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Napoléon à Sainte Hélène

l’exil à Sainte-Hélène

 

Que serait Napoléon Ier sans l’exil à Sainte-Hélène ? Un conquérant et un dictateur défait après quinze années de campagnes militaires. Cet exil et la manière dont l’Empereur a su le magnifier à travers les confidences à ses proches ont élevé sa courte vie à la dimension d’une épopée (epic) incomparable, la « Légende des Siècles » (Victor Hugo). C’est au soir de Waterloo que le règne finit et la légende commence.

L’Empereur prend à cheval la route de Paris. Épuisé, il arrive le 21 juin au palais de l’Élysée, où l’attend sa deuxième défaite. Apres son retour à Paris, il est contraint d’abdiquer en faveur de son fils de 5 ans, Napoleon François, le roi de Rome.

Le 29 juin, Napoléon monte dans sa voiture, accompagné des généraux Bertrand, Gourgaud, Conseiller Las Cases et d’autres proches, et prend la route vers Rochefort, où deux frégates françaises ont été commandées pour son embarquement et celui de son entourage vers l’Amérique.

Il se rend donc avec ses fidèles au port de Rochefort.  Mais ils trouvent qu’un croiseur anglais, le Bellepheron, bloque le Raid de Rochefort.

Il y a encore des possibilités.  Les frégates peuvent affronter les Britanniques.  Mais il n’en a pas sa volonté, car il y aurait peut etre, des pertes de vie et d’un navire, juste pour son intérêt personnel.

On lui suggère même de se cacher dans un tonneau sur un navire marchand.  Mais il n’a aucune envie d’être retrouvé comme un fugitif caché.

 

Napoleon parmi les Britanniques

Il peut se livrer aux Britanniques et espérer que leur fierté nationale sera la garantie d’un bon traitement.  Il a même écrit une courte lettre au prince régent, le futur roi George IV.  Il se compare à Thémistocle se rendant aux Perses.  Le général Savary, son dernier ministre de la Police, se rend sur le Bellérophon en compagnie de Las Cases, qui parlait anglais.  Mais les deux émissaires ont recu un refus du capitaine Maitland.   Le Premier ministre, Lord Liverpool, déteste la France, déteste la revolution, déteste Napoleon.  Il avait déjà décidé d’envoyer Napoleon à Sainte-Hélène.

Pourquoi Sainte Hélène ?  Elle était la propriété de la Compagnie des Indes orientales sous contrôle britannique – mais l’habeas corpus ne faisait pas partie de son droit.  Elle était bien fortifiée par les falaises formées par des volcans.  Napoléon était populaire auprès du parti d’opposition, les Whigs.  Donc, il sera déplacé dans l’Atlantique Sud, à 7 000 km de la Grande-Bretagne.  Cela a été un choc pour Napoléon et pour ses fidèles.

La décision a été prise avant que Napoléon ne monte à bord du Bellerophon.

Napoléon a bord le Bellérophon

Sir William Quiller Orchardson 1832-1910

Presenté par les Trustees de Chantrey, 1880  

http://www.tate.org.uk/art/work/N01601

 

15 juillet 1815 – Vers 06 h 30, le général Henri Bertrand monte à bord du Bellérophon, suivi par Napoléon. Sous la garde des Royal Marines, Napoléon retire son chapeau et annonce « Je viens me mettre sous la protection de votre prince et de vos lois » et le Capitaine Maitland s’incline en réponse.

Avec l’ancien empereur à bord d’un navire de guerre britannique, les guerres de Napoléon sont terminées.

Napoléon est d’abord traité avec l’honneur et le respect dus à un souverain.   Le navire prend la mer et arrive à Torbay et quelques jours plus tard, il se rend à Plymouth.  Le 31 juillet, il apprend qu’il va être envoyé à Sainte-Hélène, à 7000 kilomètres au sud de l’Angleterre, au milieu de l’Atlantique Sud.    Il est autorisé à emmener avec lui trois officiers, plusiers serviteurs et son chirurgien. Donc Napoléon est transféré sur le Northhumberland, armé de 78 canons,  sous la surveillance de l’amiral George Cockburn.

Le 15 octobre, après 70 jours de navigation, le Northumberland atteré  à Jamestown, Sainte-Hélène, une petite île montagneuse de la même taille que l’île de Jersey.  Mme Bertrand l’aurait décrite comme « chiée par le diable ».

 

Les Balcombes

Napoléon et ses proches passent la première nuit à l’hôtel du Port.  Le lendemain matin, ils montent sur les collines pour voir Longwood, leur maison qui est en train d’être préparée.  Elle ne sera pas prête avant trois mois, mais à ses retour, Napoléon est séduit par la situation d’une maison appelée “Briars”.  Le propriétaire, M. Balcombe, a même offert sa propre maison, mais Napoléon a déclaré que l’annexe suffirait.  Les membres de la famille deviennent ses amis, en particulier la fille âgée de 13 ans, Betsy.  Des années plus tard, Betsy publiera ses souvenirs de son séjour sur l’île avec Napoléon. Voir : To Befriend an Emperor

« Je me souviens très bien des sentiments de crainte mêlés d’admiration que j’ai éprouvés en regardant pour la première fois celui que j’avais appris à tant craindre…   Je me souviens que j’ai voulu courir me cacher; mais maman m’a demandé de rester et de me souvenir du français et de le parler aussi bien que je le pouvais. … Le groupe arriva et ils descendirent tous de cheval, à l’exception de l’empereur, qui était maintenant parfaitement visible. Il resta assis et remonta l’avenue, les pieds de son cheval coupant le gazon de notre belle pelouse. … Son apparence à cheval était noble et imposante.”

Bientôt, ils étaient tous les deux en termes familiers.  Betsy l’appelle même “Boney” et Napoléon ne se vexa jamais.   Elle a raconté qu’elle avait un jour menacé Napoléon avec sa propre épée. Selon elle l’Empereur produisit la plus magnifique épée.  Elle était fascinée et a supplié qu’on lui permette de la tenir.

« J’ai sorti la lame rapidement et j’ai commencé à la brandir au-dessus de sa tête, lui faisant des passes, l’empereur reculant, jusqu’à ce qu’enfin je l’épingle dans un coin ;  je n’ai cessé de lui dire, qu’il ferait mieux de faire ses prières, car j’allais le tuer”.  Sa sœur Jane a entendu le brouhaha, et elle l’a réprimandée.

Les trois mois ont donc passé et il est temps de déplacer vers Longwood.  Napoléon invite les Balcombes lui rendre visite à Longwood, un endroit où il ne sera jamais content.

 

Emmanuel de Las Cases

Marquis d’Ancien Régime, comte d’Empire, Emmanuel de Las Cases, dont le nom est célèbre pour avoir suivi Napoléon dans son exil.

La plupart de ceux qui étaient en âge de porter les armes avaient émigré en 1791.   C’est ainsi que Las Cases, s’est rendu en Angleterre, ou il avait gagné sa vie en publiant un Atlas géographique et historique qui connut le succès.

Avec le temps, il commençait à considérer le Premier Consul, Napoléon, pour ce qu’il était – et d’abord un grand organisateur. Apres onze ans d’exile il est revenu en France en 1802.

 

Le naissance du Memorial de Sainte-Hélène

Maintenant à bord du Northhumberland et en route pour Sainte-Hélène, Napoléon et Las Cases développent une relation qui est vitale pour le bien-être et le legend de Napoléon.  Lorsqu’il parle de suicide, c’est Las Cases qui devient le professeur et Napoléon l’élève.

Selon Las cases – “Je me suis violemment opposé à ces pensées. Les poètes et les philosophes avaient dit que, pour eux, voir un homme lutter contre le malheur était un spectacle digne ; un personnage aussi noble et grandiose ne pouvait pas descendre au niveau des âmes les plus vulgaires ; celui qui nous avait gouvernés avec tant de gloire, qui avait retenu l’admiration et les destins du monde ne pouvait pas finir comme un joueur désespéré ou un amant trahi”.

Tout en remarquant que les propos de Las Cases sont intéressants, Napoléon se demande ce qu’ils vont faire dans un endroit aussi isolé que Sainte-Hélène. Las Cases répond :

”Sire, nous vivrons sur le passé, il a tout ce qu’il faut pour nous satisfaire. Nous nous réjouissons de la vie de César, de celle d’Alexandre ? Eh bien, nous avons mieux que cela, votre vie – nous vous relirons, sire !” “Bien !” dit-il, “nous écrirons nos Mémoires. Oui, le travail fait passer le temps. Après tout, il faut accomplir son destin, c’est aussi ma grande doctrine”.

C’est Las Cases qui formule ce qui donnera un sens à la vie de Napoléon en captivité.   Ensemble, ils écriront l’histoire de sa vie.  Las Cases a été l’oreille attentive de l’Empereur Napoléon.  Il s’est intéressé autant à l’homme privé qu’à l’homme d’Etat, livrant de Napoléon un portrait complet – Le Memorial de Sainte-Hélène

Le Northumberland, sous les ordres du capitaine Cockburn, a donc navigué vers le sud pendant 70 jours.  Enfin, ils ont vu la scène où se joueront les cinq prochaines et dernières années de la vie de Napoléon.   Cet ancien volcan écroulé au milieu de nulle part va enfin connaître son heure de célébrité.

Ce n’est pas seulement Sainte-Hélène qui sera sa prison, mais tout l’Atlantique Sud.  Seuls les navires britanniques et ceux qui en ont la permission peuvent y entrer.   La peur de la personne de Napoléon est si répandue que 3000 gardiens ont été rassemblés pour garder un seul homme.   Il y avait 500 canons, plus que les Britanniques avaient à Waterloo.

 

Description de Longwood –  [Le Memorial de Sainte-Hélène]

 On connait pas un empereur dans cette ile.   Cockburn

Une nouvelle partie de notre existence sur le misérable rocher de Sainte-Hélène s’ouvre à nous. Nous étions installés dans notre nouvelle demeure et les limites de notre prison étaient tracées.

Longwood est situé sur l’une des parties les plus élevées de l’île. La différence de température entre cet endroit et la vallée où nous avons débarqué est marquée par une variation d’au moins dix degrés.

Longwood se trouve sur une hauteur plane, assez étendue du côté est, et assez proche de la côte. Des coups de vent continuels et souvent violents, soufflant toujours dans le même sens, balaient la surface du sol. Le soleil apparait rarement.

Des pluies abondantes et soudaines dans chaque saison, parce que il n’y a pas de saisons régulières à Longwood. Toute l’année, il y a du vent, des nuages et de la pluie, et la température est douce et monotone.  Malgré les pluies abondantes, l’herbe disparaît rapidement, coupée par le vent ou flétrie par la chaleur. L’eau de puits est si malsaine que le sous-gouverneur, n’a jamais permis, qu’elle soit utilisée dans sa famille avant d’avoir été bouillie ; et nous sommes obligés d’en faire autant.

Les arbres qui, de loin, donnent un aspect souriant à la scène, ne sont que des gommiers, une espèce d’arbuste misérable, qui ne donne pas d’ombre. D’un côté, l’horizon est délimité par le vaste océan, mais le reste de la scène ne présente qu’une masse d’énormes rochers stériles, de gouffres profonds et de vallées désolées ; au loin, apparaît la chaîne de montagnes verdoyantes et brumeuses, au-dessus de laquelle se dresse Diana’s Peak.  En bref, Longwood ne peut être agréable qu’après les fatigues d’un long voyage.

Pendant deux mois, des ouvriers ont travaillé sans relâche à la préparation de Longwood en vue de notre réception, mais le résultat de leur travail n’a pas été très important. L’entrée de la maison se faisait par une pièce qui venait d’être construite et qui était destinée à remplir la double fonction d’antichambre et de salle à manger. Cet appartement conduisait à un autre, qui était devenu le salon ; au-delà de celui-ci, il y avait une troisième pièce en croix et très sombre. La chambre de l’empereur s’ouvrait sur cet appartement du côté droit. Cette chambre était divisée en deux parties égales, formant le cabinet et la chambre à coucher de l’empereur : une petite galerie extérieure servait de salle de bains.

En face de la chambre de l’Empereur, à l’autre extrémité du bâtiment, se trouvaient les appartements de Madame de Montholon, de son mari et de son fils. Détachée de cette partie de la maison, une petite pièce carrée du rez-de-chaussée, contiguë à la cuisine, était pour moi. Mon fils était obligé d’entrer dans sa chambre à l’aide d’une échelle ; ce n’était rien d’autre qu’un grenier, et il n’y avait guère de place pour son lit. Nos fenêtres et nos lits n’avaient pas de rideaux. Les quelques meubles qui se trouvaient dans nos appartements avaient manifestement été obtenus des habitants de l’île, qui avaient sans doute saisi l’occasion de s’en débarrasser.

 

 

Treize mois plus tard

Après treize mois de présence sur l’île, Emmanuel de Las Cases était arrêté le 25 novembre 1816 sur ordre du gouverneur Hudson Lowe. Il a appréhendé Las Cases et son fils, et saisir leurs papiers. Un mois plus tard, ils étaient transférés au Cap, en Afrique du Sud.

 

 

Barry O’Meara

 

Barry Edward O’Meara (1786-1836), né à Dublin, était chirurgien à bord du Bellerophon lorsque l’empereur s’est rendu.  Il était d’accord lorsque Napoléon lui demanda de l’accompagner en tant que médecin.

O’Meara, tenant un exemplaire de son livre,

 Une voix de Sainte-Hélène (1822) à

 

Par E. W. Chadwick – Domaine public, https://commons.wikimedia.org/w/index.php?curid=89014512

 

 

 

Une voix de Sainte-Hélène : Notes

Napoléon –

” Je suis d’avis que, dès que les affaires de la France seront réglées et que les choses seront calmes, le gouvernement anglais me permettra de retourner en Europe et de finir mes jours en Angleterre. Je ne crois pas qu’ils soient assez fous pour dépenser huit millions par an pour me garder ici”.

  • Vis-a-vis Le Gouverneur de l’ile

P 59 : — Napoléon – “J’ai dit à Hudson Lowe qu’on avait décrété que je serais traité comme un prisonnier, mais qu’il me traitait plus mal qu’un condamné à mort, car ceux-ci avaient le droit de recevoir des journaux et des livres imprimés.  J’ai dit : “Vous avez du pouvoir sur mon corps, mais pas sur mon âme. Cette âme est aussi fière, féroce et déterminée en ce moment que lorsqu’elle commandait l’Europe”.

P 84 : – Napoléon ” Une preuve qu’il est pire que son gouvernement, c’est qu’ils ont envoyé plusieurs choses pour me mettre à l’aise ; mais lui ne fait que me tourmenter, m’insulter et rendre mon existence aussi misérable que possible. Pour compléter l’affaire, il écrit des lettres pleines de douceur et d’onctuosité, qu’il envoie ensuite chez lui, pour faire croire au monde qu’il est notre meilleur ami”.

P 85 – Napoléon : ” Comme c’était différent avec l’amiral (Cockburn)  Nous avions l’habitude de converser ensemble socialement, sur des sujets différents, comme des amis.

O’Meara : “Selon son désir, j’ai écrit un compte-rendu de ce qu’il avait dit, à Sir Hudson Lowe ; en évitant, cependant, de répéter les expressions les plus fortes”.

P 91 – 9 oct O’Meara : Son Excellence (Sir Hudson Lowe) a alors fait remarquer que ma correspondance devait être soumise aux mêmes restrictions que celles qui s’appliquaient aux proches du général Bonaparte. J’ai répondu que s’il n’était pas satisfait de la manière dont les choses se présentaient, j’étais prêt à démissionner.

 

Le dénouement :

En tant que médecin privé de Napoléon, O’Meara se trouve dans une position délicate.   Napoléon va tenter de justifier son retour en Europe par un mauvais état de santé dû au climat tropical.  O’Meara subit des pressions de la part des Britanniques et des Français. Les Britanniques affirment que Napoléon est en excellente santé. Les Français exigent qu’il soit rapatrié pour éviter qu’il ne succombe aux maladies tropicales.

O’Meara aggrave la situation en commençant à écrire à diverses personnes pour leur raconter des conversations et des anecdotes liées à la vie à Sainte-Hélène. Tout cela à l’insu du gouverneur de l’île, Hudson Lowe.  La situation s’envenime et O’Meara refuse de collaborer avec Lowe.  O’Meara reçut l’ordre de quitter Longwood le 25 juillet 1818 et est arrêté et expulsé de l’île.

 

Nous avons vu quelques-uns des personnages qui ont joué leur rôle dans le drame annoncé sur la scène de Sainte-Hélène.  Il y avait plusieurs autres personnages importants.  Les généraux Gourgaud, Bertrand et Montholon ont tous joué leur rôle du côté français et ont pris la plume par la suite.  Les capitaines Maitland et Cockburn et, bien sûr, Sir Hudson Lowe du côté britannique.  Un autre document serait nécessaire pour rendre justice, même de façon minimale, à leurs rôles.  Tous ces personnages nous éclairent sur la personnalité et l’expérience de fin de vie à nulle autre pareille.

Il existe également des preuves du déclin de la santé de Napoléon, qui a conduit à sa mort à l’âge de 51 ans en mai 1821.  Le mois précédent, il avait consacré beaucoup d’efforts à la préparation et à la rédaction de son testament, 5 longues pages et quelques codicilles.  Il lui faudra encore 20 ans pour l’administrer.

 

Il a été enterré à Sainte-Hélène, mais le retour des cendres a Paris a été organisé en 1840. Dans son testament il y a cette phrase : ” Je désire que mes cendres reposent sur les bords de la Seine, au milieu de ce peuple français que j’ai tant aimé. ”

 

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Sir William Quiller Orchardson 1832-1910

Presenté par les Trustees de Chantrey, 1880  

http://www.tate.org.uk/art/work/N01601

Napoleon abord le Bellérophon

15 juillet 1815 – Vers 06 h 30, le général Henri Bertrand monte à bord du Bellérophon, suivi par Napoléon. Sous la garde des Royal Marines, Napoléon retire son chapeau et annonce « Je viens me mettre sous la protection de votre prince et de vos lois » et le Capitaine Maitland s’incline en réponse.

 

 

Rodin et Monet

 Rodin et Monet

Auguste Rodin et Claude Monet sont nés à Paris à deux jours d’intervalle en novembre 1840.   Cependant, il semble qu’ils ne se soient rencontrés qu’à plus de 40 ans.  Ils ont des amis communs, comme les écrivains et critiques Octave Mirbeau et Gustave Geoffroy.  Comme a écrit Geffroy, “nous étions très amis tous les quatre, malgré les différences d’âge et la situation, et je puis dire avec une joie mélancolique qu’a travers tout, nous sommes restés amis, jusqu’à  la fin de Rodin, jusqu’à  la fin de Mirbeau“. [2]

L’Age D’Airain

Rodin Age Airain

Les deux artistes et le marchand d’art Paul Durand-Ruel ont fréquenté les dîners d’un groupe d’artistes et d’hommes de lettres réunis par Mirbeau.   Ils ont été liés par une amitié et une admiration réciproque.   Après Rodin vient de passer quinze jours chez les Mirbeau en Bretagne en ’87, Octave a écrit à Monet  – “si vous saviez quel respect, quel tendre admiration Rodin a pour vous!   Dans la campagne, sur la mer, devant un horizon lointain, un frisonnement de feuillages, une fuite de mer changeante, il s’écriait avec un enthousiasme qui  en disait longue : Ah ! que c’est beau . . . C’est un Monet !   Il n’a jamais vu l’Océan, et il l’a reconnu d’après vos toiles ; vous lui en avez donné l’exacte et vibrante sensation.”  [2]

Il est difficile d’imaginer des parcours artistiques plus différents que ceux de Rodin et de Monet. Rodin quitte Paris pour Bruxelles pendant quelques années :  L’Âge d’Airain lui apporte la reconnaissance en ’77.   Il est finalement acquis en ’80 par l’État, qui lui commande également La Porte de l’Enfer. D’autres commandes suivront : le Buste de Victor Hugo et le Monument des Bourgeois de Calais.  En ’87, Rodin est fait Chevalier de la Légion d’Honneur.  Désormais considéré comme un artiste officiel, il compte parmi les membres du jury de l’Exposition Universelle de ’89.

Monet, quant à lui, est aussi un artiste reconnu : sa carrière débute réellement en ’65 avec le Déjeuner sur l’herbe, auquel succède l’année suivante les Femmes au jardin ; en ’74, il signe avec Impression, Soleil levant l’acte de naissance du mouvement impressionniste.  Mais il est constamment en butte à des problèmes d’argent, et confronté à l’incompréhension du public et aux sarcasmes de la critique.

Autour de la Galerie Georges Petit, Rodin et Monet y exposent régulièrement dans le contexte d’expositions collectives. En ’86, les œuvres de Monet et de Renoir sont exposées chez Petit, aux côtés de sculptures de Rodin. Les trois artistes se retrouvent en ’87, lors de la sixième exposition internationale, entourés de Raffaelli, Pissarro, Sisley, Morisot et Whistler.  Le décor est alors planté pour réunir les œuvres de Monet, Rodin, Renoir et Whistler dans une même exposition à la galerie Petit. Mais devant le refus de Petit, une autre exposition est envisagée, “mais rien que vous et moi“,  écrit Monet à Rodin, conscient de la place qu’ils occupaient tous deux dans le paysage artistique de l’époque.  L’exposition sera accompagnée d’un catalogue dont Mirbeau (pour Monet) et Geoffroy (pour Rodin) seront les deux préfaciers.
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Carton d’invitation : Messieurs Claude Monet et A. Rodin vous prient de leur faire l’honneur d’assister à  l’inauguration de leur Exposition, qui aura lieu le vendredi 21 juin 1889, de 2 heures à 6 heures, Galerie Georges Petit, 8, rue de Sèze.[2]
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Monet a prévu d’exposer 145 tableaux, datés de ’64 à ’89.   Il s’investit totalement dans le projet, mais Rodin est plus détaché :  distrait par son travail sur La Porte de l’Enfer, il écrit à Geoffroy : “Je ne pourrai exposer que très peu, presque rien, mon nom sera avec Monet, voila tout” :   Néanmoins, le public peut voir 36 sculptures à côté des peintures de Monet.  Le veille du vernissage, Monet et Petit adressent un ultime télegramme à Rodin – “Nous ouvrions à 9 h demain matin et si ne vous voyons pas ce soir, rien ne sera pret. C’est de la plus haute importance”.
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Mais le lendemain matin, Monet voyait que les Bourgeois de Calais masquent un partie de ses propres oeuvres.  Il a écrit à Petit le jour même : « Je suis venu ce matin à la galerie où j’ai pu constater que mon panneau du fond, le meilleur de mon exposition, est absolument perdu depuis le placement du groupe de Rodin.  Le mal est fait…c’est désolant pour moi. . .  je suis sorti de la galerie complètement navré . . .  Je n’aspire qu’à une chose, c’est prendre le chemin de Giverny et y trouver le calme… »
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Edmond de Goncourt rapporte que Rodin aurait réagi violemment au mécontentement de Monet : « Il s’est passé des scènes terribles où le doux Rodin, sortant tout à coup un Rodin inconnu à ses amis, s’est écrité : ‘Je me fous de Monet, je me fous de tout le monde, je ne m’occupe que de moi ! »   Malgré ces tensions bientôt dissipées, l’exposition rencontre un grande succès public et critique.
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(Charles Frémine à écrit dans Le Rappel 23 juin ).   Ils devaient se grouper. L’un semble compléter l’autre.   Rodin ne pouvait trouver de meilleur cadre à sa sculpture que la peinture de Claude Monet.  C’est ainsi que se présente la très remarkable exposition qui s’est ouverte hier chez George Petit.  A première vue, on voit que les deux artistes ne relèvent que d’eux-mêmes.  On est bien réellement chez eux, et la nature y est bien chez elle.  C’est à elle seule qu’ils se sont adressés, . .   Résultat : étonnement, nouveauté, originalité. . . Ce qu’ils sont recherché tous deux, avec passion, ce qu’ils ont trouvé, c’est la vie.  [3]
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 Néanmoins, tous les critiques n’ont pas approuvé l’exposition commune : par ex. Paul Foucher – Le Gil Blas, bien qu’il soit fan des deux artistes, a écrit :  S’il y a quelque affinité entre leur talents j’avoue qu’elle m’echappe.  Ils ont tous deux le sentiment de la nature, l’un dans la forme, l’autre dans la couleur, c’est évident . . Ils sont originaux, c’est certain ; mais tout cela ne constitue pas une ressemblance.  Ils n’évoque ni les mêmes impresssions ni les mêmes pensées :  et dans notre monde affairé l’un fait fatalement tort a l’autre. [3].
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Quelques années plus tard Monet, avec de la sagesse indulgente, a écrit  à Rodin  ” si vous voulez venir jusqu’à Giverny nous pourrons ensemble rappeler nos souvenirs de cette exposition qui, si elle a servi à nous mettre en lumiére, a eu aussi le grand inconvénient de nous désunir momentanément “. [2].

Causes communes

Bien que blessé par l’attitude de Rodin lors de la préparation de leur exposition commune, leur correspondance régulière témoigne de leur amitié fidèle, jusqu’à la mort du Rodin en 1917. Ils se retrouvent également autour de causes communes, se soutiennent et partagent leurs amitiés.

En ’92, le peintre Jules Breton, chargé de l’exécution d’un grand paysage pour l’Hôtel de Ville de Paris, présente sa démission. Rodin, qui est alors membre de la commission de décoration de l’édifice, propose Monet pour le remplacer.   En ’94, grâce à Monet se rencontrent à Giverny Rodin et Cézanne – autre figure majeure de la modernité – en présence de Mirbeau, Clémenceau et Geoffroy.

Une amitié fidèle

En ’97 paraît le premier ouvrage consacré aux dessins de Rodin, préfacé par Mirbeau.  À Monet, qui lui a écrit pour lui dire son amitié et son admiration, Rodin répond : « Votre lettre m’a réjoui, car vous savez que préoccupés comme nous le sommes tous les deux par notre poursuite de la nature, les manifestations de l’amitié en souffrent, mais le même sentiment de fraternité, le même amour de l’art, nous a fait amis pour toujours, aussi suis-je heureux de recevoir votre lettre. (…) C’est toujours la même admiration que j’ai pour l’artiste qui m’a aidé à comprendre la lumière, les nuées, la mer, les cathédrales que j’aimais tant déjà, mais dont la beauté réveillée dans l’aurore par votre traduction m’a touché si profondément. »

L’année suivante, Monet écrit à Rodin pour lui renouveler son soutien. Le sculpteur essuie alors les feux de la critique avec son Balzac, dont le plâtre est exposé pour la première fois au Salon. Monet joint sa signature à celles d’artistes et d’intellectuels dans une lettre de protestation publique.   Rodin écrit à Monet pour le remercier : « Votre appréciation est une de celles qui m’étayent fortement ; j’ai reçu une bordée, qui est pareille à celle que vous avez eue autrefois quand il était de mode de rire de l’invention que vous aviez eue de mettre de l’air dans les paysages [. . .] votre exposition victorieuse donne de la force aussi  à  tous les artistes persécutés comme je suis maintenant. Quel effet qui n’avait jamais été employé avant vous, et cette cathédrale dans la  brouillard. »

En 1900, Monet est l’un des contributeurs du catalogue des œuvres de Rodin. Le court texte exprime son amitié et son admiration pour Rodin : « Vous me demandez de vous dire, en quelques lignes, ce que je pense de Rodin .. ce que je tiens à vous dire, c’est ma grande admiration pour cet homme unique en ce temps et grand parmi les plus grands. L’exposition de son œuvre sera un événement [ ..] »

Lorsqu’en ’04 est lancée la souscription publique pour offrir un agrandissement en bronze du Penseur à la Ville de Paris,  Monet tient à y contribuer, à hauteur de deux cents francs, une somme considérable à l’époque, pour un artiste aux revenus relativement modestes.

C’est encore grâce à Monet qu’une exposition de dessins de Rodin est organisée chez Durand-Ruel, le marchand et défenseur du peintre, en ’07.   Enfin, en mai 1917, quelques mois avant la disparition de Rodin, Monet, en prévision de la création du musée qui consacrera l’œuvre de son ami, propose ses services pour aider au classement des dessins du sculpteur.

Deux collections «amies»

L’amitié entre les deux artistes a laissé des témoignages dans leurs collections. En 1888 Monet donne à Rodin un tableau intitulé Belle-Île, appartenant à un ensemble de 39 toiles qu’il a peintes sur le motif en ’86 au cours de son séjour à Belle-Île-en-Mer. Conservée par Rodin au second étage de la Villa des Brillants, l’œuvre est aujourd’hui toujours dans les collections du musée.

En échange, Rodin propose à Monet un bronze de la Jeune mère à la grotte. Ayant reçu le bronze, Monet écrit au sculpteur : « Mon cher Rodin, que je vous dise combien je suis heureux du beau bronze que vous m’avez envoyé. Je l’ai placé dans l’atelier afin de le voir constamment .. Amitiés. »

Finalement, la donation de ses œuvres à l’État par Rodin inspire Monet qui décide à son tour de donner à l’État  la série des Nymphéas.

Conclusion:

Bien qu’ils travaillent dans des genres différents, tous deux ont cherché à capter un sentiment de spontanéité, de vitalité et de mutabilité dans leur art. Ils manipulent leurs matériaux, qu’il s’agisse de peinture, d’argile ou de plâtre, d’une manière qui suggère que la main de l’artiste transmet une réponse personnelle à la nature. Il s’agit souvent d’effets novateurs de lumière, de texture et d’absence de finition.

Par exemple, le coup de pinceau varié de Monet, allant de touches rapides à de longs traits striés et à des boucles de peinture, confère à ses paysages un sentiment de dynamisme et de changement.  Les sculptures de Rodin, qu’elles soient en terre cuite et en plâtre qu’il travaillait lui-même, ou qu’elles soient habilement traduites en marbre et en bronze, conservent l’impression que l’artiste est en train de mouler, de façonner et de sculpter son matériau.  (4)

Impression Soleil Levant

Monet  Soleil Levant

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Rodin Bourgeois de Calais trois

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Monet Pyramides de Port Coton

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Rodin Balzac

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Monet Cathedrale Rouen dans le brouillard

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Rodin Triton et Nereid

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Monet  Rapides sur la Petite Creuse~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~

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Rodin Jeune Mere dans la Grotte

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Monet Belle ile

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Sources :

1.  L’article ci-dessus est basé sur  MUSÉE RODIN -> Rodin et les artistes -> Claude Monet    https://www.musee-rodin.fr/ressources/rodin-et-les-artistes/rencontre-rodin-et-monet

2.  [Un Livre]  MONET – RODIN   RIEN QUE VOUS ET MOIS  [Skira Flammarion    MUSEÉE RODIN]

3.  [Un Livre]  Claude Monet – Auguste Rodin  [1989 – 1990]   Centenaire de l’exposition de 1889

4.  [Article]  https://www.metmuseum.org/blogs/now-at-the-met/2017/auguste-rodin-claude-monet         Alison Hokanson  –  The Pursuit of Nature