logique de l’esprit
colonial, l’Européen qui débarque là-bas, fût-il un citoyen médiocre ou un paysan orphelin
comme André Dufourneau, découvre inévitablement une indigence plus vaste que la sienne.
Dans les fantasmes de l’orphelin, la richesse et la gloire rêvées ne peuvent l’attendre qu’en
ces contrées peuplées de plus humbles que lui. La nostalgie d’un gain de puissance se
manifeste ici comme une défense contre un sentiment d’infériorité dont nous pourrions parler
comme d’une intériorisation de l’échec paysan.
Dans notre analyse, au chapitre II du présent mémoire, de la « Vie d’Antoine
Peluchet », nous avons vu comment le fils se trouve, grâce à la parole glapissante de Fiéfié,
sanctifié dans une destinée mythique de héros américain. Au même titre que la fiction dont
Élise affuble Dufourneau, cette existence mythifiée (nous retrouvons ici le motif de
l’imposture) se soldera par un échec: cette nostalgie d’une puissance compensatoire, qui
mettait comme un baume sur la « permanence du malheur », sera réduite à néant lorsqu’un
des fils Jouhanaut, pour l’évoquer de nouveau, dénoncera la supercherie: « À la chaîne et
deux par deux sous les huées des poissardes, il embarquait sur le port pour le bagne de Ré42 . »
La relation de cette chute s’inscrit dans le registre « esthético-religieux » dont parle
Jean-Pierre Richard. De Dufourneau père, le narrateur écrit:
Le vieux avait cru faire l’économie de la croix: son histoire en était prématurée peutêtre, et certainement incomplète. À l’Ascension trop glorieuse, le mirliflore, le judas, offrait
l’aubaine d’un Ecce homo43.
L’intertexte judéo-chrétien fait du fils Jouhanaut un Judas, un Pilate livrant le Christ,
cet « appelé en secret» par le Père, à ses accusateurs. Cette relation entre la figure christique
et la poétique michonienne prend son sens le plus plein dans l’aspiration du narrateur à la
«Grâce de l’Écrit », leitmotiv vers lequel, par une sorte de déplacement de type
métonymique, est transférée chez Michon la figure chrétienne essentielle, discutée
notamment par Pascal dans ses Pensées 44 , de la Grâce du Père.
42 Ibid., p. 59.
43 Ibid., p. 60.
44 Cf. Blaise Pascal, Pensées, Paris, Librairie Générale Française, coll. « Livre de poche », 1962,445 p.
86
5.6 Freud, le besoin religieux et l’arrière-pays
Dans L’avenir d’une illusion, Freud place, dans la bouche d’un interlocuteur fictif, ce
postulat de base:
C’est le rapport fils-père qui est tout, Dieu est le père exalté, la désirance pour le père
est la racine du besoin religieux. Depuis, semble-t-il, vous avez découvert le facteur que sont
l’ impu issance et le désaide humains, auquel est bien attribué en général le rôle principal dans
la formation de la religion, et voici que vous transposez en termes de désaide tout ce qui était
antérieurement complexe paternel 45 .
Cette notion de « désirance pour le père» comme origine du besoin religieux, voire
du « sentiment océanique» que Freud, à la suite d’une remarque de son ami Romain Rolland,
reprend dans Le malaise dans la culture, n’est pas sans rappeler la nostalgie du corps paternel
et l’érotisation de la relation au père sur lesquelles nous avons réfléchi. Quant à la notion de
« désaide », celle qui concerne le petit humain en état de complète dépendance à l’égard des
soins maternels ou mieux: de l’autorité parentale, celle-ci semble s’appliquer très exactement
aux paysans voués à demeurer enfants, c’est-à-dire, pour rappeler les leçons de l’étymologie
évoquées al! chapitre III, infans, mot latin signifiant: « Qui ne parle pas 46 . » Au demeurant,
sans doute pourrions-nous lire dans les Vies la représentation d’un désaide paysan en ceci que
les personnages semblent subordonnés au sein de la Terre-Mère, avec laquelle – nous
l’avons vu – ils entretiennent des rapports ambivalents d’amour-haine – rapports soustendus par un état de dépendance analogue à celui du sujet infans, dans un but de survie
élémentaire.
Nous savons que les rites religieux, les superstitions semblent, dans l’arrière-pays
michonien, témoigner d’une fixation à un monde primitif où les êtres demeurent
pratiquement inconscients d’eux-mêmes et des lois symboliques qui les rassemblent. Dans
Vies minuscules, le monde paysan semble en effet ne figurer qu’à seul titre de dépositaire des
45 Sigmund Freud, L’avenir d’une illusion, Paris, Quadrige / PUF, J999, p. 22-23.

46 Cf. Le Petit Robert: dictionnaire de la langue française, Cédérom version J. 2, Paris, Liris

Interactive, 2000.

87
traditions, des mythes empreints de magie populaire dont la transmission, d’une génération à
J’autre jusqu’à celle du héros narrateur, a été assurée par les femmes. Dans un tel
enracinement (Richard parle d’ embourbement), il est aisé de voir la persistance – et comme
la pérennité – d’un état de « désaide» et, par conséquent, la survivance du besoin religieux
qui, au sens où l’entend Freud, en procéderait directement. La difficulté tient ici à ce que ces
rites paysans, cette sorcellerie campagnarde, sont représentés sous un angle mécanique, privé
de foi vivante, comme s’ils n’obéissaient plus qu’à la seule force de l’habitude et au besoin
fatigant d’en « découdre avec l’essentiel ».
Dans la « Vie de la petite morte », nous pouvons ainsi voir Élise qui, sans vraiment y
ajouter foi, s’efforce tout de même de faire tout ce qui se peut pour conjurer le sort, c’est-àdire pour repousser la mort de la petite Madeleine, par de tels rituels:
… elle connaissait en effet de vieux combats sorciers, de quels temps venus, pour
arrêter le sang des femmes ou juguler la nue dont la foudre marche sur les meules, damer le
pion des dieux cornus [… ], atermoyer l’inévitable, enfin en toute circonstance fatale faire
quelque chose, comme on dit quand il n’y a plus rien à faire47 .
Cet exemple rend compte du fond mythologique de l’imaginaire paysan des Vies,
marqué par l’exclusion des lieux de discours et de pouvoir où un sujet peut s’approprier une
voix – une existence reconnue, valide voire justifiée, une « histoire fondatrice» – en
inscrivant son nom au sein de la « Référence ». Aux prises avec ce « désaide » généralisé,
bannis comme de naissance de ce que Michel de Certeau nommait « l’écriture de
l’histoire »48, les personnages n’ont ici d’autre choix que ceux que nous leur connaissons: la
fuite dans le mutisme, les alcools noirs, l’exil, les fictions paysannes.
Hormis les références aux superstitions populaires (ou même à la mythologie grécoromaine), c’est surtout dans les Écritures judéo-chrétiennes que Michon puise la source de
son esthétique religieuse. La « Vie d’Antoine Peluchet », par exemple, s’élabore sous le
patronage du « bon Goussaud, ermite vers l’an mille », dont « un saint nourricier de bois
peint» tient lieu de mémoire dans l’église qui porte son nom. Cette figure de bois, qui
47 Vies minuscules, p. 232.

48 Michel de Certeau, Histoire et psychanalyse entre science etfiction, Paris, Gallimard, coll. « Folio

essais », ]987,210 p.

88
représente l’ermite « balayant le flanc noir d’un taureau couché»49, accompagne les fidèles
dans la procession des saisons et assiste les femmes dans leur désir d’engendrement.
À cet égard, le narrateur écrit:
Comme moi, Antoine enfant fut conduit devant ces Lares; dans l’énorme poigne du
père, sa petite main se perdait, tendre, hasardeuse; le père baissait la voix, expliquait dans un
souffle le monde inexplicable, comment les troupeaux à chaude haleine dépendent d’idoles en
bois froid, comment- les choses peintes et impavides dans le noir règnent en secret sur les
grands champs de l’été5o …
Ce passage semble représenter clairement l’insuffisance du père à transmettre ce qui
participe de l’ordre ou, pour le dire comme Lacan, du registre symbolique. Et qui plus est,
cette insufftsance semble perpétuer, à travers les générations, la stagnation idéologique et la
fixation qui condamne le paysan à demeurer in/ans, dans J’état de « désaide» dont nous
avons parlé, état auquel André, Antoine, les frères Bakroot – chacun à sa façon -, le
narrateur surtout, s’efforcent de remédier.
49 Vies minuscules, p. 38.
50 Ibid., p. 38-39.

############################

CHAPTER V
THE GENERIC INVENTION AND THE RELIGIOUS INTERTEXT
5.1 Michon and his archives: between history and fiction
Tiny Lives are not a biography in the traditional sense of the word. he
is more of an autobiography articulated in a sequence of eight “new
biographies “whose tone, and above all the title, evoke the hagiographies, or Lives of
saints, popular in the Middle Ages. Anyway, biography and autobiography rely
necessarily on an archival material to put into narrative an individual existence
(or, as in the case of prosopographies, to compare the lives of individuals who
lived at the same time to offer the reader a vision of what could be
example, life in the French countryside in the eighteenth century). The case that we
occupies is more complex. Indeed, the dissolution of generic boundaries in the Lives
appears to be matched only by the sources from which the
narrator. About the archive at Michon, Dominique Viart writes:
69
No infrapaginal notes but all underlying documentary material, which i
really nourishes the narrative and its perplexities: texts, critical works, gloss of the
“Vulgate” rimbaldienne, historical documents on the Post and Painting at the time of Van
Gogh and Roulin, photographs, archives of time … There is there the material necessary for the
implementation of this “restitution work” which Claude Simon had already
of his own family in The Georgics or what have been called “novels” or
Archive “stories” l

In the Lives, this jumble of archives that Vialt notes appears at random of the pages and
requirements of the time of writing. Already, in the “Life of André Dufourneau”, the
narrator poses one of the many dichotomies that partly melt the building of his
as if the writing obeyed, like Dufourneau himself, “to the haughty god
summary of “all or nothing” 2. This is actually the contradiction that splits into two parts
(unequal?) the totality of the real: on the one hand, the sensible world remains this place where destinies
in the silence of the word and, on the other hand, there is this writing,
the writer works to bring order into the chaos of existence, unpredictability and
the insignificance of a life. In short, there is the human who is thrown into the sensible world and, in
parallel, the writer confined to the “continent” of memory:
… I did not know that writing was a tamer and darker continent
that Africa, I write a species more eager to get lost than I explore; and, even though
explore memory and memorial libraries instead of dunes and forests, only to return
sewn with words like others are golden or die there poorer than before – in
to die – was the alternative offered also to scribe3

Although the writer explores, therefore, his peregrinations are on the side of memory where
the ink has replaced the blood that beats in the hearts of the peasants. The consciousness of death,
which appears in the preceding quote, is at the center of Lives as perhaps of all
autobiographical business. Whatever the nature of the archives it uses, the
narrator works in the neighborhood of memory. The latter, in a broad sense, is its
1 Domique Viart, “The” Critical Fictions “by Pierre Michon”, in Coll., Pierre Michon, writing

absolute, Agnès Castiglione (dir.), Proceedings of the first international conference Pierre Michon, Musée d’art

modern of Saint-Etienne, 8, 9, 10 March 200 l, p. 204.

2 Minute Lives, p. J9.

3 Ibid., P. 22.

70
library or its archive room: it extends into the memory of every person
alive as in the artifacts left by the deceased.
By artifact, we do not just hear the miles of written archives
Arlette Farge speaks in The taste of the archive, but any human product. he can
to be, as Viart points out, both photographs and pictorial representations
as glosses or critical texts bequeathed by scribes of earlier eras.
To define the Arlette Farge archive, quoting J. André, writes:
Set of documents, whatever their form or material support, of which
the increase took place in an organic, automatic way in the exercise of
activities of a natural or legal person, private or public, and whose conservation
respect this growth without ever dismembering it4

According to this scientific definition, we see that the archive can not be reduced to
of I write or text. And one of Michon’s original processes consists precisely in
the use of several forms and sources of archives. First, with respect to “Life
André Dufourneau “, mention the existence of letters sent by the traveler to Élise,
the narrator’s grandmother: “Other letters came, annual or biannual,
retracing from a life what his protagonist meant, and that he probably thought he had
lived: he had been a forestry worker, a “wood cutter”, a planter at last; he was rich. »We
can see here one of the narrator’s specific methods of naming the archive
first, then to decode it according to its dreams, its reading hypotheses and
needs of the work in progress: “I also think about what he did not say: some insignificant
secret never revealed […] some debauchery of the spirit around a derisory device, a
shameful delight in all that he lacked6

This type of narrator’s intervention in his work is reminiscent of the
third biographical paradigm mentioned by Madelénat in The biography, namely the
modern paradigm in which the biographer begins to get involved, to speak.
4 Arlette Farge, The taste of the archive, Paris, Seuil, coll. “The Bookshop of the Twentieth Century”, 1989, p.

S lowercase lives, p. 25.

6 Ibid., P. 25-26.

71
Flaubert wanted the writer to be at his work what God is in the world, a demiurge
omniscient. In the Tiny Lives, it would be necessary to speak of a modest god, conscious of his
limits, exaggerating them even until the pathos and the feeling of helplessness, but
Engaging body and soul in his writing process. It is in this perspective
Moreover, Viart notes with keenness:
Michon is a writer who utters the enunciative instance: his work is a
theater which is shown behind the scenes. All the narrative functions are exhibited:
the “governance” function that organizes the narrative, the “ideological” function that
comments on the ethics and axiology of the “metalittary” function which discusses the
poetic, “narrative” form that exhibits its enunciation procedures or the
communication function that challenges the reader, all that the canonical analyzes of the
narratology distinguish is here exemplarily manifested by the text7
To these functions that Dominique Viart lists, we could add, in the sense of a
Gaston Bachelard8
, the function of reverie (or defantasm) on which we will return, and
which is undoubtedly the one that conditions all the others here. Anyway, what we
interest here is to see how the epistolary archives (we spoke at the moment of
Dufourneau’s letters) constitute a kind of “gold thread” in the sense of Yvan Lamonde9
, and
how, therefore, considering the rarity of these archives, the narrator must constantly
to rely on the “white thread”, that is, on his own ability to formulate hypotheses
in order to seal up the archival cracks to give to his narrative – as to the existence
that it portrays – a unity of tone and style, above all the evocative power necessary for
resurrection of the dead, which the task of writing is to unearth.
The same goes for the other types of archives here in Game. Let’s think about the
photography, which appears frequently in the text as a support for scriptural work.
If the narrator’s written records are extremely rare, one of the
7 “The” Critical Fictions “by Pierre Michon”, Lake. cit, p. 213.

8  See Gaston Bachelard, The Poetics of Reverie, Paris, PUF, coll. “Quadriga”, 2005,] 83 p.

9 Yvan Lamonde, based on a rich intervention at a master’s seminar

doctorate directed by Bernard Andrès, biography and imaginary of the archive, which took place in

UQAM in the fall of 2003, distinguishes two types of “son” which can be sewn from the archive,

the biographical text: the first, the “white thread”, constitutes the primary resource of the biographer, who

uses it to correct archival flaws. It is therefore less persuasive than the second,

“The golden thread”, which proceeds and testifies to unexpected, “extraordinary” archives, founded in credibility

and, therefore, empowered to question current knowledge of his subject.

72
silence of his ancestors, the “family museum” has many photographs that he will know
to speak:
The opportunity is beautiful [note the subordination to the present of writing] to trace
he [Dufourneau] the physical portrait that I differed: the family museum has kept one, where
he is photographed at the foot, in the blue horizon of the infantry; the quilted bands that the
I was able to imagine it downstairs Louis XV […]. […] Come on, this is
to a writer he looks like: there is a portrait of young Faulkner, who like him was
small, where I recognize this haughty air at once and sleepy … 10
In this passage, we see how character traits of the character
come from the paralleling of a unique photograph of it and a portrait of
Faulkner whose narrator remembers. The dream function mentioned above becomes
manifest. Without the “white thread” of reverie or fantasy, there is only one daguerreotype
figuring an ordinary character. However, in the present of writing arises a
comparison with the American writer and, consequently, the meaning attributed to the portrait of
the ancestor, as well as a truth of the ancestor himself, are emerging and settling,
crystallize in I write to restore the tiny character to the memory of men:
“… who, if I did not take note here, would remember André Dufoumeau, false noble and peasant
. [ ] He ? pervertI … »
5.2 From the biography to the “oblique autobiography”: the generic invention at Michon
“Biographical News” where the work on the archive predominates, the transition
towards Autobiography becomes more and more perceptible as the story unfolds. Moreover,
unlike Claude Simon, mentioned by Viart in a previous quote, the narrator
Michonian does not have the archives under the eyes at the time of the narrative. In fact, he
works from his own memory, from his own memories of photographs,
10 Minute Lives, p. 23.
11 1bid, p.31-32.

73
letters, trinkets and palavers from his grandmother. In this perspective,
Phantasmatic and phenomenological deformation of reality is hypertrophied.
However, as Michon’s work “is a theater which is shown behind the scenes” 12, this
Hypothetical character of the scriptural interpretation is always mentioned in the text.
Just like the archive that is shown, fantasy and imagination, the “white thread” and
the part of fiction are expressly assumed: “It is then necessary to imagine that one day, Toussaint
perceived in the son (…) something, gesture, word or more probably silence, which
displeased him13 … “In this excerpt, the narrator claims to imagine the scene. Further, he admits
crossing the border that Arlette Farge proscribes to historian l4: “… the fictitious observer, scattered
with the evening in the smell of the great elder facing the door, sees them enter, even silhouette and
cap ensué, necks evenly burned, vaguely mythological as always the
are father and son, double time overlapping in space here below. ”
If the first two “Lives” gave rise to a rather biographical narration, to
from the “Lives of Eugene and Clara” writing tends more towards gender
autobiographical. In fact, if each “Life” is an autotelic system and can be read
independently, it is mostly part of an overall composition that includes a very
strong internal cohesion.
To start the first “Life”, that of André Dufourneau already mentioned, the
Narrator writes: “Let’s move on to the genesis of my claims. Then he asks himself:
“Have I some ascendant who was a handsome captain, a young insolent sign or a slave
fiercely taciturn 16? The incipit, detailed in chapter 1, then raises the curtain on what
will be first of all a work of family archeology. After composing the biography of
Dufourneau, who by the way was not his biological ancestor (the character was adopted by his
maternal great-grandparents), he goes back generations to Antoine Peluchet. Over there
Afterwards, he returns to the beings he himself has rubbed shoulders to make the relationship of “Lives
of Eugene and Clara “, his paternal grandparents.
12 “Pierre Michon’s” Critical Fictions “, Lake. cit., p. 213.

13 Minute Lives, p. 42.

14 “In history, lives are not novels, and for those who have chosen the archive as a place where

can write the past, the stake is not in fiction. The taste of the archive, op. cit., p. 95.

5 Minute Lives, p. 43.
16 Ibid., P.13.

74
It is in this section that will be revealed the paternal fault, “default
autobiographical “17 fantasized as the cause of a hereditary sense of guilt
which only I write can help. In the absence of having known this absent father, the
narrator – as we have seen already – must rely on his grandparents: “To my father,
inaccessible and hidden like a god, I can not directly think. As to a faithful
[…], I need the help of his truchements, angels or clergy; and first comes to my mind
the annual visit […] that my paternal grandparents paid me as a child 18 ••. This
process, which consists in making the biography of the grandparents to discover the hidden face
of his father, immerses the reader in what Geneviève Noiray, taking up the expression
introduced by Jean-Pierre Richard in an article on the author I9, called “poetics
oblique of the autobiographical news “:
In this enterprise on the margins of the new and the autobiography, Michon
seizes and builds bias; he multiplies the mirrors to paint his infirmity to write and
position at the oblique of the traditions, perhaps out of anxiety to confront it, by indifference to
established forms, by congenital need of the pullout. It is at the oblique of the tradition of
He lives because he chooses tiny lives and not the lives of illustrious men; However, he
does not operate parody, derision, or reduction of this apologetic kind; it shows on the contrary
the glory of the humble and almost nothing 20.
To find oneself “skewed”, the narrator must first discover and create his own
ancestors. We know that for psychoanalysts, the subject can only be formed by
identification games. In the case of Least Lives, the problem is that these
representations are, a priori, either failing or completely absent. To build, the
The narrator must first develop these identificatory representations. And, to continue
17 We take the expression from the subtitle of a book by Simon HareJ, Restorative Writing: The

autobiographical defect (Leiris, Crevel, Artaud), Montreal, XYZ, coll. “Theories and literature”,

1994,231 p.

18 Minute Lives, p. 71.

19 Cf. Jean-Pierre Richard, “To read Rimbaud the son”, in Companies of Pierre Michol1, Lagrasse,

Verdier, 1993, p. 117-140.

20 Geneviève Noiray, “Minuscule Lives: An Oblique Poetic of the Autobiographical News”, in

French-language news at the borders of other genres from the Middle Ages to the present day, Vincent

Engel and Michel Guissard (dir.), Proceedings of the conference of Metz, 1996, p. 298.

75
the metaphor of oblique, to restore by writing the vacant paternal figure, he is forced
to rely on the memory of his grandparents.
To summarize this fundamental process, we will simply say that the “poetics of
the oblique autobiography “consists in making the biography of others to come to speak of
itself. We said that in the previous episodes, the narrator relies on sources
outside: in fact, the memories of Elise and the varied archives that provide her with material for
narrativization are those that emerge in his own consciousness at the very moment of
writing and according to the requirements of it.
In the “Lives of Eugene and Clara,” the narrator works more freely, if one
Can say; More and more, the “family museum” is emerging to listen to his
own memory. He thus gradually traded his biographer’s tins for those more
hypothetical and less certain (although, as we have seen, the precedents were not
more) of the autobiography. The miscegenation and the generic burst are thus manifested
from the tiny Lives, where the writing, oscillating between variable perspectives and very often
antinomies – the illiteracy of the father Foucault and the verb of the abbot Bandy, the turns
patois and the seventeenth-century declensions of the narrator, the hearty orality of the hinterland and
the language of angels -, blurs certain fundamental genres by making them coexist in
a composite work. By camping “tiny lives” in the form of the Lives of Saints;
seeking to highlight, from the biography of buried ancestors or mere mortals who
have upset his existence, the singularity of his own face, Michon rethinks – and we
invites to reconsider – both biography and self-writing, the possibilities offered by
) archive and the palt of fiction inevitable to the narrative of a human existence.

76
5.3 The religious intertext and the “rhetoric of hesitation”
It is difficult not to doubt!
Flaubert
Bouvard and Pécuchet
We have just observed two essential elements of Michonian poetics such as
that it is elaborated in the Lives: the recourse to the archive and the double diversion of the kinds
biographical and autobiographical in favor of what could be considered a genre
unpublished: ‘oblique autobiography’. The appropriation of canonical models for a
personal use translates, in the author-narrator, the hesitant desire to integrate into a whole
repository without being swallowed up. This game of hesitation – between genres, narrative processes
traditionally, the filiations claimed – is also manifested in a very casual manner
to use a religious intertext to, among other things, give his peasant world a
mythological dimension. Before questioning the reasons for this religious intertext, he
should be explored a priori how it manifests itself in the course of the story.
As Agnès Castiglione studies in an article entitled “The Beatitudes of Peter
Michon “21, the Cretan author refers both to the Judeo-Christian Scriptures and to the
peasant traditions (magic, even witchcraft of the hinterland, superstitions, etc.) so
to develop his work. The Michonian theology, says Castiglione, is based first on
the use (appropriation or assimilation) of a religious discourse that always oscillates between
worship and outrage, so that the narrator’s word seems to be able to be fixed only within
a fundamental doubt. Anyone who has read the third text of the collection Abbots, published
in 2002 at the same time as Corps du roi, will remember this litany formula, for
not to say liturgical, which returns throughout the story: “All things are changeable and
near the inceltain22. ”
21 Cf. Agnès Castiglione, “The beatitudes of Pierre Michon”, in The religious discourse, its seriousness, its

parody in theology and literature, Le Cerf-University of Metz, June 2001, p. 313-329.

22 Pierre Michon, Abbots, Lagrasse, Verdier, 2002, p. 52.

77
Heiress of Flaubert as evidenced by a text of Corps du roi, daughter of
protagonists of Bouvard and Pécuchet 23, J’écriture de Michon translates the compelling need to
believe, the anguished aspiration to an unshakable faith that can counterbalance the emptiness
she proceeds. “The desert that I was,” says the narrator of the Lives, “I would have liked to populate it with
words, weave a writing veil to steal the hollow orbits of my face 24. }} Writing
Michonian, since the nothing that articulates it, since the Creuse where the man is such that he has
always been, track down the meaning of things under the veils that disguise them, doubting objects
to which it attaches, of its enunciation, of everything at last, beginning with its own reason
being. And if from this work of doubt there remains some truth admissible, I can not
only in the negative, namely: nothing is safe. It is in this sense, although in another
register, that the heroes of Flaubert’s novel, and that the novelist himself by his aesthetics
singular, prefigure what we could call the postmodernity of Pierre Michon.
Bouvard and Pécuchet, in L’ambiguité where Flaubert maintains them, succumb to a rage of
which operates backwards to the extent that, rather than to calming conclusions, their
Festering searches only confuse them further in a jumble of paradoxes and
epistemological flaws. We thus see them burdened with all disciplines, rubbing against each other.
agriculture, geology, archeology, then history, medicine, etc., until
that, little by little, cool them not so much their repeated failures (and God knows that they
live) that the overly relative, self-interested, subjective, arbitrary, intentional character of all
who people Creation. So the two friends do it, just like the Abbots of
Michon, a terrible experience that sums up the sentence: “All things are changeable and
close to the uncertain25. ”
On the subject of belief, where for the author resorbs the head of plural truths
and, in a sense, mutable, uncertain, even unreliable, we can report, from
same text of Abbots, the plot of the tooth of St. John the Baptist stolen by Theodelin to
confreres. In possession – or more precisely in secret – of this relic, a young
a pusillanimous and withdrawn monk, not very talkative, perhaps a fool, Hugues, of the abbey of Saint-Michel, suddenly sees himself living with a dazzling verb, a warmth, a pathos which
23 See Gustave Flaubert, Bouvard el Pecuchel, Paris, Gallimard, coll. “Classic folio”, 1979,572 p.

24 Minute Lives, p. 89.

25 Abbots, op. cil., p. 52.

78
evokes that of George Bandy in the tiny Lives. Surprised first, soon
amazed, won at the power of that voice touched by Grace, the counterparts of the
fervent recruit choose her as new abbot. Hugues then carries the meaning for a while
Universal, until the day the fraud is unmasked, the tooth of the saint being false. The faith
of the abbot is immediately broken, in the same way as his verb that will never resonate between
the walls of the abbey. He will remain claustrated in his cell, silent forever.
This fable illustrates well this fundamental doubt which houses the heart of the work
michonian and which, perhaps, stimulates the writing. Moreover, the author says himself
“Rhetorician of hesitation”. In the aftermath of the age of suspicion, he is developing a true
poetic uncertainty already begun in the Lives, which are teeming with formulas
report it: “I doubt that …”, “I do not know if …”, “No doubt …”, etc. If he seeks
a truth, he knows he can only find it within the confines of literature, which, like
says Milan Kundera when speaking of the novel, is “wisdom of uncertainty” 26. And in this the
contemporary prose of Pierre Michon joins the wisdom of the Ancients, as evidenced by
this quote from a book by Daniel Madelénat: “Modern skepticism must here
join the ancient wisdom of Xenophanes: “Certainly the truth, no one knew it nor did it
will never know (…). Someone might, by chance, utter the ultimate truth, he does not
would know nothing himself. In all things the conjecture prevails, 27. ”
26 See Milan Kundera, The Art of the Novel, Paris, Gallimard, 1986, 199 p.

27 Daniel Madelénat, Biography, Paris, PUF, coll. “Modern Literatures”, 1984, p. 208.

79
5.4 Between worship and outrage
After all, he could come back believing,
born
com
refused
pleasure.
not to be, and yielded by
Flaubert
Bouvard and Pécuchet
To return to the Lives, it must be said that this doubt articulates the ironic representation
religious references to which the author-narrator maintains, without solution
continuity, a relationship of ambivalence. In fact, as with literature, the will
– or the desire – to believe is never manifested, in the work of Michon, that accompanied
of his own impossibility. The ironic distancing of the religious intertext seems to
even to have the function of emphasizing the deficient or unusable or even obsolete
primitive, of the Judeo-Christian faith.
In this regard, Agnès Castiglione adds:
It should be noted that allusions or religious quotations occur at Michon
in a very ironic way, in a maximum gap with a context that denies them
sovereignty.
This game of oscillation between worship and outrage, which evokes the ambivalence of the narrator to
with regard to its own origins, its center of gravity is that unquenchable
to doubt whose author speaks, as we have said, as a “rhetoric of hesitation”.
This fascination with doubt appears even in the choice of the cover of
I pocket edition of the Lives, for which I author opted for a photograph of the Apostle
Saint Thomas of Velasquez. In this respect, Michon explains himself as follows:
28 “The beatitudes of Pierre Michon”, loc. cit., p. 319.

80
– Why did you choose Saint Thomas Velasquez for the cover?
– Because St. Thomas is the figure of doubt. And his doubt is not doubt
methodical, but a much more devious doubt, which digs an individual by massacring in him
what he has most dear. And if there’s one thing I’m not sure of, that’s what’s the basis for me, that’s literature …
This fundamental doubt thus appears as the pivot between the two movements
the antagonism of worship and outrage, which again evoke those of the theory of
Melanie Klein, who sees in the need for compensation the counterpart of the attacks
fantasies of the infant against the maternal belly. It’s such a movement, such
tension between opposite poles that is articulated by the writing of minuscule Lives. First, the
weights of origins (and the debt that comes with them), we have discussed them extensively
in the first part, a lively “desire for release”, which is expressed among others in the
denial and outrage, even in the profanation of the native soil. In this case, hostility
manifested towards the original medium seems almost identical to that
which the narrator ironically desecrates the catch-all of beliefs that is inherent to him.
As for the desecration of ancestors, memory and ancestral places, this one will be followed
the desire to restore them to the fantasy of a “restorative writing”, omnipotent, even to quote a passage from La Grande Beune – by means of this “heavy sentence without
replica […], jubilant, suffocating, black, absolute writing “30.
Moreover, the imprecations made on the place of religion – as
the place of the work that integrates it – seem to lead to one of the vicious circles
observed earlier: the profanation of sacred texts is an attempt to destroy
authority, the established value and, like the infant’s fantasy attacks on the
maternal belly (Klein), it is inevitably followed by the feeling of guilt and
need for reparation which, in Pierre Michon’s case, as we shall see later, is articulated
in the terms of a written justification.
29 Thierry Bayle, “Pierre Michon: A Capitalist Author”), The Literary Magazine, No. 353, April 1997,
p.98.

30 Pierre Michon, The Great Beul1e, Lagrasse, Verdier, 1996, p. 50.

81
To this ambivalent posture of the writer with regard to the scriptures as of his own
religious intertext, Castiglione – always – pays special attention in the article
essential where she notes:
This practice, of which we see the frequency, which consists in ironically inserting a
citation of the sacred texts in a context which administers the exact denial, is at
sacrilege, a “theft of sacred objects” […], that is to say a displacement and more
irreverent. In this diversion which still borrows the ways of the grotesque belittling,
burlesque or theatricality, Michon practices “mesal ciances” in the understood sense
by Bakhtin, which consist of a combination of the high and the low, the sublime and
the insignificant, the sacred and the profane and goes into the prowess of what he calls
Carnivalization31.
This practice of “misalliance” appears very clearly in the dichotomy between
the smallness, the humility of the biographies of the narrative – and the “tiny” epithet by which is
their “life” – and the hyperbolic emphasis or tone of the prose that is
to sanctify in the manner (diverted certainly) medieval hagiographies.
In Tiny Lives, mediocre a priori characters are restored (repaired) by
a language that wants to be divine, sacred. Despite the ironic distance of the narrator compared
to his theological discourse, the language of the Father, this “impassible Dispenser of all Word”,
is not less incensed in a paradoxical drive of the writing subject that makes him say
(although one can, even here, perceive the irony): “Nothing surrounds me like the
miracle 32. ”
The ambivalence between outrage and (reparative) worship appears more clearly in
relationship between the narrator and his biographers. Indeed, the declared will of the
resurrect through writing contrasts with their previous desecration, which occurs at
multiple occurrences in the text, and in which we could read an attempt to
destruction of the mother’s womb (Mother Earth but also the father’s body) and the liquidation of this
which we will consider later as a genealogical debt.
Perhaps it is in the relation of “Lives of Eugene and Clara” that appears the most
clearly this motive of desecration of origins. Paternal grandparents, perhaps by
31 “The beatitudes of Pierre Michon”, loc. cil., p. 120.
32 Minute Lives, p. 247.
82
identification with the offending father, suffer in fact, sometimes indirectly, the lightning
of the narrator. Also in the last hours of Clara the narrator refuses to make it a
ultimate visit, as moved by a vindictive desire:
… I had scorned to follow the ashes of Eugene, I let her die and I kept quiet.
I was renouncing my childhood, I was eager to fill the hollow that had printed so much
absences and, allowing me foolish theories fashionable, I grieved those who more than
I had suffered.
A few pages earlier, remembering his childhood, he evokes the desire to laugh that
provoked in him the grotesque aspect, the foolish nullity of Eugene (which recalls that of
Professor Achille in the “Lives of the Bakroot Brothers”). But, soon after, it is repending:
This secret desire to laugh, I reproached myself; to wear a dubious, ironic eye
even, on “someone I had to love,” hide this scabrous thought: my grandfather
is very ugly, seemed to me a fault of the highest gravity (…); I was a monster?
Immediately, I promised myself to love him better34 …
This passage supports our hypothesis that denial and profanation
origins are, in a Kleinian perspective, followed by a keen need for redress, which
expresses itself here in the narrator’s promise to love his grandfather more. he
of course this promise is the result of a feeling of guilt (<< … so I was a
monster? “), As the need for compensation that arises. It is not otherwise with the
narrated by the narrator to be a beneficiary of the “Grace of the Scripture”, a heavenly gift
will redeem him for his degradation of “monster”. Moreover, this feeling of guilt is
not without mentioning that of the voluntary exile who, far from the native country, comes to
his fits of nostalgia, depressive anguish aroused by painful awareness
to have betrayed his. At Pierre Michon, Literature takes the place of country
Home. So is it about flirting with the Great Authors, the men of letters, the
“Reference”, what lies this betrayal.
33 Ibid., P. 89.
34 Ibid., P. 76.
83
In the Tiny Lives, it is for the narrator to resume where his ancestors
have failed (as evidenced by the “Lives” of Dufourneau and Antoine Peluchet).
The writing is therefore essential as the attempt to restore his ancestors, hereditarily excluded
places of discourse and power, subordinated to a primordial undifferentiation that makes
from them primitive beings isolated from the process of Culture and History – and, consequently,
remained (this is again the reason for the bogging) at an archaic stage of
symbolic development.
In order to atone for the betrayal of his own for having, like Dufourneau, trapped
desire to be elected, in other words: to have believed himself also a “called in secret” by a destiny
brilliant (compensatory), he relies on writing and, among other things,
fantasy of the resurrection of bodies, a central notion of Christian doctrine. On this subject
finally, Michon confides: “With some other concepts of the great catholic panoply,
that of the resurrection of the body is one of those dear to me, and I try to
to mimic in literature, perhaps to call it, to make it come35. ”
5.5 The shame of the origins and the coronation of the Letter
It is in the “Life of Father Foucault” that the Writing – the Letter – is placed in a
religious dimension. In Clermont-Ferrand hospital where the narrator is recovering from his
wounds inflicted by the “Don Juan Vili” of the Brewery of Strasbourg, the character of the
Father Foucault hovers an aura of mystery, an intriguing secret that makes
narrator:
This one had attracted me from the first day, without me daring to address him: his
sweet taciturnity intimidated me.
A few pages later, in a dramatic summit of tension, the old man
fulfills his heartbreaking revelation: “I am illiterate37
As a result of this admission, the
35 “Pierre Michon: a capitalist author”, loc. cil., p. ] 02-103.
36 Tiny Lives, p. 149.
84
narrator conceives a paradoxical filiation with the old illiterate. Foucault, suffering from
cancer in the throat, is offered miraculous treatments in Paris, in this metropolis of
progress “where the walls themselves were literate, historic bridges […], this capital where the
hospitals were parliaments, doctors more scholarly in the eyes of doctors here, the
least nurse Marie Curie “38. The Paris metropolis, by the way, perhaps by
opposition to the house of Mazirat, acts here as a geographical metaphor while embodying
the very place of the “Reference”, borrowed term – remember – to Pierre Legendre,
jurist, disciple of Freud and Lacan as well as founder of dogmatic anthropology.
As for the aging old man, aware that such a cure could only be done “at the price
of his shame “39, who persists in staying in this provincial hospital to end his days
in order to atone for “the crime of not knowing” 40.
This shame of ignorance, carried by the biographer as the Christian wears his
burden to access the promised deliverance, is not without evoking the shame of the origins that
crushes the narrator as a sum of sins to expiate (that of his birth, first,
then, through the identifications that we know, of his father who has disappeared,
even the entire male side of his genealogical record).
This shame is part of the bogging down in this primitive world from which came the
narrator. From the first “Life”, that of André Dufourneau, appears this motive that pushes
André to flee for Africa. Ignoring the truth about the exact conditions of the
birth of Dufourneau, Élise, no doubt with the unconscious goal of sparing this burden
young orphan, invents him a kinship with local squires. Alas, this fiction well
intentional will rather cause the misfortune of the young man. Indeed, the biographer will conceive
a pride that will only increase his shameful consciousness, a sort of fantasy
of election will be able to compensate: that which consists in believing itself to be the “called in secret”, “the elected
calmly clenched in a destiny greater than the woman. “41
Ibid, p. 155.
Ibid, p. 157.
39 Ibid, p. 157.
40 Ibid., P. 157.
41 Ibid, p. 17.
85
For Dufourneau, Africa represents the promised land. In the logic of the mind
Colonial, the European who lands there, even if he is a mediocre citizen or an orphaned peasant
like André Dufourneau, inevitably discovers an indigence greater than his own.
In the fantasies of the orphan, the dreamed wealth and glory can only wait for him
these countries populated with more humble than him. Nostalgia for a gain in power
manifest here as a defense against a sense of inferiority we could talk about
as an internalization of peasant failure.
In our analysis, in Chapter II of this memoir, of “Antoine’s Life
Peluchet “, we saw how the son is, thanks to the screaming speech of Fiéfié,
sanctified in a mythical destiny of American hero. In the same way as fiction
Élise affuble Dufourneau, this mythical existence (here we find the motive of
imposture) will fail: this nostalgia for a compensatory power, which
put a balm on the “permanence of misfortune”, will be reduced to nothing when
son Jouhanaut, to mention it again, will denounce the trickery: “To the chain and
two by two under the hisses of fishwives, he embarked on the port for the prison of Re42. ”
The relationship of this fall is part of the “aesthetic-religious” register
Jean-Pierre Richard. From Dufourneau’s father, the narrator writes:
The old man thought he was saving the cross: his story was premature perhaps, and certainly incomplete. At the glorious Ascension, the mirliflore, the peephole, offered
the bargain of an Ecce homo43.
The Judeo-Christian intertext makes the son Jouhanaut a Judas, a Pilate delivering Christ,
this “secretly called” by the Father to his accusers. This relationship between the Christ figure
and the poetic Michonian takes its fullest meaning in the narrator’s aspiration to the
“Grace of the Scripture”, leitmotiv towards which, by a kind of displacement of type
metonymic, is transferred to Michon the essential Christian figure, discussed
especially by Pascal in his Thoughts 44, of the Grace of the Father.
42 Ibid., P. 59.
43 Ibid., P. 60.
44 See Blaise Pascal, Thoughts, Paris, Librairie Générale Française, coll. “Paperback”, 1962,445 p.

86
5.6 Freud, the religious need and the hinterland
In the future of an illusion, Freud places, in the mouth of a fictive interlocutor,
basic postulate:
It is the relationship between son and father that is everything, God is the exalted father, the desire for the father
is the root of religious need. Since, it seems, you have discovered the factor that are
human impotence and helplessness, to which the main role in
the formation of religion, and here you are transposing in terms of helping each other everything that was
previously paternal complex 45.
This notion of “desire for the father” as the origin of religious need, even
of the “oceanic feeling” that Freud, following a remark by his friend Romain Rolland,
resumes in The malaise in culture, is reminiscent of the nostalgia of the paternal body
and the eroticization of the relation to the father on which we have reflected. As to the notion of
“Helpless”, that which concerns the little human being in complete dependence on the
maternal care or better: parental authority, it seems to apply very exactly
to peasants who are destined to remain children, that is to say, to recall the lessons of etymology
mentioned al! chapter III, infans, Latin word meaning: “Who does not speak 46. Moreover,
no doubt we could read in the Lives the representation of a peasant desaid in that
the characters seem subordinate within Mother Earth, with whom we
as we have seen – they have ambivalent relationships of love-hate – relationships that are subtended by a state of dependence analogous to that of the infans subject, in order to survive
elementary.
We know that religious rites, superstitions seem, in the hinterland
michonian, to testify to a fixation with a primitive world where beings
practically unaware of themselves and the symbolic laws that bring them together. In
Tiny lives, the peasant world seems indeed to appear only as a depositary of the
45 Sigmund Freud, The Future of an Illusion, Paris, Quadrige / PUF, J999, p. 22-23.

46 Cf. Le Petit Robert: dictionary of the French language, Cédérom version J. 2, Paris, Liris

Interactive, 2000.

87
traditions, myths imbued with popular magic whose transmission, from generation to
I even go to that of the narrating hero, was assured by the women. In such a
rooting (Richard talks about bogging), it’s easy to see persistence – and as
the durability – of a state of “helplessness” and, consequently, the survival of the religious need
which, in Freud’s sense, would proceed directly. The difficulty here is that these
peasant rites, this rustic witchcraft, are represented in a mechanical, private
of living faith, as if they obeyed only the force of habit and need
tiring to “fight with the essential”.
In the “Life of the little dead woman”, we can see Elise who, without really
to add faith, strives all the same to do all that is possible to ward off fate, that is, to repel the death of little Madeleine, by such rituals:
… she knew, in fact, old wizarding battles, what was the time
to stop women’s blood or to control the naked lightning on the wheels,
pawn of the horned gods […], procrastinate the inevitable, finally in all fatal circumstances
something, as we say when there is nothing left to do47.
This example gives an account of the mythological background of the peasant imagination of the Lives,
marked by the exclusion of places of speech and power where a subject can appropriate a
voice – a recognized, valid and even justified existence, a “founding story” – in
entering his name in the “Reference”. In the grip of this generalized “helplessness”,
banned as the birth of what Michel de Certeau called “the writing of
48, the characters have no other choice than those we know them: the
flight into silence, black liquor, exile, peasant fiction.
Apart from references to popular superstitions (or even to Greco-Roman mythology), it is especially in the Judeo-Christian Scriptures that Michon draws the source of
its religious aesthetic. The “Life of Antoine Peluchet”, for example, is developed under the
patronage of the “good Goussaud, hermit around the year one thousand”, including “a patron saint of wood
painted “takes the place of memory in the church that bears his name. This wooden figure, which
47 Minute Lives, p. 232.

48 Michel de Certeau, History and psychoanalysis between science and fiction, Paris, Gallimard, coll. «Folio

tests “,] 987,210 p.

88
represents the hermit “sweeping the black side of a lying bull” 49, accompanies the faithful
in the procession of the seasons and assists women in their desire for begetting.
In this regard, the narrator writes:
Like me, Antoine, a child, was brought before these Lares; in the huge grip of the
father, his little hand was lost, tender, hazardous; the father lowered his voice, explained in a
breath the inexplicable world, how hot-haired herds depend on idols in
cold wood, how-things painted and impassive in the dark reign secretly over
large fields of summer5o …
This passage seems to clearly represent the insufficiency of the father to transmit what
part of the order or, to put it like Lacan, of the symbolic register. And furthermore,
this inadequacy seems to perpetuate, through the generations, ideological stagnation and
which condemns the peasant to remain in / in the state of “helplessness” of which we
spoke, the state to which André, Antoine, the Bakroot brothers – each in his own way – the
narrator especially, strive to remedy.
49 Minute Lives, p. 38.
50 Ibid., P. 38-39.

############

Half Column