Boris Vian

Boris Vian, né le 10 mars 1920 à Ville-d’Avray et mort le 23 juin 1959 à Paris, est un écrivain, poète, parolier, chanteur, critique musical, musicien de jazz (trompettiste) et directeur artistique français.
Ingénieur formé à l’École centrale, il s’est aussi adonné aux activités de scénariste, de traducteur (anglais américain), de conférencier, d’acteur et de peintre.

Sous le pseudonyme de Vernon Sullivan, il a publié plusieurs romans dans le style américain, parmi lesquels J’irai cracher sur vos tombes qui a fait scandale. Si les écrits de Vernon Sullivan ont attiré à Boris Vian beaucoup d’ennuis avec la justice et le fisc, ils l’ont momentanément enrichi à tel point qu’il pouvait dire que Vernon Sullivan faisait vivre Boris Vian. Il a souvent utilisé d’autres pseudonymes, parfois sous la forme d’une anagramme, pour signer une multitude d’écrits.

Boris Vian a abordé à peu près tous les genres littéraires : poésie, documents, chroniques, nouvelles. Il a aussi produit des pièces de théâtre et des scénarios pour le cinéma. Son œuvre est une mine dans laquelle on continue encore de découvrir de nouveaux manuscrits au XXIe siècle. Il est également l’auteur de peintures, de dessins et de croquis, exposés pour la première fois à l’annexe de La Nouvelle Revue française en 1946. Une exposition à la Bibliothèque Nationale de France lui a été consacrée en 2011-2012. Pendant quinze ans, il a aussi milité en faveur du jazz, qu’il a commencé à pratiquer dès 1937 au Hot Club de France.

Son œuvre littéraire, peu appréciée de son vivant, est saluée par la jeunesse dès les années 1960-1970. L’Écume des jours en particulier, avec ses jeux de mots et ses personnages à clef, est passé à la postérité. Il est désormais un classique, qu’on étudie souvent dans les collèges et les lycées. « Si, au cours de sa brève existence, il a multiplié les activités les plus diverses, son nom s’inscrit aujourd’hui parmi les plus significatifs de la littérature française. »

Réputé pessimiste, Boris Vian adorait l’absurde, la fête et le jeu. Il est l’inventeur de mots et de systèmes parmi lesquels figurent des machines imaginaires et des mots, devenus courants de nos jours. Mais il a également élaboré des projets d’inventions véritables lorsqu’il était élève ingénieur à l’École centrale Paris. Sa machine imaginaire la plus célèbre est restée le pianocktail, instrument destiné à faire des boissons tout en se laissant porter par la musique.

Il meurt en 1959 (à 39 ans) à la suite d’un accident cardiaque survenu lors de la projection de l’adaptation cinématographique de son livre J’irai cracher sur vos tombes.

https://fr.wikipedia.org/wiki/Boris_Vian



A tous les enfants qui sont partis le sac à dos
Par un brumeux matin d’avril
Je voudrais faire un monument
A tous les enfants
Qui ont pleuré le sac au dos
Les yeux baissés sur leurs chagrins
Je voudrais faire un monument
Pas de pierre, pas de béton
Ni de bronze qui devient vert
Sous la morsure aiguë du temps
Un monument de leur souffrance
Un monument de leur terreur
Aussi de leur étonnement
Voilà le monde parfumé,
Plein de rires, plein d’oiseaux bleus
Soudain griffé d’un coup de feu
Un monde neuf où sur un corps
qui va tomber
Grandit une tache de sang

Mais à tous ceux qui sont restés
Les pieds au chaud, sous leur bureau
En calculant le rendement
De la guerre qu’ils ont voulue
A tous les gras tous les cocus
Qui ventripotent (1) dans la vie
Et comptent et comptent leurs écus
A tous ceux-là je dresserai
Le monument qui leur convient
Avec la schlague (2), avec le fouet
Avec mes pieds avec mes poings
Avec des mots qui colleront
Sur leurs faux-plis (3) sur leurs bajoues
Des marques de honte et de boue.

(1) ventripoter : verbe crée par B. Vian sur l’adjectif « ventripotent « (qui a un gros ventre).
(2) schlague : coups de baguette ; punition en usage autrefois dans l’armée allemande.
(3) faux-plis : pliures qui ne devraient pas exister.

Le déserteur   [par Boris Vian]

Monsieur le Président / Je vous fais une lettre
Que vous lirez peut-être / Si vous avez le temps
Je viens de recevoir / Mes papiers militaires
Pour partir à la guerre / Avant mercredi soir
Monsieur le Président / Je ne veux pas la faire
Je ne suis pas sur terre / Pour tuer des pauvres gens
C’est pas pour vous fâcher / Il faut que je vous dise
Ma décision est prise / Je m’en vais déserter
Depuis que je suis né / J’ai vu mourir mon père
J’ai vu partir mes frères / Et pleurer mes enfants
Ma mère a tant souffert / Elle est dedans sa tombe
Et se moque des bombes / Et se moque des vers
Quand j’étais prisonnier / On m’a volé ma femme
On m’a volé mon âme / Et tout mon cher passé
Demain de bon matin / Je fermerai ma porte
Au nez des années mortes / J’irai sur les chemins

Je mendierai ma vie / Sur les routes de France
De Bretagne en Provence / Et je dirai aux gens:
Refusez d’obéir / Refusez de la faire
N’allez pas à la guerre / Refusez de partir
S’il faut donner son sang / Allez donner le vôtre
Vous êtes bon apôtre / Monsieur le Président
Si vous me poursuivez / Prévenez vos gendarmes
Que je n’aurai pas d’armes / Et qu’ils pourront tirer

Nota:
La version initiale des 2 derniers vers était:
“que je tiendrai une arme, et que je sais tirer…”

Boris Vian a accepté la modification de son ami Mouloudji
pour conserver le côté pacifiste de la chanson!