Category Archives: L’Irlande

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Paul Gauguin et Vincent van Gogh

Three Quarter Column

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David Haziot : Van Gogh et Gauguin une rencontre destructrice

La rencontre de deux artistes n’est pas toujours féconde. Celle de Gauguin et Van Gogh, à Arles, eut des conséquences bien plus dévastatrices pour les deux hommes qu’un banal abandon des muses. David Haziot nous explique comment une collaboration qui avait tout pour être fructueuse a tourné au drame.

https://www.youtube.com/watch?v=hm9WFcPKzrs

La proposition de le faire venir a Arles remonté au printemps

0:12       Van Gogh, pour recevoir Gauguin,

0:16       se met à dépenser des sommes considérables

0:19       pour meubler sa petite maison jaune

0:23       pour recevoir le dignitaire qui doit arriver

0:27       le véritable pape de la peinture qui arrive

0:30       le chef qui va être le chef de l’atelier

0:34       du midi qui va commencer

0:36       grâce à lui, et l’autre n’arrive pas

0:40       c’est en attendant Godot.

0:42       Il ne viendra qu’au mois d’octobre.

0:45       Il arrive et ils se rencontrent

0:52       et au début tout se passe bien.

0:55       Gauguin fait très attention à ne pas

0:58       incommoder Vincent van Gogh

0:59       parce que c’est le frère du marchand qui

1:03       doit le tirer d’affaires et Théo se met

1:06       à vendre sans arrêt des toiles.

1:11       Gauguin voit l’argent qui commencent à tomber lui,

1:12       qui crevaient de faim et de misére

1:15       l’année d’avant, quand il était à la Martinique

1:18       et donc il essaie de faire attention

1:22       à ne pas faire de bêtises ;

1:25       mais il se met à discuter et

1:27       ils s’aperçoivent qu’en fait leur gout

1:31       ne correspond pas du tout là l’un aime

1:35       comme Gauguin aime aller dans l’imaginaire.

1:41       Il aime Séraphine tas ? de Balzac –

1:43       c’est un histoire de d’androgyne –

1:45       il aime des auteurs qui vont vers l’imaginaire.

1:50       Et van Gogh pas du tout.

1:56       C’est Zola c’est Dickens c’est voila

2:01       Alors ils sont pas du tout d’accord en

2:05       peinture – il n’aime pas les mêmes choses

2:08       et par exemple Gauguin aime Raphaël, Ingres

2:18       tandis que l’autre n’aime pas du tout  ces peintres la.

2:22       Lui, il aime d’autres peintres et puis alors

2:29       dans la facture il y a une chose radicalement

2:33       différente entre les deux.

2:37       Gauguin peint en aplats et van Gogh peint ?

2:44       avec des petits traits discontinus comme ça,

2:48       et il n’achève pas – c’est à dire

2:51       il peut meme laisser des blancs sur la toile.

2:54       Donc nous sommes au coeur du probleme

2:59       La facture et l’imaginaire ou non

3:04       dans la peinture alors Gauguin veut se liberer

3:09       d’autant plus du réel que dans sa facture

3:13       il est sage, tandis que van Gogh se

3:18       libère du réel par la facture ;

3:21       mais il ne peut pas s’en libérer ; il le garde en

3:23       face de lui de bout en bout. Alors ce qui s’est passé

3:27       c’est que il y a eu ça cette opposition

3:29       entre les deux peintres et le fait que

3:33       Gauguin voyez en Vincent van Gogh un

3:39       peintre secondaire qui avaient certes des qualités

3:43       mais qui n’était pas plus talenteuex

3:45       que Charles Laval, que Emile Schuffenecker,

3:51       que Emile Bernard etc etc et d’autres

3:55       peintres qu’il avait connus qui ont été

3:57       ses élèves et il va convaincre van Gogh

4:04       de peindre comme lui – c’est à dire

4:08       de peindre de tête –

4:10       c’est à dire un partir de l’imaginaire

4:12       et non plus à partir de l’objet.

4:18       Et on a d’ailleurs toute une série de lettres

4 :22      ou Vincent van Gogh explique que Gauguin

4:25       l’a convaincu de faire ci, de faire ça

4:30       et c’est tout ce qu’il est, tout ce qui

4:33       l’a mené jusque-là dix ans de

4:35       recherches pour mettre au point cette

4:37       technique et cette façon de peindre

4:42       qui sont détruites et là ça va

4:46       le la fragilité psychologique de

4:54       van Gogh va le conduire au drame.

5:01       Il va perdre ses repères et sa personnalité.

5:04       Le peu de choses qui la tenait à peu

5:07       près en équilibre va voler en éclats.

5:10       Il passe très très mal – à ce moment là

5:14       Gauguin ecrit alors a Theo et lui explique

5:17       qu’il y a une incompatibilité d’humeur

5:21       totale entre lui et Vincent et qu’il doit

5:26       absolument rentrer à Paris.

5:29       Et il lui demande de lui envoyer l’argent de

5:31       ses tableaux vendus pour qu’ils puissent partir.

5:33       Il lui donne tout l’argent qu’ils

5:36       lui devaient pour toutes les ventes de

5:39       tableaux est en réalité

5:41       Gauguin perd son marchand

5:44       à ce moment la, ce qui va lui valoir

5:49       une période de plus de 11 ans d’horreur

5:53       absolue et de misère épouvantable.

5:58       Arles est donc une catastrophe pour van Gogh

6:02       et c’en est une aussi pour Gauguin.

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Paul Gauguin – Les Grands Maîtres de la Peinture

https://www.youtube.com/watch?v=kefOklSr2AQ&t=1649s

dans sa peinture gauguin exprime sa liberté à

19:21  l’état pur trouver de nouvelles expressions artistiques doit passer selon lui par la découverte

19:27  et l’apprentissage de nouvelles sources une d’entre elles portent le nom de vincent van gogh

19:34  [Musique]

19:47  ils vont séjourner ensemble à arles pour beaucoup parlé de leurs recherches artistiques de leurs idées de leurs

19:54  convictions même si ça tourne mal c’est un moment décisif dans la vie et la carrière artistique

de l’un et de l’autre

20 :01  Paysages près d’Arles 1888 [Musique]

20:18 en arles gauguin et van gogh cohabitent et peignent ensemble cette peinture sur

20:23 arles est importante et unique elle montre tout l’influencent de van

20:28  gogh bien que gauguin défendent farouchement son propre style et le caractère personnel de

20:34 de cette œuvre certains affirment même qu’il est parfaitement capable de s’approprier

20:40  ce dont il a besoin dans les méthodes du grand peintre les lavandières 1888

20:51  [Musique] autoportrait dit les misérables 1888

20:59  trop mélancolique et peint à la va vite tels sont les mots employés par van gogh

21:05  pour décrire ce tableau c’est sur sa demande et malgré son opinion que

21:11  gauguin essayent vainement de réussir une composition audacieuse et un savant   mariage

21:20 de couleurs  les deux peintres 10-q de voyage et de leur amour commun de l’exotisme

21:31  il parle du 22 décembre mais il n’existe aucune certitude sur le fait que gauguin et poussé

21:38  van gogh à se couper l’oreille  van gogh se réfugie dans un asile peu après [Musique]

21:50  arlésienne mistral 1888 perturbé par les événements survenus

21:55  à son ami gauguin continue à peindre [Musique]

22:30  nature morte au jambon 1889 alors que le style impressionniste de van gogh

22:37  gagne en popularité gauguin reste malgré tout fidèle au synthétisme

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Avant et Apres   par Paul Gauguin

https://www.google.com/search?client=firefox-b-d&q=avant+et+apres+gres+gauguin

Voilà bien longtemps que j’ai envie d’écrire

sur Van Gogh et je le ferai certainement un beau

jour que je serai en train : pour le moment je vais

raconter à son sujet, ou pour mieux dire à notre

sujet, certaines choses aptes à faire cesser une

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erreur qui a circulé dans certains cercles.

Le hasard, sûrement, a fait que durant mon

existence plusieurs hommes qui m’ont fréquenté

et discuté avec moi sont devenus fous.

Les deux frères Van Gogh sont dans ce cas et

quelques-uns mal intentionnés, d’autres avec

naïveté m’ont attribué leur folie. Certainement

quelques-uns peuvent avoir plus ou moins

d’ascendant sur leurs amis, mais de là à

provoquer la folie, il y a loin. Bien longtemps

après la catastrophe, Vincent m’écrivit de la

maison de santé où on le soignait. Il me disait :

« Que vous êtes heureux d’être à Paris. C’est

encore là où se trouvent les sommités, et

certainement vous devriez consulter un

spécialiste pour vous guérir de la folie. Ne le

sommes-nous pas tous ? » Le conseil était bon,

c’est pourquoi je ne l’ai pas suivi, par

contradiction sans doute.

Les lecteurs du Mercure ont pu voir dans une

lettre de Vincent, publiée il y a quelques années,

l’insistance qu’il mettait à me faire venir à Arles

pour fonder à son idée un atelier dont je serais le

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directeur.

Je travaillais en ce temps à Pont-Aven en

Bretagne et soit que mes études commencées

m’attachaient à cet endroit, soit que par un vague

instinct je prévoyais un quelque chose d’anormal,

je résistai longtemps jusqu’au jour où, vaincu par

les élans sincères d’amitié de Vincent, je me mis

en route.

J’arrivai à Arles fin de nuit et j’attendis le petit

jour dans un café de nuit. Le patron me regarda et

s’écria : « C’est vous le copain ; je vous

reconnais. »

Un portrait de moi que j’avais envoyé à

Vincent et suffisant pour expliquer l’exclamation

de ce patron. Lui faisant voir mon portrait,

Vincent lui avait expliqué que c’était un copain

qui devait venir prochainement.

Ni trop tôt, ni trop tard, j’allai réveiller

Vincent. La journée fut consacrée à mon

installation, à beaucoup de bavardages, à de la

promenade pour être à même d’admirer les

beautés d’Arles et des Arlésiennes dont, entre

parenthèse, je n’ai pu me décider à être

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enthousiaste.

Dès le lendemain nous étions à l’ouvrage ; lui

en continuation et moi à nouveau. Il faut vous

dire que je n’ai jamais eu les facilités cérébrales

que les autres sans tourment trouvent au bout de

leur pinceau. Ceux-là débarquent du chemin de

fer, prennent leur palette et, en rien de temps,

vous campent un effet de soleil. Quand c’est sec

cela va au Luxembourg, et c’est signé Carolus

Duran.

Je n’admire pas le tableau mais j’admire

l’homme.

Lui si sûr, si tranquille.

Moi si incertain, si inquiet.

Dans chaque pays, il me faut une période

d’incubation, apprendre chaque fois, l’essence

des plantes, des arbres, de toute la nature enfin, si

variée et si capricieuse, ne voulant jamais se faire

deviner et se livrer.

Je restai donc quelques semaines avant de

saisir clairement la saveur âpre d’Arles et ses

environs. N’empêche qu’on travaillait ferme,

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surtout Vincent. Entre deux êtres, lui et moi, l’un

tout volcan et l’autre bouillant aussi, mais en

dedans il y avait en quelque sorte une lutte qui se

préparait.

Tout d’abord je trouvai en tout et pour tout un

désordre qui me choquait. La boîte de couleurs

suffisait à peine à contenir tous ces tubes pressés,

jamais refermés, et malgré tout ce désordre, tout

ce gâchis, un tout rutilait sur la toile ; dans ses

paroles aussi. Daudet, de Goncourt, la Bible

brûlaient ce cerveau de Hollandais. À Arles, les

quais, les ponts et les bateaux, tout le midi

devenait pour lui la Hollande. Il oubliait même

d’écrire le hollandais et comme on a pu voir par

la publication de ses lettres à son frère, il

n’écrivait jamais qu’en français et cela

admirablement avec des tant que quant à à n’en

plus finir.

Malgré tous mes efforts pour débrouiller dans

ce cerveau désordonné une raison logique dans

ses opinions critiques, je n’ai pu m’expliquer tout

ce qu’il y avait de contradictoire entre sa peinture

et ses opinions. Ainsi, par exemple, il avait une

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admiration sans bornes pour Meissonier et une

haine profonde pour Ingres. Degas faisait son

désespoir et Cézanne n’était qu’un fumiste.

Songeant à Monticelli il pleurait.

Une de ses colères c’était d’être forcé de me

reconnaître une grande intelligence, tandis que

j’avais le front trop petit, signe d’imbécillité. Au

milieu de tout cela une grande tendresse ou plutôt

un altruisme d’Évangile.

Dès le premier mois je vis nos finances en

commun prendre les mêmes allures de désordre.

Comment faire ? la situation était délicate, la

caisse étant remplie modestement par son frère

employé dans la maison Goupil ; pour ma part en

combinaison d’échange en tableaux. Parler : il le

fallait et se heurter contre une susceptibilité très

grande. Ce n’est donc qu’avec beaucoup de

précautions et bien des manières câlines peu

compatibles avec mon caractère que j’abordai la

question. Il faut l’avouer, je réussis beaucoup

plus facilement que je ne l’avais supposé.

Dans une boîte, tant pour promenades

nocturnes et hygiéniques, tant pour le tabac, tant

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aussi pour dépenses impromptu y compris le

loyer. Sur tout cela un morceau de papier et un

crayon pour inscrire honnêtement ce que chacun

prenait dans cette caisse. Dans une autre boîte le

restant de la somme divisée en quatre parties pour

la dépense de nourriture chaque semaine. Notre

petit restaurant fut supprimé et un petit fourneau

à gaz aidant, je fis la cuisine tandis que Vincent

faisait les provisions, sans aller bien loin de la

maison. Une fois pourtant Vincent voulut faire

une soupe, mais je ne sais comment il fit ses

mélanges. Sans doute comme les couleurs sur ses

tableaux. Toujours est-il que nous ne pûmes la

manger. Et mon Vincent de rire en s’écriant :

« Tarascon ! la casquette au père Daudet. » Sur le

mur, avec de la craie, il écrivit :

Je suis Saint-Esprit.

Je suis sain d’esprit.

Combien de temps sommes-nous restés

ensemble ? je ne saurais le dire l’ayant totalement

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oublié. Malgré la rapidité avec laquelle la

catastrophe arriva ; malgré la fièvre de travail qui

m’avait gagné, tout ce temps me parut un siècle.

Sans que le public s’en doute, deux hommes

ont fait là un travail colossal utile à tous deux.

Peut-être à d’autres ? Certaines choses portent

leur fruit.

Vincent, au moment où je suis arrivé à Arles,

était en plein dans l’école néo-impressionniste, et

il pataugeait considérablement, ce qui le faisait

souffrir ; non point que cette école, comme toutes

les écoles, soit mauvaise, mais parce qu’elle ne

correspondait pas à sa nature, si peu patiente et si

indépendante.

Avec tous ses jaunes sur violets, tout ce travail

de complémentaires, travail désordonné de sa

part, il n’arrivait qu’à de douces harmonies

incomplètes et monotones ; le son du clairon y

manquait.

J’entrepris la tâche de l’éclairer ce qui me fut

facile car je trouvai un terrain riche et fécond.

Comme toutes les natures originales et marquées

au sceau de la personnalité, Vincent n’avait

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aucune crainte du voisin et aucun entêtement.

Dès ce jour mon Van Gogh fit des progrès

étonnants ; il semblait entrevoir tout ce qui était

en lui et de là toute cette série de soleils sur

soleils, en plein soleil.

Avez-vous vu le portrait du poète ?

La figure et les cheveux jaunes de chrome.

Le vêtement jaune de chrome 2.

La cravate jaune de chrome 3 avec une épingle

émeraude vert émeraude sur un fond jaune de

chrome n° 4.

C’est ce que me disait un peintre Italien et il

ajoutait :

– Mârde, mârde, tout est jaune : je ne sais plus

ce que c’est que la pintoure.

Il serait oiseux ici d’entrer dans des détails de

technique. Ceci dit pour vous informer que Van

Gogh sans perdre un pouce de son originalité a

trouvé de moi un enseignement fécond. Et chaque

jour il m’en était reconnaissant. Et c’est ce qu’il

veut dire quand il écrit à M. Aurier qu’il doit

beaucoup à Paul Gauguin.

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Quand je suis arrivé à Arles, Vincent se

cherchait, tandis que moi beaucoup plus vieux,

j’étais un homme fait. À Vincent je dois quelque

chose, c’est, avec la conscience de lui avoir été

utile, l’affermissement de mes idées picturales

antérieures puis dans les moments difficiles me

souvenir qu’on trouve plus malheureux que soi.

Quand je lis ce passage : le dessin de Gauguin

rappelle un peu celui de Van Gogh, je souris.

Dans les derniers temps de mon séjour,

Vincent devint excessivement brusque et bruyant,

puis silencieux. Quelques soirs je surpris Vincent

qui levé s’approchait de mon lit.

À quoi attribuer mon réveil à ce moment ?

Toujours est-il qu’il suffisait de lui dire très

gravement :

« Qu’avez-vous Vincent », pour que, sans mot

dire, il se remît au lit pour dormir d’un sommeil

de plomb.

J’eus l’idée de faire son portrait en train de

peindre la nature morte qu’il aimait tant des

Tournesols. Et le portrait terminé il me dit :

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« C’est bien moi, mais moi devenu fou. »

Le soir même nous allâmes au café. Il prit une

légère absinthe.

Soudainement il me jeta à la tête son verre et

le contenu. J’évitai le coup et le prenant à bras le

corps je sortis du café, traversai la place Victor[1]Hugo et quelques minutes après Vincent se

trouvait sur son lit où en quelques secondes il

s’endormit pour ne se réveiller que le matin.

À son réveil, très calme, il me dit : « Mon cher

Gauguin, j’ai un vague souvenir que je vous ai

offensé hier soir.

  1. – Je vous pardonne volontiers et d’un grand

cœur, mais la scène d’hier pourrait se produire à

nouveau et si j’étais frappé je pourrais ne pas être

maître de moi et vous étrangler. Permettez-moi

donc d’écrire à votre frère pour lui annoncer ma

rentrée. »

Quelle journée, mon Dieu !

Le soir arrivé j’avais ébauché mon dîner et

j’éprouvai le besoin d’aller seul prendre l’air aux

senteurs des lauriers en fleurs. J’avais déjà

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traversé presque entièrement la place Victor[1]Hugo, lorsque j’entendis derrière moi un petit pas

bien connu, rapide et saccadé. rapide et saccadé. Je me retournai au

moment même où Vincent se précipitait sur moi

un rasoir ouvert à la main. Mon regard dut à ce

moment être bien puissant car il s’arrêta et

baissant la tête il reprit en courant le chemin de la

maison.

Ai-je été lâche en ce moment et n’aurais-je pas

dû le désarmer et chercher à l’apaiser ? Souvent

j’ai interrogé ma conscience et je ne me suis fait

aucun reproche.

Me jette la pierre qui voudra.

D’une seule traite je fus à un bon hôtel d’Arles

où après avoir demandé l’heure je retins une

chambre et je me couchai.

Très agité je ne pus m’endormir que vers 3

heures du matin et je me réveillai assez tard vers

7 heures et demie.

En arrivant sur la place je vis rassemblée une

grande foule. Près de notre maison des

gendarmes, et un petit monsieur au chapeau

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melon qui était le commissaire de police.

Voici ce qui s’était passé.

Van Gogh rentra à la maison et

immédiatement se coupa l’oreille juste au ras de

la tête. Il dut mettre un certain temps à arrêter la

force de l’hémorragie, car le lendemain de

nombreuses serviettes mouillées s’étalaient sur

les dalles des deux pièces du bas. Le sang avait

sali les deux pièces et le petit escalier qui montait

à notre chambre à coucher.

Lorsqu’il fut en état de sortir, la tête

enveloppée d’un béret basque tout à fait enfoncé,

il alla tout droit dans une maison où à défaut de

payse on trouve une connaissance, et donna au

factionnaire son oreille bien nettoyée et enfermée

dans une enveloppe. « Voici, dit-il, en souvenir

de moi », puis s’enfuit et rentra chez lui où il se

coucha et s’endormit. Il eut le soin toutefois de

fermer les volets et de mettre sur une table près

de la fenêtre une lampe allumée.

Dix minutes après toute la rue accordée aux

filles de joie était en mouvement et on jasait sur

l’événement.

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J’étais loin de me douter de tout cela lorsque

je me présentai sur le seuil de notre maison et

lorsque le monsieur au chapeau melon me dit à

brûle-pourpoint, d’un ton plus que sévère.

« Qu’avez-vous fait, Monsieur, de votre

camarade. » – Je ne sais…

– Que si… vous le savez bien… il est mort. »

Je ne souhaite à personne en pareil moment, et

il me fallut quelques longues minutes pour être

apte à penser et comprimer les battements de mon

cœur.

La colère, l’indignation, la douleur, aussi et la

honte de tous ces regards qui déchiraient toute ma

personne, m’étouffaient et c’est en balbutiant que

je dis : « C’est bien, Monsieur, montons et nous

nous expliquerons là-haut. » Dans le lit Vincent

gisait complètement enveloppé par les draps,

blotti en chien de fusil : il semblait inanimé.

Doucement, bien doucement, je tâtai le corps

dont la chaleur annonçait la vie assurément. Ce

fut pour moi comme une reprise de toute mon

intelligence et de mon énergie.

Presqu’à voix basse je dis au commissaire de

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police : « Veuillez, Monsieur, réveiller cet

homme avec beaucoup de ménagements et s’il

demande après moi dites-lui que je suis parti pour

Paris : ma vue pourrait peut-être lui être

funeste. »

Je dois avouer qu’à partir de ce moment, ce

commissaire de police fut aussi convenable que

possible, et intelligemment il envoya chercher un

médecin et une voiture.

Une fois réveillé, Vincent demanda après son

camarade, sa pipe et son tabac, songea même à

demander la boîte qui était en bas et contenait

notre argent. Un soupçon sans doute ! qui

m’effleura étant déjà armé contre toute

souffrance.

Vincent fut conduit à l’hôpital ou aussitôt

arrivé, son cerveau recommença à battre la

campagne.

Tout le reste, on le sait dans le monde que cela

peut intéresser et il serait inutile d’en parler, si ce

n’est cette extrême souffrance d’un homme qui

soigné dans une maison de fous, s’est vu par

intervalles mensuels reprendre la raison

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suffisamment pour comprendre son état et

peindre avec rage les tableaux admirables qu’on

connaît.

La dernière lettre que j’ai eue était datée

d’Auvers près Pontoise. Il me disait qu’il avait

espéré guérir assez pour venir me retrouver en

Bretagne, mais qu’aujourd’hui il était obligé de

reconnaître l’impossibilité d’une guérison.

« Cher maître (la seule fois qu’il ait prononcé

ce mot), il est plus digne après vous avoir connu

et vous avoir fait de la peine, de mourir en bon

état d’esprit qu’en état qui dégrade. »

Et il se tira un coup de pistolet dans le ventre

et ce ne fut que quelques heures après, couché

dans son lit et fumant sa pipe, qu’il mourut ayant

toute sa lucidité d’esprit, avec amour pour son art

et sans haine des autres.

Dans les monstres Jean Dolent écrit :

« Quand Gauguin dit : « Vincent », sa voix est

douce.

Ne le sachant pas, mais l’ayant deviné. Jean

Dolent a raison. On sait pourquoi.

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Gauguin et Van Gogh : la cohabitation

Ces deux célèbres peintres qui vécurent à la fin du 19e siècle étaient très amis, au point de décider de créer un communauté d’artistes avant-gardistes ensemble. Ainsi, en octobre 1888, Gauguin rejoint Van Gogh à Arles dans la « Maison Jaune » qu’il loue, où il reste un peu plus de deux mois.
Les deux amis vivent alors ensemble : ils partagent les frais, boivent beaucoup d’absinthe et peignent tous deux les mêmes sujets. Van Gogh notamment est très prolixe  (verbose). Malheureusement, leur relation finit par se dégrader et la cohabitation à ne plus se passer aussi bien : les rapports (relationships) sont déséquilibrés – Van Gogh aurait eu tendance à profiter de Gauguin, piochant (dipping into) dans son argent, ne participant pas aux corvées ménagères (household chores)…

Mais c’est surtout sur une querelle de nature artistique que les choses se gâtent (things go wrong), le 23 décembre 1888, après une violente discussion sur la peinture lors de laquelle Gauguin soutient qu’il faut travailler d’imagination, et Van Gogh d’après la nature…

VAN GOGH GAUGUIN KAZOART

Van Gogh, La maison jaune, 1888, Musée Van Gogh à Amsterdam

L’épisode de l’oreille

Les choses se seraient alors envenimées (would have escalated). D’après le témoignage de Gauguin. Van Gogh l’aurait menacé d’un couteau ; ce dernier, effrayé (frightened), aurait alors tout de suite quitté les lieux. Van Gogh, se retrouvant seul, et pris d’un accès de folie (in a fit of madness), se serait alors coupé un morceau de l’oreille gauche à l’aide d’un rasoir, avant de l’envelopper dans du papier journal et de l’amener à une prostituée qu’il voyait régulièrement, une certaine Rachel. Il se serait ensuite tout simplement couché. La police ne l’aurait trouvé que le lendemain, la tête ensanglantée et l’esprit embrouillé (confused). Gauguin leur aurait alors expliqué les faits avant de quitter définitivement Arles – ce serait ainsi la dernière fois qu’ils se seraient vus.

VAN GOGH GAUGUIN KAZOART

Van Gogh, Autoportrait à l’oreille bandée, 1889

Une autre thèse est cependant soutenue par deux universitaires allemands, Hans Kaufmann et Rita Wildegans. Lors de la dispute, ce ne serait pas Van Gogh qui se serait coupé l’oreille, mais Gauguin (qui était maître d’arme) qui le lui aurait tranché involontairement avec son sabre. Lui qui souhaitait juste lui faire peur aurait eu ce geste malheureux… Gauguin se serait ensuite enfui et aurait jeté l’arme dans le Rhône (en effet, la lame n’a plus jamais été en sa possession par la suite). Peu de documents permettent d’étayer réellement une thèse ou l’autre : le mystère reste donc entier !

En 1901 à Tahiti, Gauguin peindra cependant des tournesols, dernier hommage, remord peut-être, à son ami obsédé par ces fleurs et leur couleur…

gauguin van gogh

Paul Gauguin, Nature morte avec des tournesols sur un fauteuil, 1901, Collection particulière, Zurich

Pour aller plus loin… des artistes emblématiques

Né en 1848, Paul Gauguin est un des pères de l’Art moderne. Son utilisation de la couleur, notamment, révolutionna le cours de la peinture et influença énormément des artistes comme Matisse ou Picasso. Homme de caractère, il eut une vie mouvementée et passionnante, successivement banquier, ouvrier pendant le percement du canal de Panama, peintre en Bretagne puis à Tahiti…
Le peintre néerlandais Vincent Van Gogh (1853 – 1890), lui aussi, est un artiste majeur dans l’histoire de la peinture. Cet homme qui vécut dans la pauvreté et la folie avait néanmoins de nombreux amis, parmi lesquels son frère Théo, le peintre Émile Bernard et surtout, Paul Gauguin… Son destin s’achèvera en 1890 lorsqu’il choisit de se tirer une balle dans la poitrine, mettant ainsi fin à des crises psychotiques de plus en plus fréquentes.
Ils explorèrent ainsi tous deux les possibilités de la couleur, bien avant les expérimentations des avant-gardes du début du 20e siècle.

https://www.kazoart.com/blog/gauguin-et-van-gogh-une-amitie-explosive/

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Berçeuse : Augustine Roulin (V van Gogh - F 508 / JH 1671)

Berçeuse : Augustine Roulin (V van Gogh – F 508 / JH 1671) février 1889

 Vincent Van Gogh, qui peignait de nombreux paysages souhaitait se consacrer également aux portraits et recherchait donc un modèle. C’est ainsi qu’il a rencontré le facteur Joseph Roulin (1841-1903) qui fréquentait comme lui le café de la Gare, sa femme Augustine Pellicot (1851-1930) et leurs trois enfants : Armand, Camille et Marcelle.

 En décembre 1888, V van Gogh commence un portrait de Madame Roulin. En mars 1889, il avait terminé quatre versions supplémentaires. Cette version était probablement destinée à P Gauguin. Contrairement à la création de trois versions de sa chambre à coucher, van Gogh a peint cinq images de Madame Roulin comme La Berçeuse parce qu’il voulait “assurer la disponibilité de son meilleur travail à tous ceux qui pourraient vouloir”.

 Dans le contexte d’un envoi à P Gauguin après leur séparation, le tableau de la Berceuse était destiné à être flanqué de deux peintures de tournesols. Dans une lettre de mai 1889 à Théo, Vincent esquisse cet arrangement, expliquant que “les tons jaune et orange de la tête vont gagner en éclat par la proximité des ailes jaunes. Et alors vous comprendrez ce que je vous ai écrit, que mon idée avait été de faire une sorte de décoration … “.

L’intérêt continu de V van Gogh pour les couleurs complémentaires est évident dans la juxtaposition contrastée de la jupe vert émeraude de Madame Roulin et de son sombre corsage couleur olive, alors que ses cheveux sont orange, la chaise de couleur rouille et le plancher vermillon. L’alliance du rouge et du vert est renforcée par le papier peint à fleurs, dérivé d’un auto-portrait de P Gauguin, qui ajoute des touches de bleu et d’orange.

 Assise dans un fauteuil rustique, Madame Roulin regarde au loin. Ses mains se chevauchent les unes les autres et saisissent la corde légèrement grossière au bord inférieur de la toile, celle-ci renvoyant au berçeau (invisible ici) qu’il s’agit de faire balancer par ce moyen. V van Gogh a peint ces cinq versions de La Berceuse à un moment où il avait besoin d’être apaisé, ce motif ayant dû lui offrir un grand réconfort après le départ de P Gauguin (cf. frenchart.umsl.edu).

 Pour voir les tableaux composés sur le même motif en décembre 1888, février et mars 1889 :

www.flickr.com/photos/7208148@N02/16605390546/in/album-72…

www.flickr.com/photos/7208148@N02/22578502943/in/datepost…

www.flickr.com/photos/7208148@N02/22774888917/in/album-72…

www.flickr.com/photos/7208148@N02/16465540069/in/album-72…

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L’influence de van Gogh et Gauguin l’un sur l’autre ?        reponse par    chat.openai.com

Les artistes Paul Gauguin et Vincent van Gogh ont eu une influence significative l’un sur l’autre pendant leur amitié, mais il est difficile de dire qui a eu le plus d’influence sur l’autre.

En 1888, Gauguin a rejoint Van Gogh à Arles, en France, et les deux artistes ont passé neuf semaines à travailler ensemble. Pendant ce temps, ils ont échangé des idées sur l’art et ont développé leurs styles respectifs. Van Gogh a été influencé par l’utilisation de couleurs vives et de formes simplifiées de Gauguin, tandis que Gauguin a été inspiré par la touche expressive et l’intensité émotionnelle de Van Gogh.

Il convient de noter que Van Gogh avait déjà développé son propre style avant l’arrivée de Gauguin à Arles.  Cependant, l’influence de Gauguin sur Van Gogh est visible dans des œuvres telles que “Le café de nuit”, qui présente une utilisation similaire de couleurs vives et de coups de pinceau audacieux.

D’autre part, Gauguin a été influencé par l’intensité émotionnelle de Van Gogh et sa volonté d’expérimenter de nouveaux styles. Cela peut être vu dans les œuvres ultérieures de Gauguin, qui présentent des couleurs plus audacieuses et des coups de pinceau plus expressifs.   Leur amitié a été un échange artistique mutuellement bénéfique.

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Lise Martinot, historienne pas comme les autres, donnera des mini conférences d’histoire de l’art en français et en anglais. Redécouvrez les ?uvres des plus grands maîtres analysées sous un angle nouveau et accessible à tous.

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Gauguin vs van Gogh – Histoire d’une incompatibilité spirituelle.   [  Art d’Histoire   1/4 ]

Voir –   https://www.youtube.com/watch?v=Ql5KZj8SMhA

Quand les différents spirituels, désavouent la communion artistique.

The Search for sacred Art de Debora Silverman est à l’origine de cette conférence. Le drame qui mit fin à la communauté d’artistes formée par van Gogh et Gauguin, “le fameux épisode de l’oreille coupée” a trop souvent été justifié par l’insanité mentale de van Gogh et l’arrogance de Gauguin ; il n’en reste pas moins qu’une lecture approfondie de leurs œuvres au regard de leur foi laissait présumer d’une profonde incompatibilité de sensibilité.

1 – Le ténébreux contre le lumineux :

La communauté rêvée par van Gogh et forcée chez Gauguin devait rassembler autour de ces derniers les amis de Bretagne : Émile Bernard et Charles Laval. Dans l’attente de cette aventure, ils s’échangèrent leurs portraits.

L’étude comparée du portrait en bonze de van Gogh dédié à Gauguin et du portrait en retour de Paul dédié à l’ami Vincent manifeste déjà de deux caractères radicalement opposés, l’un paisible et rayonnant, l’autre tourmenté et bouillonnant. Au sortir de cette aventure, Gauguin prit la fuite tandis que van Gogh restait définitivement seul.

Démonstration à partir du portrait dédié à l’ami P. Gauguin de van Gogh et de celui de Gauguin en misérable avec portrait d´Émile Bernard, analysés au regard de leurs courriers échangés entre septembre 1888 et janvier 1889.

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Gauguin vs van Gogh – Histoire d’une incompatibilité spirituelle.   [  Art d’Histoire   2/4 ] 

Voir =  https://www.youtube.com/watch?v=jIvqLdDlsto

L’atelier d’Arles : Gauguin en octobre 1888 débarque en terre arlésienne sans jamais succomber à ses charmes. Van Gogh l’accueille tentant, tant bien que mal d’absorber les bases de son enseignement. L’analyse comparée de leurs Alyscamps puis de leur Vendanges, deux séries peintes côte à côte, l’une devant le motif en extérieur, l’autre de mémoire en atelier est à ce titre exemplaire ;

les deux peintres affirment alors par leur choix de perspective, de couleur et de facture, deux natures artistiques systématiquement antinomiques. Une étude formelle approfondie rendra tangible leur impénétrabilité réciproque. Démonstration à partir de la série des Alyscamps de Gauguin et van Gogh ; ainsi que La vigne rouge de van Gogh et Vendange à Arles ou Misère humaine et En pleine Chaleur ou Les Cochons de Gauguin.

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Gauguin vs van Gogh – Gauguin chez Monseigneur Dupanloup :  [  Art d’Histoire   3/4 ]  

Voir  –  https://www.youtube.com/watch?v=LehXksbi27U&t=90s

Gauguin chez Monseigneur Dupanloup : On mystifie Gauguin, on l’érige en Pygmalion intransigeant, en précurseur de l’art moderne. Il fut aussi un petit séminariste sous le très influent Monseigneur Dupanloup, grand réformateur du catéchisme moderne. Et étonnamment, les œuvres de Gauguin se prêtent à l’illustration, au pied de la lettre, d’un grand nombre des textes de Dupanloup. Au regard des enseignements de l’évêque seront analysées quelques œuvres de Gauguin, ses Vendanges à nouveau, ses Êves bretonnes et exotiques, et la Vision après le Sermon ; apparait une inattendue résonance du plus iconoclaste de notre peintres modernes avec la très traditionnelle foi catholique.Art d’Histoire   2/4 ]

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Gauguin vs van Gogh – Les peintures Bibliques d´Émile Bernard et Paul Gauguin :  [  Art d’Histoire   4/4 ]  

Voir  –  https://www.youtube.com/watch?v=yFh-GRxEWvI

Mages prosternés devant l’enfant Jésus, anges ailés, visions de Jeanne d’Arc, autant de peintures par Bernard et Gauguin qui exaspérèrent l’ami hollandais ; van Gogh resta réfracteur au surnaturel que sa culture protestante abhorrait, il s’attristait de leurs égarements, lui le réaliste. Heureusement il n’eut l’occasion de voir le chef d’œuvre religieux de Gauguin.

Gauguin peignit au terme de sa vie, une immense frise faisant écho mot pour mot au questionnement intérieur de Mgr Dupanloup; ce qui signifie qu’au plus fort de sa période anticléricale, Gauguin pratiquait encore les méthodes spirituelles inculquées par les Catholiques. Démonstration autour des peintures bibliques de Bernard et Gauguin de 1889-1890 et de D’où venons-nous ? Que sommes-nous ? Où allons-nous? de Gauguin.

 

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My dear old Bernard,

We’ve done a great deal of work these past few days . . .  Gauguin interests me greatly as a man — greatly.  For a long time it has seemed to me that in our filthy job as painters we have the greatest need of people with the hands and stomach of a labourer.  More natural tastes — more amorous and benevolent temperaments — than the decadent and exhausted Parisian man-about-town.
Now here, without the slightest doubt, we’re in the presence of an unspoiled creature with the instincts of a wild beast.  With Gauguin, blood and sex have the edge over ambition.  But enough of that, you’ve seen him close at hand longer than I have, just wanted to tell you first impressions in a few words.
Next, I don’t think it will astonish you greatly if I tell you that our discussions are tending to deal with the terrific subject of an association of certain painters.  Ought or may this association have a commercial character, yes or no?  We haven’t reached any result yet, and haven’t so much as set foot on a new continent yet.  Now I, who have a presentiment of a new world, who certainly believe in the possibility of a great renaissance of art. Who believe that this new art will have the tropics for its homeland.
Now something that will interest you — we’ve made some excursions in the brothels, and it’s likely that we’ll eventually go there often to work. At the moment Gauguin has a canvas in progress of the same night café that I also painted, but with figures seen in the brothels.  It promises to become a beautiful thing.
I’ve made two studies of falling leaves in an avenue of poplars, and a third study of the whole of this avenue, entirely yellow.b
I declare I don’t understand why I don’t do figure studies, while theoretically it’s sometimes so difficult for me to imagine the painting of the future as anything other than a new series of powerful portraitists, simple and comprehensible to the whole of the general public.  Anyway, perhaps I’ll soon get down to doing brothels.
I’ll leave a page for Gauguin, who will probably also write to you, and I shake your hand firmly in thought.
Ever yours,
Vincent
[Continued by Paul Gauguin]
Don’t listen to Vincent; as you know, he’s prone to admire and ditto to be indulgent. His idea about the future of a new generation in the tropics seems absolutely right to me as a painter, and I still intend going back there when I find the funds.  A little bit of luck, who knows?
Vincent has done two studies of falling leaves in an avenue, which are in my room and which you would like very much. On very coarse, but very good sacking.
Send news of yourself and of all the pals.
Yours,   Paul Gauguin
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1. On the evening of 23 December 1888, Van Gogh suffered an acute mental breakdown. As a result he cut off his left ear and took it to a prostitute in a local brothel. The police found him at home the next morning and had him admitted to hospital. On 24 December Gauguin sent a telegram to Theo, who immediately took the night train to Arles.
Despite Van Gogh’s repeated pleas, Gauguin did not come to visit him in hospital. Jo van Gogh-Bonger wrote in her introduction to the letters that Gauguin travelled back to Paris with Theo, who left Arles on Tuesday, 25 December, as emerges from a letter he wrote to Jo on 28 December. Bernard’s letter of 1 January 1889 to Albert Aurier agrees with this description of events: he reports that Gauguin had arrived in Paris four days earlier, meaning 27 December.
After his return to Paris, Theo gave an account of his visit in a letter he wrote to Jo on 28 December: ‘I found Vincent in the hospital in Arles. The people around him realized from his agitation that for the past few days he had been showing symptoms of that most dreadful illness, of madness, and an attack of fièvre chaude, when he injured himself with a razor, was the reason he was taken to hospital. Will he remain insane? The doctors think it possible, but daren’t yet say for certain. It should be apparent in a few days’ time when he is rested; then we will see whether he is lucid again. He seemed to be all right for a few minutes when I was with him, but lapsed shortly afterwards into his brooding about philosophy and theology. It was terribly sad being there, because from time to time all his grief would well up inside and he would try to weep, but couldn’t. Poor fighter and poor, poor sufferer. Nothing can be done to relieve his anguish now, but it is deep and hard for him to bear. Had he just once found someone to whom he could pour his heart out, it might never have come to this. In the next few days they will decide whether he is to be transferred to a special institution and as I don’t yet know how much I shall have to do in all this, I dare not make any plans.’
Two days later he wrote to her again: ‘Since I last wrote I’ve been wavering between hope and fear. The news is still bad and the last letter from Vincent’s friend the postman says, “The doctor will wait a few days before deciding whether he should be committed to an institution.” One sees the ambiguity in this sentence when one asks Why? I am waiting for an answer from the assistant house physician at the hospital. There is little hope, but he has done more than so many in his life and suffered and fought more than most people are capable of doing. If he must pass away, so be it, but the thought of it breaks my heart … My dear Mother knows no more than that he is ill and that his mind is confused. She is not aware that his life is in danger’.
Vincent remained until 7 January 1889 in hospital, where he was treated by the resident physician Félix Rey. Rey assisted the chief physician, Marie Jules Joseph Urpar. Shortly after Van Gogh’s admission to the hospital, Urpar drew up a certificate regarding the artist’s condition, which was sent to the mayor of Arles on 29 December 1888. The certificate has not survived, but it is evident from the accompanying letter to the mayor that the doctor had concluded that ‘Mr Vincent who, on the 23rd of this month, removed his ear using a razor, is suffering from mental disturbance. The treatment that this unfortunate man is receiving in our establishment not being such as to bring him back to a state of reason, I am writing to request that you be so kind as to take the necessary steps to have him admitted to a special asylum’
(M. le Maire, J’ai l’honneur de vous adresser ci-joint le certificat de M. le docteur Urpar, médecin en chef de l’hôpital, constatant que le Sieur Vincent qui, le 23 du mois ci, s’est enlevé l’oreille d’un coup de rasoir, est atteint d’aliénation mentale. Les soins que cet infortuné reçoit dans notre établissement n’étant pas de nature à le ramener à la raison, je viens vous prier de vouloir bien prendre les mesures nécessaires pour le faire admettre dans un asile spécial). The same day Dr Rey informed Theo of Vincent’s condition and told him about Urpar’s certificate.
The incident was reported in the column ‘Chronique locale’ in the weekly newspaper Le Forum Républicain on Sunday, 30 December 1888:    (Dimanche dernier, à 11 heures ½ du soir, le nommé Vincent Vangogh peintre, originaire de Hollande, s’est présenté à la maison de tolérance no 1, a demandé la nommé Rachel, et lui a remis…. son oreille en lui disant: “Gardez cet objet précieusement.” Puis il a disparu. Informée de ce fait qui ne pouvait être que celui d’un pauvre aliéné, la police s’est rendue le lendemain matin chez cet individu qu’elle a trouvé couché dans son lit, ne donnant presque plus signe de vie. Ce malheureux a été admis d’urgence à l’hospice.)
Gauguin later declared that on the evening in question he had decided to sleep in a hotel because of Van Gogh’s aggressive, threathening behaviour. The exact circumstances of the supposed incident between Gauguin and Van Gogh are not known, however. Van Gogh says nothing in his letters about its immediate cause, and Rey reported the following to Theo on 30 December:  (Lorsque j’ai voulu le faire causer sur le motif qui l’avait poussé à se couper l’oreille; il m’a répondu que c’etait un affaire tout à fait personnelle).
Van Gogh remembered little of what happened. This is evident from a note made by Dr Peyron in the asylum at Saint-Rémy on 8 May 1889:  (Pendant cet accès il se coupa l’oreille gauche mais il ne conserve de tout cela qu’un souvenir très vague, et ne peut s’en rendre compte.)
In Avant et après, Gauguin wrote that, before finally wounding himself, Van Gogh had wanted to attack him that evening:  (J’avais déjà traversé presque entièrement la place Victor-Hugo, lorsque j’entendis derrière moi un petit pas bien connu, rapide et saccadé. Je me retournai au moment même où Vincent se précipitait sur moi un rasoir ouvert à la main. Mon regard dut à ce moment être bien puissant car il s’arrêta et baissant la tête il reprit en courant le chemin de la maison.)
Gauguin wrote these words in 1903, long after the events themselves, and doubt has frequently been cast on his reliability as a witness. His account will, all the same, have been based on the truth. In Bernard’s summary of what Gauguin had told him directly after returning to Paris, no mention is made of the attack, however. In his letter of 1 January 1889 to Albert Aurier, Bernard wrote:
(Gauguin revenant précipitamment, il y a 4 jours, et la nouvelle de Vincent à l’hôpital. J’ai couru voir Gauguin qui m’a dit ceci. La veille de mon départ (car il devait quitter Arles) Vincent a couru après moi (il sortait c’était la nuit) je me suis retourné car depuis quelques temps il devenait très drôle, mais je m’en défiais. Alors il m’a dit: Vous êtes taciturne, mais moi je le serai aussi. Depuis que je devais quitter Arles il était tellement bizarre que je ne vivais plus. Il m’avait même dit: “Vous allez partir?” Et comme j’avais dit “Oui” il a arraché d’un journal cette phrase et me l’a mise dans la main: “le meurtrier a pris la fuite”.
Je suis allé coucher à l’hôtel et quand je suis revenu tout Arles était devant chez nous. Alors les gendarmes m’ont arrêté, car la maison était pleine de sang. Voici ce qui s’était passé. Vincent était rentré après mon départ, avait pris le rasoir et s’était tranché net l’oreille. Alors il s’était couvert la tête d’un berret profond et était allé dans une maison publique porter à une malheureuse son oreille en lui disant: Tu te souviendras de moi, en vérité je te le dis. Cette fille s’est évanouie immédiatement. Les gendarmes se sont mis sur pied et on est venu au logis. Vincent a été mis à l’hôpital. Son état est pis, il veut coucher avec les malades, chasse la soeur et se lave dans la boîte à charbon. C’est à dire qu’il continue les macérations bibliques. On a été forcé de l’enfermer dans une chambre.)
According to the people in Arles who were immediately involved (Gauguin, Dr Rey and the policeman Robert), Van Gogh cut off his entire ear, which is what was reported in Le Forum Républicain. Jo van Gogh-Bonger, Paul Gachet Jr (the son of Dr Paul-Ferdinand Gachet) and Paul Signac all later stated that it was only the lower part of the ear. For the various testimonies, see also Doiteau and Leroy 1939. However, since the discovery of a short letter from Dr Rey to the writer Irving Stone, which includes two drawings, we can now conclude that Van Gogh did indeed cut off his entire ear. See exhib. cat. Amsterdam 2016, pp. 35-40, and Murphy 2016, pp. 140-149.
On 4 January Theo wrote the following to Jo Bonger about the present letter: ‘A good letter from Vincent today, he appears to have recovered, isn’t that wonderful? There is no longer any question of committing him to an asylum and even the doctors have abandoned the idea.’  Doctor Rey, Roulin and the Rev. Frédéric Salles kept Theo informed about Vincent’s recovery.
2. After a long period of silence, Theo was again in touch with Andries Bonger and his sister Jo, who had refused his proposal of marriage in 1887.  The renewed acquaintance led to Theo and Jo’s engagement. On 21 December 1888 Theo told his mother of their plans and asked for her consent.  The engagement party took place on 9 January in Amsterdam  and the marriage was solemnized there on 18 April 1889. At that time Theo was staying with his cousin Jan Stricker. It is not known when Theo wrote to Vincent about his engagement; Theo had in fact broached the subject during his visit.
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Addenda
Soon after arriving in Arles, Gauguin bought 20 metres of ‘very strong canvas’, as Vincent informed Theo in letter 717. It was coarse jute, which Van Gogh and Gauguin divided equally and worked on almost exclusively until they ran out of it in December
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Charles de Gaulle – entre deux guerres

Charles de Gaulle – sa vie,  1919 – 1939

 Vie personnelle et famille

Charles de Gaulle est une personne hermétique en ce qui concerne sa vie personnelle.

Sa femme Yvonne Vendroux était issue d’une famille d’industriels de Calais. Élevée dans les codes traditionnels de la bourgeoisie catholique, elle fait preuve dès sa jeunesse d’une grande détermination. “Ce sera lui, ou personne”, déclare-t-elle à ses parents au retour de son premier rendez-vous avec ce beau et grand capitaine de 1,96 m.

Après une visite au Grand Palais, puis un bal à l’École spéciale militaire de Saint-Cyr, près de Versailles, ils se fiancent en novembre 1920 et se marient avril 1921.  Le lendemain, le mariage religieux est célébré à Notre-Dame de Calais et en mai, le jeune couple s’installe à Paris.

Les de Gaulle ont acquis en 1934 la propriété de La Boisserie à Colombey-les-deux-Eglises, nichée au milieu des 2 hectares et demi d’un parc verdoyant. Ils sont parents alors de 3 enfants. Cette maison correspond à ses revenus modestes, et elle est située entre Paris et les garnisons de l’Est.  Mais il est surtout séduit par l’isolement et le calme du lieu, propices à ses activités de réflexion et d’écriture militaire. Les De Gaulle passent d’abord leurs vacances à la Boisserie, puis s’y installent plus régulièrement. Les époux De Gaulle modernisent la maison à la fin des années 1930 en y installant l’électricité puis l’eau courante.

La Boisserie en Colombey-les-deux-eglises
La Boisserie en Colombey-les-deux-eglises

Yvonne se consacre alors à ses fonctions d’épouse et de mère de leurs trois enfants : Philippe est né en 1921, Elisabeth en 1924 et Anne en 1928.  Anne était porteuse de trisomie et fera toute sa vie l’objet de soins constants de la part de ses parents.  « À l’époque, mes grands-parents vivaient en Allemagne, dans une petite ville de garnison, raconte Anne de Laroullière, la fille d’Élisabeth. L’accouchement ne s’est pas bien passé et Anne, en plus d’être porteuse de trisomie 21, a probablement gardé des séquelles de cette naissance difficile. »  Très vite, le couple de Gaulle comprend que l’état de leur dernière fille va nécessiter des soins constants, auxquels Yvonne va se dédier corps et âme avec le soutien d’une fidèle gouvernante, Mlle Potel.

Rares sont les personnes à être intégrées à ce premier cercle d’intimes, mais toutes ont témoigné de l’amour inconditionnel qui unit le père et la fille. Elle avait un amour fou pour son père. Charles était d’une patience et d’un amour infini pour elle.  Il est très proche de sa famille mais il n’est pas homme à montrer beaucoup d’affection en public.   La famille de Gaulle n’est pas ostentatoire.

« Indéniablement, l’existence d’Anne a forgé au sein du couple formé par mes grands-parents un sens de la résistance qui a joué un rôle dans les événements de juin 1940 », analyse Anne de Laroullière.   Yvonne avait quitté Colombey-les-Deux-Églises, pour rejoindre la Bretagne, puis l’Angleterre, en emmenant avec elle sa fillette handicapée, sans savoir si elle va parvenir à retrouver son mari.”

Le film de Gabriel Le Bomin offre la vision d’un  homme de 50 ans, passionnément amoureux de sa femme, profondément attaché à sa famille. Yvonne était a mille lieues du cliché qui a figé l’épouse du général de Gaulle en une “Tante Yvonne”, austère, silencieuse, tout juste bonne à tricoter à l’ombre de son mari et à s’occuper de bonnes œuvres.  Con meme Yvonne est une épouse dévouée et a toujours soutenu Charles dans sa carrière militaire et politique.

Charles de Gaulle et yvonne« Je crois que mon grand-père était animé par un profond respect à l’égard des femmes, qu’il vouvoyait toutes à l’exception de la sienne », se souvient encore Anne de Laroullière. Mais il vouvoyait sa fille –ma mère– alors qu’il tutoyait son fils. J’ai le souvenir d’un homme attentionné, et drôle. Pour lui, une femme incarnait surtout la mère de famille, donc la succession, et l’Histoire. Avec ma tante, Anne, c’était autre chose. Il a été d’une patience infinie, lui chantant des chansons qu’il inventait pour elle. Il me les chantait aussi quand j’étais enfant. C’était un grand-père impressionnant bien sûr, mais plein d’humour, qui aimait plaisanter avec les enfants. »

 

 Un officier non conformiste

De Gaulle a à peine retrouvé les siens, en décembre 1918, qu’il est envoyé en Pologne pour participer à la formation de la nouvelle armée chargée de lutter contre l’Armée rouge.

A partir de 1919, la Pologne et la Russie bolchevique s’affrontent au sujet du tracé de nouvelles frontières entre les deux pays. La France, alliée de la Pologne envoie une mission militaire afin d’aider et d’instruire les officiers polonais. Le capitaine de Gaulle y séjourne d’avril 1919 à janvier 1921. Instructeur à l’Ecole d’infanterie, il assiste à l’été 1920, en tant que conseiller auprès d’un groupe de l’armée, à la bataille de la Vistule, et relate cette expérience dans son journal. Il reçoit la plus haute distinction militaire polonaise pour ses exploits.

Il revient en France en 1921.   Professeur à l’école de Saint-Cyr, il effectue un stage au régiment de dragons stationné à Paris, au régiment de chars à Satory, au régiment d’aviation au Bourget puis au régiment d’artillerie à Trèves.

Affecté au régiment d’infanterie, de Gaulle donne plusieurs conférences à l’École supérieure de Guerre sous l’autorité du maréchal Pétain.  Il publie ensuite deux articles dans la Revue militaire française : “Rôle historique des places françaises”  et “Doctrine a priori ou doctrine des circonstances”.   Selon ce dernier l’esprit français, estime-t-il, s’efforce constamment de construire une doctrine qui lui permette d’agir a priori sans tenir compte des circonstances.  Il préfère le chef qui apprécie les circonstances dans chaque cas particulier. Il y prend  le contre-pied des théories enseignées à l’École de Guerre.  Il fait preuve d’indépendance d’esprit et développe sa conception du chef militaire : il réfléchit à une réforme de l’armée et aux rapports entre le militaire et le politique.

De Gaulle travaille avec le maréchal Pétain comme assistant et il est promu par Pétain en 1925 à l’état-major du Conseil supérieur de la guerre. De 1927 à 1929, il sert comme major dans l’armée d’occupation de la Rhinlande et peut constater à la fois le danger potentiel d’une agression allemande et l’insuffisance de la défense française. Il se distingue par son commandement et par sa capacité à remonter le moral de ses hommes.

Plus tard, en 1929, il est envoyé dans un détachement à Beyrouth et en Syrie.  Il passe deux ans au Moyen-Orient, puis, en 1931, il rentre en France et travaille comme secrétaire à la Défense nationale. Il est promu lieutenant-colonel en 1932.

De Gaulle a eu plusieurs discussions avec Pétain tout au long de sa carrière. L’une d’entre elles tient au fait que Pétain est un défenseur de la cavalerie et de l’infanterie traditionnelle. De Gaulle pense au contraire que la guerre moderne se fera avec des chars et des manœuvres rapides. Ses idées sont largement ignorées par ses supérieurs.

De Gaulle et Petain
De Gaulle et Petain

En 1937, il est promu colonel et prend le commandement du 507e régiment de chars. Il se retrouve à travailler avec le maréchal Pétain mais les relations sont difficiles.  Il noue des contacts avec des personnalités importantes dont Paul Reynaud, qui deviendra président du Conseil pendant la Seconde Guerre mondiale.

Durant l’entre-deux-guerres, De Gaulle réfléchit à une réforme de l’armée et aux relations entre l’armée et le politique. Deux idées majeures sont développées dans les ouvrages qu’il écrit à l’époque : 1°) l’armée doit être soumise aux décisions des hommes politiques. 2°) il est nécessaire, pour la défense de la France, de constituer un corps de blindés (chars).  Parallèlement, il publie quatre ouvrage durant l’ensemble de la période.

 

Les livres ecrites par de Gaulle entre-deux-guerres :

Charles dG Discorde  Fil Le discorde chez l’ennemi (1924)

Dès la première phrase, de Gaulle invite son lecteur à “rendre à nos ennemis l’hommage qu’ils ont mérité par l’énergie des chefs et la gamme exceptionnelle des qualités guerrières dont ils ont fait preuve, d’un bout à l’autre du drame”.   Il critique ainsi implicitement la qualité des généraux français.

Pourtant, l’Allemagne a perdu la guerre et de Gaulle en rejette la responsabilité sur l’armée qui a pris la direction de la guerre à la place du pouvoir civil.  La gestion d’une guerre devrait être entièrement entre les mains du pouvoir politique, estime-t-il.

De Gaulle estime que les Allemands ont perdu en 1914-1918 parce que le général français Joffre était supérieur et parce que les Allemands se croyaient invincibles et n’ont même pas agi sur la base de bonnes informations obtenues par reconnaissance aérienne.  La leçon n’a pas été retenue, et ils ont subi un nouveau revers à Verdun en 1916.

La décision des Allemands de provoquer la Grande-Bretagne, autrefois amie, par des déclarations provocatrices et par leur programme de construction navale, constitue un désastre stratégique majeur. Après 1907, la Grande-Bretagne allait donc considérer l’Allemagne comme son ennemi le plus probable, renversant ainsi plusieurs siècles de coopération avec l’Allemagne et d’inimitié avec la France.

Pendant la guerre, l’armée allemande a pris la décision suicidaire de provoquer la déclaration de guerre des États-Unis.  Le chancelier allemand Bethmann Hollweg comprenait parfaitement les conséquences de la provocation des États-Unis, qu’il savait opposés à toute implication en Europe.

Le Reichstag et le Kaiser cèdent le contrôle de la guerre à la marine et à Hindenburg. Ce renoncement à la responsabilité politique a conduit au désastre final.  De Gaulle voit dans l'”effondrement moral” de l’État et de la population allemands le résultat de l’effondrement de son armée, mais les causes résident dans la défaite morale du pouvoir civil.

 Le Fil de l’épée, 1932

Apparemment impressionné par ce qu’il a lu dans Le discorde chez l’ennemi, que le capitaine de Gaulle lui a envoyé, le maréchal Pétain l’appelle au début de l’année 1925 et lui dit qu’il souhaite son aide pour écrire un livre sur la question de l’organisation de l’armée. De Gaulle est en effet appelé comme “le meilleur écrivain de l’armée” pour être “le porte-plume du grand chef”.  Une aide qu’il est difficile de refuser lorsque la demande émane du soldat le plus célèbre de France.

On lui donne tout ce qu’il peut raisonnablement demander, mais de Gaulle se lasse rapidement des conseils de Pétain pour le livre. Lorsque Pétain décide de reprendre le service actif pour supprimer une rébellion au Maroc en août 1925, de Gaulle est irrité et commente “Petain est mort en 1925, et il ne le savait pas”.

De Gaulle ne consulte ni Pétain ni le commandant en chef des armées de l’époque, Maurice Gamelin, lorsqu’il décide de publier ses propres opinions dans son livre de 1932 intitulé Le Fil de l’épée.  Ce livre est basé sur une série de conférences qu’il a données à l’Ecole de Guerre et constitue un résumé des vues de de Gaulle sur la nature du soldat, le thème du livre proposé avec Pétain bien sûr. La nature de ces conférences porte principalement sur le soldat idéal et s’attarde beaucoup sur le caractère, en particulier celui des chefs de guerre.

Nous avons vu le changement de son point de vue sur Pétain après 1925.  Bien qu’il ait dédié son livre au Maréchal, de nombreuses personnes ont remarqué une grande arrogance, voire de l’insolence envers son patron dans le livre. Il est écrit dans un style très classique, à tel point que de Gaulle a été décrit comme “le dernier écrivain français à écrire en latin”. Mais ses intentions sont très claires. Il utilisait la tribune de l’Ecole de guerre elle-même pour critiquer la direction de l’armée. Peut-être même disait-il que le chef de 1916 n’était pas adapté aux nouveaux défis des années 1930 ?

 Charles dG vers l'armee  la france Vers l’armée de métier, 1934

De Gaulle croit en une approche beaucoup plus radicale de la réforme militaire que Pétain. L’expérience de Pétain à Verdun lui a surtout appris les avantages d’une ligne défensive forte, sur laquelle, selon lui, tout ennemi peut être brisé. Telle avait été son expérience à Verdun en 1916. Et en 1916, il avait raison, même si son choix d’une version longue de la frontière s’est trouvé plus tard erroné.  La ligne Maginot, pratiquement achevée en 1939, n’était d’aucune utilité contre une attaque de blindés sur les flancs, comme de Gaulle s’en est rendu compte.

Il ne suffit pas non plus de s’appuyer sur les vieilles idées de la conscription qui ont fourni à la France ses vagues d’infanterie à Verdun et au-delà. En 1934, de Gaulle est convaincu qu’il faut une armée professionnelle. En suggérant cela, il se met en colère non seulement le Maréchal, mais aussi le général Gamelin.

De Gaulle préconise également le développement du char d’assaut et de l’aviation offensive au milieu et à la fin des années 1930.   Pour de Gaulle, il était devenu évident que les chars et les avions devaient être utilisés conjointement et en masse, ce qui impliquait également le contraire de la mentalité Maginot, c’est-à-dire un retour à la domination de l’offensive.

Cependant, comme de nombreux auteurs l’ont souligné, l’industrie française de l’armement n’était ni capable, ni souvent disposée à fournir l’équipement nécessaire.  Il était beaucoup plus rentable pour Citroën et Renault de produire des voitures de grande valeur que des prototypes de chars d’assaut. Les ministres français de l’Air d’avant 1940 n’ont pas réussi à convaincre le gouvernement de donner la priorité à la fabrication d’avions.

 La France et son armée, 1938

Contrairement à ses livres précédents, La France et son armée, de 1938, rend hommage à un héros français différent de celui du fil de l’épée, non pas Pétain, mais Charles Péguy.   Péguy était un “héros” intellectuel qui a été tué presque le premier jour de la Première Guerre mondiale et qui est cité par de Gaulle dans la dédicace : “Mère, voyez vos fils, qui ont tant combattu [pour vous]”.

Le livre est un hymne au métier des armes en France, qui remonte aux Gaulois. Si les écoliers français des années 1930 apprennent à connaître “leurs ancêtres les Gaulois”, de Gaulle met l’accent sur leurs compétences militaires.

Une fois de plus, la prose est l’équivalent linguistique des plafonds voûtés d’une cathédrale française. Le livre est un texte spécialisé, comme il était censé l’être, mais c’est aussi un appel aux armes et une exigence pour que la France soit fière d’elle-même.

C’est une condition dont de Gaulle et beaucoup d’autres, comme Gamelin, ont pu constater qu’elle n’existait pas en France à la fin des années 1930 et qu’elle était essentielle à la survie de l’Europe.   Il voyait à juste titre que “la France se voit dans le miroir de son armée”.

>Fin<

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Addenda, notes etc

Yvonne Vendroux adolescente
Yvonne Vendroux adolescente

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Anne était la petite protégée de Charles pour une raison particulière. Née le 1er janvier 1928, la famille de Gaulle se rend vite compte qu’elle ne grandira pas comme les autres car elle est atteinte de trisomie 21. Bouleversés, ses parents décident de la garder près d’eux. Un choix courageux, d’autant qu’à l’époque, les personnes handicapées sont souvent enfermées dans des centres psychiatriques.

Charles de Gaulle fait tout pour éveiller ses sens : il lui apprend à parler, lui lit des histoires et des comptines. “C’était quelqu’un de très croyant et je pense que cette enfant très spéciale l’a peut-être aussi aidé à se battre encore plus pour la France en ces temps difficiles”, explique Anne de Laroullière, fille d’Élisabeth de Gaulle.

Charles d.G.  et Anne
Charles d.G. et Anne

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Le Capitaine de Gaulle
Le Capitaine de Gaulle

1926 : Le Capitaine de Gaulle est affecté pour ordre à l’état-major de l’armée française du Rhin. L’année suivante, il est promu au grade de chef de bataillon et prend le commandement du 19e Bataillon de chasseurs à Trèves.

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L’unité du colonel de Gaulle est passée en revue

1939 : L’unité du colonel de Gaulle est passée en revue par Albert Lebrun, le président de la République  à Goetzenbruck.

Charles de Gaulle – sa vie 1890 – 1918

Charles de Gaulle : sa vie 1890 – 1918

Charles de Gaulle est né au 9, rue Princesse à Lille dans la maison de ses grands-parents maternels le 22 novembre 1890. Cette maison sera le lieu des réunions de famille pendant toute son enfance et sa jeunesse.

De Gaulle 7 ans et ses parents
De Gaulle 7 ans et ses parents

Henri de Gaulle, le père de Charles, est né à Paris en 1848. Sa jeunesse est marquée par la guerre de 1870 contre la Prusse, au cours de laquelle il combat et dont il garde un souvenir amer qu’il ne cesse d’évoquer à ses enfants. Père aimant et autoritaire, professeur de latin, de grec classique et de français, il s’investit dans l’éducation de ses enfants et constitue une véritable source d’inspiration pour Charles.

La mère de Charles, Jeanne Maillot, est née à Lille en 1860 et a grandi dans la rue Princesse, où elle a reçu une éducation stricte. Elle s’installe à Paris après son mariage avec Henri de Gaulle, mais garde des liens étroits avec sa famille et y retourne aussi souvent que possible. Cette mère douce apportera tout au long de sa vie un soutien stable à chacun de ses cinq enfants.

Charles De Gaulle 9 ans  soeur et 3 freres
Charles De Gaulle 9 ans soeur et 3 freres

Marie-Agnès, soeur de Charles racontait :  Mes frères et moi n’avons gardé que de bons souvenirs de notre enfance : nous n’étions pas très gâtés, mais nous étions heureux, parce que nous étions entourés de l’affection de nos parents et qu’eux-mêmes s’entendaient très bien. La paix régnait à la maison.

 

Du petit Lillois de Paris (selon CdG)

Toute ma vie, je me suis fait une certaine idée de la France. (…)

Cette foi a grandi en même temps que moi, dans le milieu où je suis né. Mon père, homme de pensée, de culture, de tradition était imprégné du sentiment de la dignité de la France. Il m’en a découvert l’Histoire. Ma mère portait à la patrie une passion à l’égal de la piété religieuse.

Mes trois frères, ma sœur, moi-même, avions pour seconde nature une certaine fierté anxieuse au sujet de notre pays. Petit Lillois de Paris, rien ne me frappait davantage que les symboles de nos gloires : nuit descendant sur Notre-Dame, majesté du soir à Versailles, Arc de Triomphe dans le soleil, drapeaux conquis frissonnant à la voûte des Invalides.

Rien ne me faisait plus d’effet que la manifestation de nos réussites nationales : enthousiasme du peuple au passage du Tsar de Russie, revue de Longchamp, merveilles de l’Exposition, premiers vols de nos aviateurs.

Rien ne m’attristait plus profondément que nos faiblesses et nos erreurs révélées à mon enfance par les visages et les propos : abandon de Fachoda, affaire Dreyfus, conflits sociaux, discordes religieuses. (…)

Adolescent, ce qu’il advenait de la France, que ce fût le sujet de l’Histoire ou l’enjeu de la vie publique, m’intéressait par-dessus tout. Adolescent, ce qui se passait en France, qu’il s’agisse de l’histoire ou d’une question de vie publique, m’intéressait par-dessus tout.  [Charles de Gaulle, Mémoires de guerre ]

Un jour, bien plus tard, le général De Gaulle offre à ses compagnons un rare aperçu de sa jeunesse passée :  “Quand nous étions enfants, se souvient-il, nous jouions souvent à la guerre. Mes frères prenaient des pays différents : Xavier avait l’Italie, Pierre l’Allemagne. Moi, messieurs, j’avais toujours la France.”

 

De Gaulle à l’ecole

A l’âge de six ans, il entre à l’école Saint-Thomas d’Aquin de la capitale. Pendant l’hiver, ses frères et sa sœur contractent la scarlatine. Pour éviter la contagion, Charles est envoyé chez sa grand-mère à Lille. Durant cette année scolaire, il apprend à lire avec Sœur Julienne à l’école des Sœurs de la Sagesse. De retour à Paris, il entre au collège des Jésuites de la rue de Vaugirard où son père est préfet des études et enseignant.

Jusqu’à l’âge de 14 ans, le jeune Charles reste un élève très moyen, à tel point que son père doit le menacer de sanctions s’il ne se montre pas studieux. Mais à l’âge de 15 ans, la situation change complètement : Charles décide de passer le concours d’entrée à l’école spéciale militaire de Saint-Cyr.

À l’âge de quinze ans, il a écrit un essai dans lequel il imaginait le “général de Gaulle” conduisant l’armée française à la victoire sur l’Allemagne ; il a écrit plus tard que, dans sa jeunesse, il avait attendu avec une certaine naïveté l’inévitable guerre avec l’Allemagne pour venger la défaite française de 1870.

“Il est soudain devenu un autre garçon”, se souvient sa sœur. Déjà lecteur vorace et doté d’une mémoire phénoménale, il est maintenant très motivé et devient rapidement le premier de sa classe dans pratiquement toutes les matières : Français, latin, histoire, géographie… Les mathématiques étant indispensables pour entrer à Saint-Cyr,  il devient même brillant dans cette matière.

En 1908, il entre au Collège Stanislas à Paris pour une année de préparation. Avec d’excellents résultats, il est admis à Saint-Cyr et commence sa carrière militaire.

De Gaulle College Stanislaus  1908
De Gaulle College Stanislaus 1908

Élève-officier

Dans une lettre à sa mère d’octobre 1910, il décrit sa première semaine à l’Ecole : « Nos journées sont mieux que remplies avec nos cours, nos études, nos exercices militaires, le cheval, la gymnastique, etc., et nous sommes, en dépit d’un an de régiment, un peu courbaturés par ces débuts très brusques d’occupation si diverses ».

De Gaulle passe quatre ans à étudier et à s’entraîner à l’académie militaire. Là-bas, et en raison de sa taille (196 cm), de son front et de son nez haut, il a acquis le surnoms de « la grande asperge » et « Cyrano ».

De Gaulle  St Cyr 1910
De Gaulle St Cyr 1910

Il a bien réussi à l’académie et a reçu des éloges pour son comportement, ses manières, son intelligence, son caractère, son esprit militaire et sa résistance à la fatigue. Cependant, il argumente souvent avec son commandant de compagnie et d’autres officiers, qu’il y a un manque de préparation à la guerre avec l’Allemagne.  Lors de sa remise de diplôme en 1912, son rapport de passage a noté qu’il était un cadet doué qui ferait, sans aucun doute, un officier exceptionnel. Il entre au 33e régiment d’infanterie de l’armée française, basé à Arras et commandé par Philippe Pétain.

Pendant son séjour à Arras, de Gaulle avait de bons rapports avec son commandant Pétain, avec lequel il partage un certain nombre d’idées sur les affaires militaires françaises. Ils partageaient tous deux l’opinion de nombreux jeunes officiers, selon laquelle les tactiques traditionnelles sont obsolètes et que la cavalerie ne sera plus utile à l’ère des mitrailleuses et du fil barbelé.

 

La Première Guerre Mondiale

La France, la Russie et la Grande-Bretagne affrontent une alliance entre l’Allemagne et l’Autriche-Hongrie.  La guerre offre De Gaulle la possibilité de développer sa carrière militaire et de prendre enfin sa revanche sur l’Allemagne.

Le 3 août ‘14, l’Allemagne déclare la guerre à la France et à la Belgique.  Dès le 5 août, le 33e régiment fait mouvement vers l’est de la France en direction de la Meuse. Le lieutenant de Gaulle note alors : « Adieu mon appartement, mes livres, mes objets familiers. Comme la vie paraît plus intense, quand peut-être tout va cesser ».

Le baptême du feu à Dinant, 15 août ’14 : Arrivé en Belgique le 13 août, le régiment marche sur Dinant. A l’aube du 15 août, la bataille est engagée. Pour le lieutenant de Gaulle, c’est le baptême du feu : « Une grosse satisfaction s’empare de moi. Enfin ! On va les voir ? ».  Promu chef de section, de Gaulle a participé dès le début à de violents combats.  Il est l’un des premiers blessés – par une balle dans le péroné.  Évacué vers l’hôpital de Charleroi, il est aussi soigné à Paris et à Lyon et ne retourne au front qu’en octobre.

À l’hôpital, il est devenu amer face aux tactiques utilisées et a parlé aux autres officiers blessés des méthodes dépassées de l’armée française. Après sa convalescence, le lieutenant de Gaulle rejoint le front de Champagne où son colonel, frappé par sa valeur, le choisit comme officier adjoint.

Revenu dans la Marne à l’automne ‘14, il est mis à la tête d’une compagnie. L’unité de De Gaulle a été reconnue pour avoir pénétré à plusieurs reprises dans le “no man’s land” pour écouter les conversations de l’ennemi dans ses tranchées.  Les informations qu’il apporte sont si précieuses qu’il a reçu une citation pour son courage et la Croix de Guerre en janvier ‘15.

Le 10 mars 1915, il est à nouveau blessé au combat, cette fois à la main gauche par l’explosion d’une mine. Cette blessure le rend invalide pendant quatre mois et l’obligera plus tard à porter son alliance à la main droite. Il retourne à nouveau au front et plus tard dans l’année, il est nommé Capitaine.

Ses lettres à ses parents racontent la vie misérable dans les tranchées : Nous vivons dans l’eau comme des grenouilles et pour l’éviter, nous devons nous coucher dans nos abris sur nos lits suspendus”.  L’année 1916 est marquée par la grande bataille de Verdun. En février, le 1er corps d’armée, auquel appartient le capitaine de Gaulle, y est envoyé.De Gaulle dans un tranche

Après le bombardement meurtrier de Douaumont, a Verdun, le 2 mars ‘16, sa compagnie est presque entièrement anéantie.  Lors de cette bataille, alors qu’il menait une charge pour sortir d’une position encerclée par l’ennemi, il a reçu un coup de baïonnette dans la cuisse, a été assommé par un obus et s’est évanoui à cause des gaz toxiques.

Ramassé par une patrouille ennemie après ce combat de Douaumont, l’un des rares survivants de son bataillon, le capitaine de Gaulle reprend connaissance dans un hôpital à Mayence avant d’être conduit en captivité au camp d’Osnabrück en Allemagne.  Commencent alors trente-deux mois d’une éprouvante captivité dans des camps de prisonniers de guerre allemand, où son traitement était satisfaisant.  Il était successivement à Neisse, Sczucsyn (Lithuanie), Ingolstadt, Rosenberg, Passau, Wülzburg et Magdebourg.

Prisonnier, de Gaulle relit les auteurs grecs et latins et organise des conférences historiques ou philosophiques pour ses compagnons. Il lisait des journaux allemands comme il avait appris l’allemand à l’école et avait passé des vacances d’été dans la région de la Forêt-Noire.   Il donnait des conférences sur son point de vue sur le déroulement du conflit à ses compagnons de détention. Elles sont prononcées avec un tel patriotisme et une telle confiance dans la victoire qu’on l’appelle « Le Connétable », le titre donné au commandant en chef de l’armée française sous la monarchie.De Gaulle  POW Poland

Interné à Ingolstadt, en Bavière, au Fort 9 réservé aux récidivistes de l’évasion et aux irréductibles, il partage sa détention avec le commandant Catroux et le futur maréchal Toukhatchevsky, et trouve dans la camaraderie son « meilleur réconfort ». Alors qu’il est prisonnier de guerre, de Gaulle écrit son premier livre, coécrit par Matthieu Butler, L’Ennemi et le vrai Ennemi, qui analyse les problèmes et les divisions au sein de l’Empire et des forces armées allemandes ; le livre est publié en 1924.

Mais le capitaine de Gaulle n’accepte pas son état de prisonnier et multiplie les évasions pour rejoindre le front. A cinq reprises, il s’évade, il est à chaque fois repris et a été transféré dans un établissement de plus haute sécurité et puni à son retour par de longues périodes d’isolement et le retrait de privilèges tels que les journaux et le tabac.  Mais s’évader pour reprendre le combat devient sa priorité. Au cours des conférences qu’il donne à ses camarades de captivité, il mêle à ses réflexions sur la guerre des conseils à peine voilés pour préparer une évasion.

Grâce à l’aide de la Croix Rouge, il peut recevoir des colis et correspondre avec sa famille. C’est dans ses lettres à ses parents qu’on peut relever sa profonde douleur d’être éloigné du champs de bataille et de ne pouvoir participer plus activement à la victoire.  Il parle constamment de sa frustration de voir la guerre se poursuivre sans lui, qualifie cette situation de “malheur honteux” et la compare à une tromperie.

Le 1er décembre 1918, trois semaines après l’armistice, il retourne chez son père en Dordogne pour retrouver ses trois frères, qui ont tous servi dans l’armée et survécu à la guerre.Charles de Gaulle retour en France 1918

 

Appendix :

La derniere de ses cinq evasions :   Dans un panier de linge sale.

En juillet 1918, de Gaulle s’évade une nouvelle fois. L’un de ses codétenus, Fernand Plessy, nous livre un récit détaillé de cette incroyable évasion : “De Gaulle comptait sur la fertilité de son imagination pour lui fournir un moyen de sortir par la porte… Son plan était simple.

Chaque semaine, un groupe de soldats français, escorté par deux sentinelles, descendait le panier à linge de Wülzburg à la blanchisserie de Weissenburg.  Le panier est assez grand pour contenir de Gaulle et ses longues jambes. Il est verrouillé, et seuls le garde et la blanchisseuse ont chacun la clé.  Mais manipuler les serrures est un jeu pour les professionnels de l’évasion. Le plus difficile est de sortir du panier sans être vu. De Gaulle se renseigne auprès des hommes de garde. Le délai qui lui est accordé semble suffisant.  Avec une bonne oreille et un peu de chance, il va réussir.

Le matin, tout se passe comme prévu.  Après avoir fermé la panier, l’officier partit à la recherche des sentinelles.  Son absence pouvait durer de cinq à dix minutes. Dès qu’il a disparu, le capitaine de Gaulle, accompagné de deux spécialistes, entre dans la pièce où les deux hommes de service attendent à côté de la corbeille. En deux coups de pointe, les “spécialistes” font sortir les gonds (hinge pins) de leur logement. La corbeille, ainsi ouvert, est rapidement vidé de son contenu, que les hommes de service emmènent à la buanderie.

Pendant ce temps, de Gaulle s’installe de son mieux dans la corbeille. Les “spécialistes ” referment le couvercle et remplacent les gonds de la porte par un câble d’acier souple, peint aux couleurs de l’osier. Ils font passer les extrémités de ce câble à travers la corbeille pour que, à l’intérieur, de Gaulle puisse les saisir et les assembler dans sa main. Puis les “spécialistes” disparaissent. Lorsque les hommes reviennent avec la charrette, les Allemands sont déjà arrivés.

Le chargement et le transport vers Weissenburg se déroulent sans incident. Le panier est déposé sans cérémonie dans le couloir de la blanchisserie, et de Gaulle attend le bon moment. Quand tout est redevenu silencieux, il tire sur l’extrémité du câble pour libérer les charnières (= hinges). Il soulève le couvercle sans difficulté et peut sortir de la corbeille sans être vu. Il se met immédiatement en route pour Nuremberg, où il a l’intention de prendre le train.

Son intention était en effet de prendre un train de nuit pour Aix-la-Chapelle, qui est toujours moins contrôlé que les convois de jour. Hélas, saisi d’une violente grippe intestinale, il a décidé de prendre le premier train sans attendre la nuit. Il voyage debout dans le couloir, avec un bandeau sur la bouche pour éviter de converser avec les voisins jusqu’au moment où deux policiers entrent dans le wagon. L’un se tient à une issue pendant que l’autre demande à chacun ses papiers. C’est ainsi que le fugitif est, une fois encore, repris et ramené à Wülzburg.

Chaque fois qu’il s’échappe, de Gaulle est puni de jours ou de semaines de prison, ce qu’il ne fera pas cette fois, l’Armistice étant signé avant l’exécution de sa peine. La nouvelle, tant attendue, de l’Armistice ne tarde pas à parvenir à Wülzburg.    Le soir même, de Gaulle disparaît.

P.S. Fait unique dans l’histoire, le 30 mars 1995, le conseil municipal de Weissenburg décide à l’unanimité de nommer une rue proche du chemin, emprunté par le fugitif dans son panier à linge sale, … Charles-de-Gaulle-Strasse !

[J. Harte  18 / 01 / 2023]

Addenda, notes etc

Renoir

Renoir –  sa vie   Pierre-Auguste Renoir était un peintre français.

Les premières années,  à Limoges

Voici la maison où est né Pierre-Auguste Renoir, à boulevard Gambetta,  en février 1841.  Il a passé là, les trois premières années de sa vie. Son père, Léonard, était tailleur et sa mère,  Marguerite, couturière. A cette époque, trois enfants précédaient Pierre Auguste. La vie était plutôt difficile. En ‘45, Renoir et sa famille s’installent à Paris dans le but d’améliorer la situation dans laquelle ils se trouvent.  Par hasard, la famille se retrouve dans la quartier du Louvre et des Tuileries. Finalement il y avaient six frères et sœurs, dont deux sont morts en bas âge, le seule drame qui vient perturber sa famille pauvre, mais entreprenante.  

 

En ‘48, a sept ans, Pierre Auguste fréquentait pour la première fois l’école, dirigée par les Frères des Écoles Chrétiennes. Il y apprend à lire, à écrire et aussi la musique.   Son frère cadet, Edmond Renoir raconte, que son goût pour un métier artistique se manifestait déjà. Il utilisait des morceaux de charbon pour dessiner sur les murs.  Il dessine très bien a l’ecole et il remplit de dessins ses cahiers de classe.  Il était très fort en solfège aussi et il est bientôt accepté dans la chorale de jeunes garçons de l’église Saint-Eustache, dirigée par Charles Gounod.    (voir Renoir mon père p. 21)

Selon Edmond, le jeune frère de Pierre-Auguste :  “Nous habitions rue d’Argenteuil, dans un appartement à peine assez grand pour nous sept. Par chance, une chambre mansardée au sixième étage de la maison était là pour mon frère et moi. Dans notre petite mansarde, nous étions maîtres, discutant jusque tard dans la nuit sans être interrompus par notre père.  Nous avions un fort désir de nous instruire ; les cours du soir sur toutes les matières, y compris le dessin, ne suffisaient pas, et des lectures sans fin s’y ajoutaient. Couchés dans notre lit, nous dévorions de vieux volumes une partie de la nuit.

Le goût d’Auguste pour le dessin s’est manifesté dès son plus jeune âge. Enfant, il volait des crayons de couleur à notre père qui était alors établi comme tailleur, rue de la Bibliotheque, près du Palais Royal. Plus tard, à l’école, il dessinait dans les marges de ses cahiers. L’instituteur, au lieu de le réprimander, supplia nos parents de ne pas s’opposer à ce garçon, et ajouta : ” Tout ce que je demande, c’est que vous me rendiez le cahier après. “

Mais il doit contribuer à l’entretien de sa famille. Ses parents décident de le retirer de l’école et, à 13 ans, il entre en apprentissage chez les frères Lévy dans un atelier de peinture sur porcelaine.  Pendant quatre années, il va peindre des fleurs, des bouquets et autres ornements sur des assiettes de porcelaine. Renoir y a travaillé jusqu’à la fermeture de l’usine en ‘58. Il n’existe que 6 ou 7 pièces de porcelaine de lui attribuées avec certitude. Cette saucière à manche latéral et sous-assiette est typique mais ce n’est pas ornementé par Renoir.

Il progresse rapidement et, après quelques mois d’apprentissage, on lui confie la tâche de peindre des pièces habituellement réservées aux ouvriers, ce qui lui vaut quelques commentaires ; on l’appelle en riant Monsieur Rubens et il pleure parce qu’on se moque de lui.

A la fin de la journée, armé d’un carton plus grand que lui, il partait prendre des cours de dessin gratuits. L’un des ouvriers de Lévy, Emile Laporte, pratique la peinture à l’huile pour son propre plaisir. Il a offert à Renoir l’usage de ses toiles et de ses couleurs. Et c’est ainsi que commence son premier tableau, montré très gravement à Laporte dans l’appartement de Renoir.

Edmond Renoir a raconté : « Je m’en souviens comme si c’était hier. J’étais encore un gamin, mais je comprenais bien qu’il se passait des choses graves. On avait placé le chevalet portant le fameux tableau juste au milieu de la plus grande chambre de notre modeste logement de la rue d’Argenteuil ; tout le monde était impatient et on m’avait dit d’être sage. C’était tout à fait solennel. Le maître arriva; sur un signe, je lui avançais une chaise devant le chevalet, il s’assit et se mit à regarder l’œuvre. C’était, je le vois encore, une Eve, derrière laquelle, le serpent s’enroulait autour des branches d’un chêne, et il avançait, la gueule béante, comme pour la fasciner.

L’examen dura un bon quart d’heure ; après quoi, sans autres commentaires, ce vieux homme s’avança vers nos parents et leur dit ces simples mots: « Vous devriez laisser faire de la peinture d’art à votre fils ; dans notre métier il arrivera à gagner douze ou quinze francs par jour. Je lui prédis une destinée brillante dans les arts : voyez ce que vous pouvez faire.»

En ‘58, les Frères Lévy doivent fermer parce que les procédés d’impression mécanique prennent le pas sur le travail manuel ; et, à 17 ans, Renoir doit chercher un autre travail.

Il entre alors chez M. Gilbert, il peint des fêtes galantes ou mythologiques à la manière de Watteau sur des stores et des éventails. Tout comme chez les frères Lévy, il est très apprécié par son employeur pour son travail remarquable de décorateur, mais il ne pense qu’à une seule chose: “Devenir un jour peintre”

 

Auguste Renoir était bien conscient du rôle que sa famille a joué dans son développement. Ce sont ses parents qui lui ont enseigné le respect du travail qu’il n’a jamais abandonné. Cependant, en plus de sa famille, Auguste Renoir avait un autre éducateur : Paris.  L’artiste, dans ses conversations avec Jean, son deuxième fils, évoquait sans cesse ces lieux parisiens, où il avait passé son enfance et sa jeunesse, et dont beaucoup avaient disparu sous ses yeux. On peut considérer comme un coup du sort, le fait que, après avoir quitté Limoges, Léonard Renoir et sa famille étaient venus s’installer près du Louvre. Construites au XVIe siècle pour les nobles de la garde royale, les maisons qui occupaient l’espace entre les palais du Louvre et des Tuileries avaient perdu leur ancienne apparence imposante au milieu du XIXe siècle. Peuplé de Parisiens ordinaires, ce quartier représentait un environnement particulier qui, d’une manière étrange, combinait le quotidien et le sublime.

Là, dans la cour du Louvre, le petit Renoir jouait aux « gendarmes et voleurs ». 

(voir  Renoir mon père P31 )

« Lorsque j’étais gamin, j’entrais souvent dans les galeries de sculpture ancienne, peut-être parce que je traversais les cours du Louvre tous les jours, que ces salles étaient d’un accès facile et qu’il n’y avait jamais personne. Je restais là, des heures à rêver…”, disait-il.

La sensation organique, presque physique, de faire partie de la ville, que Renoir avait déjà connue enfant, a déterminé sa future peinture.  Il a trouvé la beauté dans les rues étroites du Paris médiéval, dans l’architecture gothique, dans les femmes du marché qui ne portaient jamais de corsets. Et il a souffert de voir la destruction du vieux Paris, son Paris.

En ‘59, vraisemblablement, Renoir a travaillé quelque temps chez Gilbert, rue du Bac, où il a peint des stores en papier pour le marché parisien et en papier translucide qui servent de vitraux dans les chapelles primitives des missionnaires. Au cours de ces années, il achète tout le matériel de peinture à l’huile nécessaire à un usage professionnel et peint ses premiers portraits. Dans les archives du Louvre, on conserve l’autorisation de Renoir de copier des tableaux dans les salles du musée, datée de ‘61. En ‘62, Auguste Renoir réussit son examen d’entrée à l’Ecole des Beaux-Arts. En même temps, il fréquente un atelier libre où enseigne le professeur de l’Ecole des Beaux-Arts, Charles Gleyre.

Il avait le rencontre dans l’atelier de Gleyre de ceux qui allaient devenir ses meilleurs amis tout au long de sa vie et ses compagnons en art. Il remarque immédiatement dans l’atelier un grand jeune homme élégant, vraiment élégant.  C’est Frédéric Bazille. Il venait d’une famille riche, ses parents possédaient une propriété près de Montpellier et pouvaient lui donner assez d’argent pour louer un studio à Paris.

Mais plus important encore, ses parents connaissaient Edouard Manet, et Bazille rendait souvent visite au maître dans son atelier. “Vous comprenez, Manet est aussi important pour nous que Cimabue et Giotto le sont pour les Italiens, dit-il à Renoir. Parce que c’est la Renaissance qui arrive, et nous devons en faire partie. Bazille est le premier à appeler ses camarades à rejoindre un groupe.

Renoir ressent une affinité avec ces trois élèves : Alfred Sisley, Claude Monet et Frédéric Bazille. Les quatre étudiants rêvaient d’un art plus proche de la vie et libéré des traditions du passé.   Les idéaux partagés par les quatre jeunes hommes mènent rapidement à une forte amitié, et les premières œuvres de Renoir comprennent Frédéric Bazille, Le peintre Sisley et sa femme et Claude Monet dans son jardin à Argenteuil.

Au même moment, dans un autre atelier de l’Académie suisse, les jeunes artistes Paul Cézanne et Camille Pissarro sont préoccupés par les mêmes problèmes que Renoir et ses amis. Avec Bazille comme intermédiaire, les deux groupes se rencontrent fréquemment.

“Irrité par l’intrusion de Renoir, Manet aurait dit à Monet : “Il n’a aucun talent, ce garçon. Puisque c’est ton ami, tu devrais lui dire d’abandonner la peinture !”

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La femme du peintre : Aline Charigot et la maison Renoir à Essoyes

1880 : Auguste Renoir déjeune un jour à la crémerie où il prend souvent ses repas. À près de 40 ans, il commence enfin à se faire une place dans le monde de l’art : son tableau de Madame Charpentier et de ses enfants a fait un tabac un an plus tôt au Salon de ‘79, ce qui lui a procuré les revenus nécessaires ; et son autre travail, l’expérimentation de nouvelles techniques de peinture en pleine aire, marche bien aussi.

Il voit une jolie jeune femme entrer dans l’établissement avec sa mère. Il voit immédiatement en elle son type idéal : pas trop mince, des joues roses et une peau qui “prend la lumière”. Il se présente – il s’appelle Auguste Renoir – et lui demande si elle veut bien, être son modèle. …..

La jeune femme, Aline Charigot, âgée de 21 ans, était originaire du village d’Essoyes, dans le sud profond de la région de Champagne, près de sa frontière avec la Bourgogne. Elle avait commencé sa vie dans ce village en tant qu’enfant abandonnée : son père était parti de la maison une nuit avant qu’elle ait deux ans et n’était jamais revenu à la famille, laissant sa mère sans aucun moyen de subsistance. Incapable de payer le loyer ou de subvenir aux besoins de son enfant, la mère, comme tant d’autres femmes pauvres de la France rurale de l’époque, est partie à Paris pour gagner sa vie comme couturière, laissant Aline chez des parents. À 15 ans, Aline rejoint sa mère à Paris et commence à apprendre son métier. C’est alors qu’elle rencontre l’homme, l’artiste, qui va changer sa vie.

Aline accepte l’invitation à poser pour Renoir et peu après, ils deviennent amants. En 1885, leur premier enfant, Pierre, est né. Au fil des ans, Aline a fait deux demandes importantes à Renoir. La première est de rendre leur union légale par le mariage. L’autre est d’acheter une maison à Essoyes, le village où elle a grandi.  Il n’a pas d’objection à la première demande et le mariage est donc célébré, avril 1890.

Cependant, il était beaucoup moins enthousiaste à l’idée de passer beaucoup de temps si loin de Paris.  Mais les supplications d’Aline finirent par le convaincre, et ils louèrent d’abord une petite maison pour un séjour. Avec le temps, Renoir a commencé à aimer Essoyes.  Il peint des portraits de sa famille, des villageois, des paysages environnants. Depuis la fin des années 1880, elle commence à passer régulièrement les étés à Essoyes.

Ambroise Vollard, qui est devenu à la fois le marchand et l’ami de Renoir, a également reconnu l’importance de la manière dont Aline a apporté son soutien à l’artiste, à sa manière toute simple. “Je crois que, c’est en grande partie grâce à sa femme que Renoir a peint toutes ses merveilleuses natures mortes de fleurs”, a-t-il écrit. “Elle savait le plaisir qu’il éprouvait à peindre des fleurs. Alors elle en avait toujours dans la maison ..”

Jean Renoir a également vu à quel point sa mère était importante dans la vie de son père : “Avec sa compréhension intuitive et rustique, elle voyait que Renoir était fait pour peindre comme la vigne est faite pour produire du vin…” écrit-il.

 

Sa maison à Essoyes

En ‘96, les Renoir achètent la première maison qu’ils ont jamais possédée, en bordure d’Essoyes. Une maison à deux étages avec une cour ouverte sur la rue et un jardin spacieux à l’arrière de la maison, cette maison est devenue le centre de la vie domestique qu’Aline avait désirée et que Renoir appréciait quand il l’avait. L’Immobilier!]

La maison a été achetée par le couple pour une valeur de 4 000 francs. Renoir a réalisé plusieurs versions d’un même tableau intitulé Jeunes filles au piano, dont l’un a été acheté par l’Etat pour la somme de 4 000 francs, soit presque dix ans du salaire d’un ouvrier agricole. Dans la deuxième partie de sa vie, le peintre est reconnu, et peut vivre de son art.

Avec cet achat, Mme Renoir réalise son rêve d’acheter un pied-à-terre dans son village natal. Il s’agit au final d’un rez-de-chaussée avec les pièces à vivre, d’un premier étage avec les chambres de la famille, et de combles aménagés pour les chambres des domestiques. La tour, qui accueille l’escalier, est également une addition réalisée par la famille.

Ils continuaient à passer beaucoup du temps à Essoyes mais les deux Renoir sont morts sur la Riviera : Aline à Nice en 1915, et son mari à Cagnes-sur-Mer en 1919. Ils sont initialement enterrés la bas, mais leurs restes ont ensuite été ramenés à Essoyes pour y être enterrés, selon leurs souhaits.

Gabrielle Renard 

À l’aube de la cinquantaine, les œuvres de Renoir se vendent bien : il a atteint la respectabilité de la classe moyenne, une position qui lui déplaît, mais qui l’aimé sa femme. Lorsque leur deuxième enfant, Jean, est né en ‘94, ils ont pu engager une nourrice, et Aline, devenue Madame Renoir, l’a cherché dans son village natal. Elle trouva Gabrielle Renard, une jeune cousine vivant à Essoyes.

Comme Aline, Gabrielle n’a pas eu un départ facile dans la vie : Pour Gabrielle aussi, le lien avec Auguste Renoir allait devenir un moyen d’évasion : elle vivait avec la famille à Paris et à l’Essoyes, puis plus tard à Cagnes-sur-Mer, une ville tout pres de Nice où la famille passait l’hiver. Gabrielle est devenue l’un des modèles préférés de Renoir, le sujet des centaines de ses peintures et dessins, y compris certains de ses portraits les plus célèbres.  Elle était adorée aussi par Jean Renoir tout au long de sa vie.

Pour Jean Renoir, le deuxième fils, cinéaste, le temps passé à Essoyes devint une sorte de souvenir idyllique qu’il chérit toute sa vie. “Essoyes, où ma mère est née, est restée plus ou moins intacte”, écrira-t-il des années plus tard. “Il n’y a pas d’autre endroit comme lui dans le monde entier. J’y ai passé les meilleures années de mon enfance… Chaque été, nous y retournions. Ma mère invitait des amis et entourait Renoir de cette vie qu’il aimait tant…”

Les années suivantes

Renoir a sa première crise de arthrite rhumatoide en ‘94 et les crises deviennent de plus en plus fréquentes.  Bien qu’il aime maintenant être à Essoyes, le climat humide de la Champagne, avec ses hivers froids, n’est pas bon pour son cas de plus en plus grave d’arthrite rhumatoïde. En 1907, son médecin lui ordonne de déménager dans le sud de la France, et les Renoir trouvent une maison à Cagnes-sur-Mer, où la famille commence à passer ses hivers en 1908.

En 1910, Pierre Auguste n’est plus capable de marcher mais il ne cesse de peindre.  Malgré son malheur, les peintures de Renoir pendant cette période incarnent toujours une attitude joyeuse envers la vie. Ses thèmes deviennent plus personnels et intimes, se concentrant sur les portraits de sa femme, de ses enfants et de Gabrielle, sa bonne, qui pose souvent pour ses tableaux de nus. Ses natures mortes sont composées de fleurs et de fruits de son propre jardin, et les paysages sont ceux qui l’entourent. Les nus, en particulier, reflètent la sérénité qu’il trouvait dans son travail. Parmi les exemples de cette période figurent La famille de l’artiste et Jeune fille endormie. Il tente d’incarner son admiration pour la forme féminine dans la sculpture, avec l’aide du jeune Richard Guino. Renoir ne peut pas faire de sculpture lui-même, Guino devient, vers 1913, l’instrument adroit qui suit volontiers ses directives et réussit si bien que les œuvres ont toutes les qualités du style de Renoir.

Les dernières années

 Les Collettes, Cagnes-sur-Mer  –  Jean Renoir a écrit –  “Je ne vois jamais un oranger en fleur sans penser à Cagnes. Et penser à Cagnes, c’est immédiatement évoquer la figure de mon père. Car c’est là qu’il a passé le meilleur de ses dernières années… L’ombre portée des oliviers est souvent mauve. Elle est en perpétuel mouvement, lumineuse, pleine de gaieté et de vie. Si l’on se laisse aller, on a l’impression que Renoir est toujours là et que l’on va soudain l’entendre fredonner devant sa toile.”

 À la fin de sa vie, Renoir avait acquis un grand respect et une grande estime. Il est devenu une source d’inspiration pour une nouvelle génération d’artistes et a même obtenu l’approbation de l’État, qui lui a donné le titre de chevalier de la Légion d’honneur.

Quelques semaines avant sa mort, en 1919, Renoir réalise la véritable ambition de sa vie : voir ses œuvres accrochées au Louvre aux côtés des maîtres anciens. Il confesse humblement : “J’ai toujours contredit ceux qui m’appelaient un peintre radical. J’ai toujours pensé et je pense encore que je n’ai fait que continuer ce que d’autres ont fait, et beaucoup mieux, avant moi”.  

 

Son arthrite s’aggravant, à partir de 1908, Renoir passe les mois d’été dans le village d’Essoyes, en Champagne, la ville natale de sa femme Aline, et le reste de l’année dans sa maison des Collettes, à Cagnes-sur-Mer, faisant des voyages occasionnels à Paris pour voir des expositions et rendre visite à des amis.

C’est aux Collettes que Renoir a peint bon nombre de ses derniers chefs-d’œuvre. La ferme est devenue un lieu de rencontre pour ses collègues artistes, ses amis et ses admirateurs du monde entier. Son ami Rodin et des disciples plus jeunes comme Pierre Bonnard sont parmi ceux qui ont rendu hommage à Renoir dans ce cadre magique. 

Jean, le fils de Renoir, a été blessé pendant la Première Guerre mondiale. Il est retourné aux Collettes.   Il se rappelle comment les mains de son pere étaient terriblement déformées. Ses rhumatismes avaient rendu les articulations raides et avaient fait que les pouces étaient tournés vers l’intérieur de la paume, et les doigts pliés vers les poignets. Les visiteurs, qui n’étaient pas préparés à cela, s’exclament : “Ce n’est pas possible ! Avec des mains comme ça, comment peut-il peindre ces tableaux ? Il y a un mystère quelque part.” Le “mystère”, c’était Renoir lui-même” 

 

Lors d’une des visites du marchand d’art Ambroise Vollard aux Collettes en 1916, Renoir déclare : ” Je crois que cette fois j’ai le secret de la peinture ! … Quel dommage que chaque progrès ne soit qu’un pas vers la tombe ! Si seulement je pouvais vivre assez longtemps pour faire un chef-d’œuvre !”.  Au cours de ces dernières années, Renoir réalise une impressionnante série de paysages bucoliques et un tableau qu’il considère comme l’aboutissement de l’œuvre de sa vie : Les Baigneuses (1918-1919).

Pierre-Auguste Renoir – Filmé.  Un film fait par Sacha Guitry.  2mins59

Je n’aurais jamais imaginé voir un film de lui en train de peindre.  Sont également présents dans cette séquence Claude, le plus jeune fils de Renoir, âgé de 14 ans, qui se tient prêt, à disposer la palette et à placer le pinceau ou un cigarette dans la main de son père. Sacha Guitry, l’homme qui a réalisé ce film en 1915, apparaît au milieu du film, discutant avec l’artiste.

https://www.youtube.com/watch?v=vK12sFDOU54&list=RDLVDs8v50vHgj4&start_radio=1&rv=Ds8v50vHg

 

Aline Renoir est morte en 1915 après être revenue de Gérardmer, où elle était allée voir leur fils Jean, qui avait été gravement blessé à la guerre. Renoir survivait à sa femme de quatre ans.

Quelques mois avant sa mort, il a pu se rendre à Paris pour voir ses tableaux, comme Portrait de Madame Georges Charpentier, récemment acquis par l’État, accrochés au Louvre avec les maîtres anciens.  À cette occasion, plusieurs amis le conduisent pour la dernière fois pour voir les chefs-d’œuvre qu’il avait tant admirés dans sa jeunesse et qu’il a vénérés toute sa vie.

Aline, a décédée en 1915 à Nice et Pierre-Auguste en ‘19 dans sa maison de Cagnes-sur-Mer.  Ils reposaient à Nice jusqu’à ce que leurs corps soient ramenés à Essoyes en ‘22, selon leur souhait.

Le peintre y est enterré avec ses deux fils, Pierre et Jean, et la seconde épouse de Jean, Dido Freire. Aline repose, avec sa mère Thérèse Emilie Maire, son fils Claude et son petit-fils, Claude Junior.

Chaque sépulture étaient surmonté d’un buste en bronze sculpté par Richard Guino ;          Le buste d’Aline est aujourd’hui malheureusement disparu.

Quelque bon mots de Renoir.

“Une image doit être agréable, délicieuse et jolie – oui, jolie.

Il y a assez de choses désagréables dans le monde.”

 

La philosophie de vie de Renoir, relayée par Jean Renoir :

« Il faut se laisser aller dans la vie, comme un bouchon dans le courant d’un ruisseau »

Fin

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Quarter Column

Les éléments suivants peuvent être modifiés et adaptés

Auguste Renoir peintre (1841 – 1919)

Pierre-Auguste Renoir dit Auguste Renoir, né le 25 février 1841 à Limoges (Haute-Vienne) et mort le 3 décembre 1919 au domaine des Collettes à Cagnes-sur-Mer, est l’un des plus célèbres peintres français.

Membre à part entière du groupe impressionniste, il évolue dans les années 1880 vers un style plus réaliste sous l’influence de Raphaël2. Il a été peintre de nus, de portraits, paysages, marines, natures mortes et scènes de genre. Il a aussi été pastelliste, graveur, lithographe, sculpteur et dessinateur.

Peintre figuratif plus intéressé par la peinture de portraits et de nus féminins que par celle des paysages, il a élaboré une façon de peindre originale, qui transcende ses premières influences (Fragonard, Courbet, Monet, puis la fresque italienne). Pendant environ soixante ans, le peintre estime avoir réalisé à peu près quatre mille tableaux.

Enfance et premiers apprentissages

Pierre-Auguste Renoir, dit Auguste Renoir, naît à Limoges en 1841. Son père, Léonard Renoir est tailleur, sa mère, Marguerite est couturière. La famille vit alors assez pauvrement. En 1844, la famille Renoir quitte Limoges pour Paris, où le père espère améliorer sa situation. Ils s’installent au 16 rue de la Bibliothèque mais doivent déménager en 1855 au 23 rue d’Argenteuil. Pierre-Auguste y suit sa scolarité.

À l’âge de 13 ans, il entre comme apprenti à l’atelier de porcelaine Lévy Frères & Compagnie pour y faire la décoration des pièces. Dans le même temps, il fréquente les cours du soir de l’École de dessin et d’arts décoratifs jusqu’en 1862. À cette période, il suit des cours de musique avec Charles Gounod qui remarque cet élève intelligent et doué.

Débuts dans la peinture

En 1858 à l’âge de 17 ans, pour gagner sa vie, il peint des éventails et colorie des armoiries pour son frère Henri, graveur en héraldique. En 1862, Renoir réussit le concours d’entrée à l’École des beaux-arts de Paris et entre dans l’atelier de Charles Gleyre, où il rencontre Claude Monet, Frédéric Bazille et Alfred Sisley. Une solide amitié se noue entre les quatre jeunes gens qui vont souvent peindre en plein air dans la forêt de Fontainebleau.   Voir :  https://fr.wikipedia.org/wiki/Auguste_Renoir

A partir de 1864, il expose ses premières toiles aux Salons officiels puis participera au Salon des Impressionnistes en 1874 en présentant son tableau, “Le Bal du moulin de la Galette”. Changeant plus ou moins de style à chaque décennie, s’approchant puis s’éloignant des Impressionnistes, Renoir connaît le succès à partir des années 1890, alternant portraits, nus et natures mortes. Jusqu’à sa mort en 1919, Auguste Renoir a continué de peindre malgré des crises de rhumatismes articulaires qui lui déformaient de plus en plus le corps et le paralysaient.      

voir :  https://www.radiofrance.fr/personnes/auguste-renoir?p=2

Video :    https://www.youtube.com/watch?v=XMa9-u7-izU

Audio :  https://www.radiofrance.fr/franceculture/jean-renoir-si-l-on-pouvait-caracteriser-auguste-renoir-il-faudrait-employer-le-mot-de-pudeur-4936829

https://www.rivagedeboheme.fr/pages/arts/peinture-19e-siecle/auguste-renoir.html

 

 

 

Marguerite Duras et L’Indochine

L’INDOCHINE DANS L’ŒUVRE DE MARGUERITE DURAS

0 . . . Une Introduction :

0.1 L’Indochine Francaise était composée des trois pays qui s’appellent aujourd’hui le Vietnam, le Cambodge et le Laos.  Marguerite Duras est née la-bas, partant pour la France à l’âge de 18 ans. Après ses études universitaires à Paris, elle est employée par le ministère des colonies.

0.2 – Dans son œuvre textuelle, on trouve bien sûr de la fiction littéraire mais aussi un livre contenant de la propagande officielle.  Ce dernier s’appelle L’Empire français, un livre de 230 pages écrit par Marguerite Duras en collaboration avec Philippe Roques et publié en ‘40.  Cet ouvrage a été commandé par le ministère des Colonies, et contient le discours colonialiste officiel de l’époque.  L’objectif du texte était “d’apprendre aux Français qu’ils disposaient d’un immense domaine outre-mer”.  Aussi, face à la menace d’une invasion allemande, la France possédait dans les colonies des “forces jeunes et fraîches”.  Des années plus tard, Duras elle-même dénoncera ce livre comme “une erreur de jeunesse “.

0.3 -Ses textes de fiction qui se rapportent à l’Indochine, se composent principalement de trois livres : Un Barrage contre le Pacifique (1950), L’Amant (‘84) et L’Amant de la Chine du Nord (‘91). Dans ce “Cycle indochinois”, on raconte trois fois la vie d’une famille pauvre de colons français à l’apogée de l’empire c.1930.   La géographie, la campagne, la ville et les villages, les forêts et les montagnes, les océans et les rivières, le climat, les moyens de transport et la société coloniale de l’Indochine constituent le cadre du drame familial.   Quelle représentation de l’Indochine coloniale d’avant-guerre est constituée par ces textes ?   Et quels contrastes entre le livre de la propagande officielle de l’Empire français et les œuvres de fiction ?

0.4 – L’Indochine française, est une construction de la puissance coloniale française. Cette vaste zone de 740 000 km carrés située entre l’Inde et la Chine était une société multi-ethnique, avec beaucoup de formations politiques précoloniales, qui était depuis longtemps sous l’influence de la Chine.  Ainsi, avec l’affixe “français” disparaît toute trace symbolique des civilisations précoloniales.

1 . . .  l’Empire Français :

1.1 – Dans la propagande de l’Agence générale des colonies, on retrouvera un présentation séduisante de l’œuvre coloniale, comme L’Empire français de Marguerite Duras et Philippe Roques. Mlle Duras est appelée en ‘39 par le ministre Georges Mandel pour écrire l’Empire Français.  Duras s’engage dans cette tâche en collaboration avec son supérieur Philippe Roques, qui corrige et réécrit.  On peut se demander dans quelle mesure le contenu pro-colonial de  ce livre correspond aux convictions personnelles de Duras.   Dans le chapitre consacré à “L’Indochine, carrefour des peuples”, plusieurs motifs thématiques et éléments géographiques évoqués avec admiration dans ce chapitre reviendront dans son roman “Le Barrage .. ” avec des connotations bien différentes.

1.2 – Quelle est donc la représentation de l’Indochine, ce pays que Duras connaît bien depuis son enfance ?   Le ton de ce chapitre est nettement plus créatif et admiratif que les chapitres précédents, qui traitent d’autres parties de l’Empire français. La géographie, les habitants et les villes de la péninsule sont décrits dans un langage, inspiré par “sa position admirable au centre de la mer de Chine et, au-delà, sur le Pacifique, […] ” Les mots faisant référence aux grands fleuves indiquent la beauté et la violence de ces voies d’eau.  Les grandes plaines fertiles ont toujours attiré “les marées du genre humain”. Les crues fréquents fertilisent le sol, et toutes les matériaux que le fleuve se déposent se transforment en terre fertile. Cependant, pour rendre pleinement cultivables les terres salées du Cambodge, proches de la mer, il faudra “attendre quelques centaines d’années”.  C’est la réalité bien connue de Marguerite car elle a été élevée là-bas pendant quelques années.

1.3 – Les populations ont également été décrites : l’Annamite, qui vivait au Vietnam du nord, avait le goût de la vie sédentaire, calme et assuré, une vie de fonctionnaire lui convient bien. Il laisse le monopole du commerce aux Chinois. Le paysan annamite est conservateur, bon travailleur et épargne l’argent qu’il gagne. Longtemps sous l’influence de la culture chinoise, les Annamites ont hérité du goût de la musique, de la belle littérature et des mots éloquents. Il ne fait donc aucun doute que la place de l’Annamite est au sommet de l’échelle des races indigènes. Les Cambodgiens manquent de culture intellectuelle, mais ils sont passionnés de musique et de danse.  Leurs villages sont pauvres et paisibles comme les habitants. Les Laotiens sont insouciants et indolents, gais et hospitaliers.  Derrière cette description de la passivité des Indochinois, on reconnaît la stratégie d’un discours colonial visant à justifier la nécessité de guider, protéger et civiliser ces peuples colonisés.

1.4 – Saigon, ville de grande importance dans les romans du ” cycle indochinois “, n’est décrite dans l’Empire que par quelques détails : “Construite sur une vaste échelle, composée de villas et de jardins, entrecoupée de larges avenues rectilignes. Cholon, banlieue de Saigon, “véritable ville dans la ville, peuplée de 150 000 Chinois” est présentée comme un site touristique attractif avec ses “immeubles-restaurants”, création de la Chine moderne, ses boutiques de soie et de jade, le vacarme de ses rues et ses fêtes nocturnes.”

1.5 – Duras décrit l’Indochine comme “la plus belle des colonies françaises”.  Tout en faisant l’éloge de l’œuvre coloniale de la France en Indochine, elle omet de mentionner que les années ‘30 ont été une période turbulente dans la colonie.  Cette période a été marquée par des mouvements nationalistes, des manifestations paysannes, des châtiments brutaux infligés aux insurgés, la répression des étudiants vietnamiens, le communisme naissant et de mauvaises récoltes de riz, même la famine.

1.6 – Comment comprendre que Duras ait voulu collaborer au projet de propagande du ministre des Colonies.  Il faut se rappeler qu’elle avait 25 ans à l’époque, et qu’elle a reçu son éducation formatrice dans les écoles françaises d’Indochine. Cette commande était aussi un moyen de subsistance, un tremplin pour l’avenir, peut-être, à une époque où il n’était pas facile de trouver du travail.

 

2 . . . Un barrage contre le Pacifique :

2.1 – Le “Cycle indochinois” est souvent lu comme un récit autobiographique de l’adolescence de Marguerite Duras en Indochine. Cependant, le nom de la protagoniste est Suzanne, et non Marguerite, la mère du livre meurt à la fin, mais la mère de Marguerite est restée en vie.  Il y a un ou deux frères dans les livres et les noms changent.  Il est mieux de lire les livres comme des romans.

2.2 – Duras a commencé à écrire Un barrage en ‘47.  C’est l’année de la décolonisation de l’Inde et, en Indochine, les nationalistes en Vietnam sont en guerre contre la France depuis ‘46. La France veut rester une puissance coloniale.  Marguerite Duras, qui a participé à la Résistance française, était toujours membre du parti communiste.  Même lorsqu’elle a quitté le parti plus tard, elle a déclaré : “Je reste profondément communiste, je ne vois pas comment je pourrais être autrement ». Le Barrage est une violente dénonciation des effets et des abus de la colonisation en Indochine et contient des allusions à une possible future révolte des populations colonisées.

2.3 – Le livre raconte l’adolescence en Indochine coloniale d’une jeune Française, Suzanne, dans une famille composée de sa mère veuve et de son frère aîné, Joseph. Il est divisé en deux parties. L’action de la première partie se déroule dans la plaine de Kam au Cambodge, où la mère a acheté un terrain au cadastre français, près de la piste entre deux villes Ram et Kam, qui mène à la capitale, distante de huit cents kilomètres. La seconde partie est principalement située dans cette ville qui semble être Saigon, la capitale de la Cochinchine, un partie du Viet Nam aujourd’hui.  Le passage entre un milieu rural et un milieu urbain nous donne une perspective plus large sur cette colonie française.  Les personnages du livre rendent visible le régime colonial.

2.4 – Peu à peu, nous faisons connaissance avec la mère, Suzanne et Joseph, une famille qui appartient à cette strate surnommée « les petits blancs ».  Les parents de Suzanne ont cherché des postes d’enseignants en Indochine après avoir été séduits par la propagande coloniale – comme celle à laquelle Duras elle-même avait contribué.  La famille vit dans une plaine de marais salants au Cambodge, au bord de la mer de Chine, qui fait partie de l’océan Pacifique.    La mère avait acheté le terrain aux autorités coloniales pour y planter du riz.  Comme elle n’a pas payé de pot-de-vin, personne ne lui a dit qu’elle serait inondée d’eau salée chaque année.  Donc ses économies de dix ans se noyaient.

2.5 – Elle décide alors de construire un barrage pour bloquer l’océan.  Dans ce projet insensé d’arrêter les vagues de l’océan afin d’obtenir des terres cultivables pour elle-même et les paysans de la plaine, la mère se révèle séduite par l’idée coloniale de la mission civilisatrice. Elle avait prêché aux paysans que “tout le monde serait riche, ou presque. Les enfants ne mourraient plus. Nous aurions des médecins » .   En fait, lorsque les barrages se sont effondrés, les paysans sont retournés à leurs villages et à leur passivité.   Les enfants avaient continué à mourir de faim.    Ces enfants étaient comme les pluies, les fruits, les inondations. Ils arrivaient chaque année, par marée régulière, ou comme la récolte.  Cela se passait régulièrement, à un rythme végétal.  Un grand nombre mouraient chaque année, surtout du choléra.

2.6 – La seule solution que la mère imagine pour elle et ses deux enfants est de trouver un riche mari pour Suzanne. Et ce nouveau projet sera baser sur un certain M. Joe.  Suzanne a dix-sept ans, son frère est un peu plus âgé qu’elle. Ils s’ennuient dans cette plaine, et décident d’aller à Ram dans la vieille Citroën de Joseph.  Le texte de Marguerite Duras fait passer le lecteur de la plaine à cette petite ville coloniale endormie où le père Bart sert le pernod aux officiers de marine et aux trois fonctionnaires des postes. Le père Bart était devenu riche et obèse, en buvant et en faisant de la contrebande.  Il avait adopté un enfant de la plaine qui l’aidait à la cantine. Sa contrebande est devenue ” légale ” car ” cette action généreuse lui assurait une parfaite tranquillité dans son activité de contrebande “.

2.7 – Ils rencontrent M. Joe à Ram, avec sa magnifique limousine et son diamant.  M. Joe, est le fils unique d’un riche spéculateur immobilier et planteur de (rubber) caoutchouc, qui a fait sa fortune en Indochine. M. Joe s’intéresse à Suzanne, qui est intéressée un peu. La mère voit en lui le riche mari, qu’elle espère pour sa fille et pour ses finances.   M. Joe apporte trois bagues en diamant au bungalow, Suzanne en choisit une que M. Joe veut bien laisser là, comme appât. La mère rêve toujours d’un mariage avec M. Joe pour sa fille, un mariage impossible, selon le père de M. Joe, car le père pense que sa fortune exige une femme riche pour son fils.

2.8 – La famille représente les colonisateurs qui n’ont pas trouvé la fortune promise par la propagande coloniale. Pourtant, la mère présente une image du colonisateur idéal, du bâtisseur colonial – en elle, deux des trois éléments du discours colonial de Jules Ferry sont réunis : la vision économique du développement et la vision humanitaire et civilísatrice.  Elle marche devant les paysans sans tenir compte de leur expérience ou de leur voix. En tant qu’institutrice d’enfants indigènes, elle leur inculque la culture du colonisateur. Néanmoins, tout en regardant les paysans comme des masses d’hommes anonymes et passifs, elle réalise que leur misère leur avait donné l’habitude d’une passivité, qui était leur seule défense face à leurs enfants affamés ou à leurs récoltes brûlées par le sel.

2.9 – Il y a une forte ambiguïté dans la situation et le comportement de la mère. Elle est à la fois dominée et dominante. Elle a enfin compris que sa misère venait des crimes et de la corruption de l’administration coloniale et elle explique même aux paysans comment l’exploitation forcée de leurs terres a profité aux Chinois et aux Blancs. Mais les concessions vendues aux colons blancs, et donc à la mère, étaient aussi le résultat de l’expropriation des terres indigènes. La richesse rêvée de la mère reposait également sur l’accès à une main-d’œuvre indigène abondante.

2.10 – La mère avait pris un caporal sourd et sa femme avec elle par pitié, et pour tous les services qu’ils lui rendaient. La grande joie du caporal était de servir comme radiateur et comme phare sur la Citroën de Joseph.  L’histoire du caporal et de sa femme illustre la réalité de la construction du réseau routier en Indochine comme l’une des manifestations du développement de la colonie.  Le caporal avait travaillé pendant six ans sur la piste de Ram à Kam.   Il avait été battu et enchaîné et sa femme qui l’avait suivi avait été violée.

2.11 – Lorsque le projet de marier Suzanne à M. Joe n’a pas abouti, ils sont tout de même très heureux d’avoir son diamant. Pour Suzanne, le diamant signifie le succes de son rêve d’échapper des plaines et d’aller à la grand ville.   Là, Suzanne va se promener, toute seule, libre et sans la surveillance de sa mère. C’est au cours de ces promenades qu’elle prend conscience de sa place dans la société coloniale en tant que femme blanche, jeune et pauvre. C’est à travers ses observations de l‘urbanisme colonial qu’elle prend conscience d’un monde colonial et patriarcal divisé selon des critères de race, de classe et de sexe.

2.12 – Le narrateur nous invite à découvrir avec Suzanne la grande ville aménagée selon l’idéologie coloniale du début du 20e siècle.  La séparation raciale entre Blancs et indigènes est “comme dans toutes les villes coloniales”, tout comme la division en différents quartiers pour les Blancs très riches et les moins riches.   Dans la ville, Suzanne se regarde à travers les yeux des Blancs du quartier supérieur.  Elle a l’air indigne, un regard qui semble dire « d’où vient cette malheureuse, égarée sur nos trottoirs » ?  Elle n’avait pas le droit de marcher sur les trottoirs du haut quartier.

2.13 – Retour à la plaine et à la lettre au cadastre :  Avec l’argent obtenu grâce au diamant, la mère se rend à la banque pour payer une partie de ses dettes, et pour demander un nouveau prêt.  Ses demandes sont refusées par les banques.  Après le retour, elle prend de plus en plus de pilules et dort presque toute la journée.

2.14 – Une nuit, elle commence à écrire une dernière lettre à l’agent du cadastre de Kam. La lettre est donnée à Joseph pour qu’il l’envoie.  Joseph l’a fait lire à Suzanne.  Dans la lettre, elle demande à nouveau une concession définitive des cinq hectares cultivables qui entourent son bungalow, le reste de la concession étant incultivable à cause des marées salines annuelles. Elle répète qu’elle sait que, déjà avant elle, quatre pauvres qui n’avaient pas les moyens de corrompre le cadastre, ont payé cher la concession incultivable qu’ils ont dû quitter. La mère ne se voit pas seule :  elle a écrit ” Je vous dirai toujours ce que vous m’avez fait, ce que vous faites tous les jours aux autres”.

2.15 – Puis, dans un élan presque révolutionnaire, elle menace d’utiliser les paysans comme témoins. Elle expliquera aux paysans “la vérité” de la mort de leurs enfants : « Pourquoi il n’y a pas de médecin, pas de poste de santé ?  Pas une seule vaccination ?”  La vérité ferait réagir des centaines de paysans et “j’en connais qui se frottent les mains par anticipation à l’idée qu’un jour d’inspection ils pourraient vous tuer, vous les trois agents de Kam”.  C’est le spectre de la révolution que la mère évoque lorsqu’elle lance son “J’accuse” et sème le doute sur la réalité de l’idéologie coloniale de la France. Mais la lettre n’a jamais été envoyée.

  1. Postscript.

3.1 – Pour finir – un mot de Marguerite Duras : Moi, je n’ai pas de pays natal ; ..mais le pays où j’ai vécu c’est l’horreur. C’était le colonialisme …

3.2 – Finalement un mention de les deux autres livres de la Cycle Indochinois:   Même si dans L’Amant et dans L’Amant de la Chine du Nord le cadre principal de l’action est encore l’Indochine coloniale des années ’30 on n’y trouve pas, comme dans Un Barrage contre le Pacifique, une critique explicite et virulente du système colonial. Si le colonialisme dans Un barrage contre le Pacifique est vu à travers une perspective de classe dans une interprétation marxiste, L’Amant et L’Amant de la Chine du Nord montrent la colonie dans une autre optique. La relation amoureuse de la jeune fille française avec un Chinois est étudiée comme une transgression des convenances sociales, morales et raciales.

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  1. Addendum – un bilan

4.1 La représentation de l’Indochine française dans Un barrage contre le Pacifique.

Marguerite Duras quitte l’Indochine, son pays d’enfance et d’adolescence, en ‘31 pour s’installer en France. En ‘47 elle se met à écrire Un Barrage qui paraît en ‘50, vingt ans après avoir quitté l’Indochine pour ne jamais y retourner.  L’éloignement – géographique, temporel et mémoriel – l’expérience de la guerre et son engagement politique dans le Parti communiste ont certainement influencé sa représentation de la colonie.

4.2 – En ‘47 Jean-Paul Sartre proclame sa foi en une « littérature engagée ». Duras a côtoyé le milieu de Sartre et de Beauvoir sans nouer de liens très amicaux avec ces derniers, mais on peut croire que la théorie de la littérature engagée a influencé Duras comme bien d’autres intellectuels.

4.3 – Le poste d’attente de Suzanne à l’ombre du pont près de la piste dans la plaine est  « stratégique » et politique : de là elle observe l’oppression coloniale d’en bas, de là elle observe les enfants de la plaine se noyer dans l’eau boueuse, jouer et mourir de faim, de maladies, ou être écrasés par les automobiles des Blancs sur la piste. De là elle entend la mère hurler ses accusations contre la corruption des représentants de l’Administration coloniale, de là elle observe la mère dans ses efforts de construire des barrages contre l’océan, de là elle observe Joseph et ses efforts de sauver le cheval moribond qui était son espoir d’établir un système de transport.   Et c’est aussi là qu’elle lit la lettre de la mère à l’Agent du cadastre, une lettre qui est une dénonciation des promesses fausses des affiches coloniales et de toute la rhétorique coloniale de mission civilisatrice et de progrès pour la population colonisée.

4.4 – Suzanne ne pas vu d’autre moyen de sortir de la plaine que de trouver un mari – mais même dans cette colonie avec une petite minorité de blancs, l’homme blanc et riche ne peut pas se marier avec une fille pauvre.  Con meme, avec le diamant, la famille part à la ville pour le vendre, et Suzanne est libre à quitter son poste d’attente dans la plaine et découvrir la ville coloniale. Dans ces promenades elle découvre les conventions et les exclusions inhérentes à la colonisation – classe, race et sexe sont les dimensions qui déterminent sa place dans la colonie.

4.5 – C’est par la voix d’un Joseph agitateur que semble venir une sortie de ces cercles : la révolution. Joseph assume à la fin du roman un rôle » proto-revolutionnaire » en exhortant les paysans à la révolte contre les agents du cadastre. Même si le livre ne peut donner aucune allusion à la guerre d’indépendance des années ‘50, le geste de Joseph en est tout de même un présage. Dans Un Barrage, l’Indochine, la plus belle des colonies françaises, est une colonie moribonde et décadente. Les Blancs de la ville sont dépeints dans un état de décadence physique et morale, bien loin de l’idéal. L’image de l’Indochine dans Un Barrage est un contraste de l’image d’Eden présentée par les affiches de propagande coloniale.

4.6 – La mise en valeur des territoires colonisés et la mission civilisatrice motivent la mère, bien qu’elle soit située au plus bas de la hiérarchie des colonisateurs. L’achat de la concession est fait dans le double but d’enrichir sa famille et de distribuer une partie du profit aux paysans en établissant une sorte de ferme coopérative. Le visage « humanitaire » de la mère voile tout de même l’inégale relation entre la mère qui, pareille à un chef d’entreprise capitaliste et paternaliste, dirige la masse des paysans indigènes.

4.7 – Dans L’Empire Français les paysans sont caractérisés par leur passivité, leur indolence, leur calme et leur insouciance. Ces stéréotypies et traces de préjudice racial du discours colonial sont retenus dans Un Barrage:  D’abord parce que depuis des millénaires que la mer envahissait la plaine ils n’auraient jamais imaginé qu’on pût l’empêcher. Leur misère leur avait donne aussi, l’habitude d’une passivité.

4.8 – Cependant, c’est aux paysans indigènes que Joseph, avant de partir de la concession et en leur laissant ses fusils, propose le rôle de révolutionnaires en leur incitant à assassiner les agents du cadastre. Une allusion à une révolte future par les centaines de milliers d’indigènes travaillant dans les plantations à caoutchouc au profit des colonisateurs blancs est transparente dans le passage suivant :  Le latex coulait. Le sang aussi. Le sang se perdait. Mais le latex seul était précieux, recueilli,  et, recueilli, payait. Le sang se perdait.

4.9 – De ‘47 à ‘50 qui est la période d’écriture d’Un Barrage contre le Pacifique, Duras était encore membre du Parti communiste. Son intérêt pour l’analyse marxiste transparaît dans le portrait de l’Indochine et du système colonial, avec la division et la ségrégation raciale entre colonisateurs et colonisés, l’existence d’une classe de petits colons blancs méprisés, l’oppression, l’exploitation et la misère des paysans et des travailleurs indigènes.

On pourrait aussi lire Un Barrage comme une façon de s’excuser pour la propagande coloniale exprimée par l’auteur dans L’Empire Français.

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J’utilisait un thèse de Bodil Prestegaard pour aborder et inspirer cette exposé pour un groupe d’étude de retraités.

Les autres ressources utilisées comprennent :

 

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Moi, je n’ai pas de pays natal ; je ne reconnais rien ici autour de moi, mais le pays où j’ai vécu c’est l’horreur. C’était le colonialisme et tout ça, hein ?
Marguerite Duras dans Les Parleuses (1974:136)

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Je suis quelqu’un qui ne sera jamais revenu dans son pays natal », dit Marguerite Duras dans La Vie matérielle

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Il est d’ailleurs intéressant de noter qu’un article paru fin mars 2009 dans Le Monde informe qu’en 2009 « A Prey Nup, un système de digues, de vannes et de canaux permet de réguler l’irrigation et de bloquer l’eau de la mer. La mère de Marguerite Duras en avait rêvé. Dans le sud du Cambodge, les polders de Prey Nup sont désormais convertis en rizières. » Dix ans d’efforts conjoints entre des ONG françaises, les pouvoirs publiques cambodgiens et l’Agence française de développement ont abouti à ce développement – mais »La réussite des polders de Prey Nup, c’est que les gens peuvent se gérer eux-mêmes, en coopération. Le grand pari, c’est que ça dure.». « Voilà comment les barrages contre le Pacifique sont en train de devenir une réalité, pas loin d’un siècle après avoir été’ le rêve fou’ d’une institutrice éprise de justice et de revanche sociale »

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Quelques Airs Irlandais

EASTER SNOW
Source: Stanford/Petrie – Complete Collection, No. 1123 (1905)

The air : Easter Snow may have been composed by blind piper, Jimmy Fallon from Dysart in south Roscommon around the end of the 1800s. Caoimhin Mac Aoidh explains the title is an English version of the Gaelic place-name Diseart Nuadhain (St.Nuadhan’s hermitage or church). Although it should be said that the term is also used for the Hawthorn blossom that whitens the hedges in late spring.

The lyrics : “Eastersnowe” here is of unknown origin and age but was a favourite of the late Florry Brennan of Lanesboro, who got it from Seamus Ennis, who collected the tune from the Donegal traveller fiddlers, the Gallaghers.

Eastersnowe
In the twilight of the morning as I roved out upon the dew,
With my morning cloak around me intending all of my flocks to view.
‘Twas there I spied a fair one and oh, she was a beauty bright,
And I took her for Diana or the evening star that rules the night.



Mareka Naito 内藤希花 (fiddle)
Junji Shirota 城田純二 (guitar)


The Mountains of Pomeroy

Dr George Sigerson (1836-1925), a physician, scientist, writer and poet from Co Tyrone, wrote words to the tune, and they were published in 1869 in The Harp of Erin: A Book of Ballad-Poetry and of Native Song (p.229). The poem cites “The Mountains of Pomeroy” as the melody, so it is reasonable to assume that the tune existed under that name before Sigerson wrote words to it.


The morn was breaking bright and fair
The lark sang in the sky
When the maid, she bound her golden hair
With a blithe glance in her eye
For, who beyond the gay green-wood
Was a-waiting her with joy
Oh, who but her gallant Renardine
On the mountains of Pomeroy –>>

Harp: Mareka Naito
guitar: Junji Shirota

CHORUS
An outlawed man in a land forlorn
He scorned to turn and fly
But kept the cause of freedom safe
Up on the mountains high . . .


Kitty O’Neil’s

Kitty O’Neil (1855 – April 16, 1893) was one of the most celebrated American variety theatre dancers of the late 19th century. From around 1863 until 1892, she performed in New York City, Boston and elsewhere in the United States, and at her death was acclaimed by The New York Times as “the best female jig dancer in the world.” Kitty’s name is remembered today chiefly because of “Kitty O’Neil’s Champion,” a “sand jig” named in her honor that was first published in 1882 and revived starting in the 1970s by fiddler Tommy Peoples and other Irish traditional musicians. Here played as a barn dance, it is named “Kitty O’Shea’s” – should be “Kitty O’Neil’s”

Edel Fox, concertina — Niall Byrne, fiddle.


fiddle: Mareka Naito —  guitar: Junji Shirota


Little Bird

Tim Edey …  playing  “Little Bird” – a tune, which he wrote for Irish Traditional accordeon player, Sharon Shannon.   Forefront productions produced this series in 2009 for RTE television in Ireland.  Tim Edey originally from Kent  is filmed live in Dingle, Co Kerry.


Little Bird · Sharon Shannon · Alan Connor In Galway
Provided to YouTube by The Orchard Enterprises
Music Publisher: Sharon Shannon/New Recordings